La subsidiarité, indispensable mais oubliée

La stricte délimitation des sphères de la société civile et de l’État devrait être le point d’orgue de tout programme électoral.

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La subsidiarité, indispensable mais oubliée

Publié le 16 janvier 2022
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Un article de l’IREF Europe.

La campagne électorale pour l’élection présidentielle part mal. Comme les précédentes au demeurant. La pauvreté des débats, le flou des programmes, le pragmatisme revendiqué à l’envi par la plupart des candidats n’augurent rien de bon. La médiocrité de beaucoup de nos hommes politiques les plus connus, obnubilés par la pandémie, ne peut que produire un débat atone, réduit aux petites phrases et aux coups tordus, loin des grands principes. Parmi ceux-ci, la subsidiarité fait une nouvelle fois figure de parent pauvre. À tort.

 

Généalogie de la subsidiarité

Il est certes compréhensible que le terme de subsidiarité provoque des haussements de sourcils tant il semble étranger à notre culture. Aussi lorsque David Lisnard, le nouveau président de l’Association des Maires de France, use à répétition du terme, il fait figure d’exception dans le paysage politique français.

Au-delà de son origine latine et essentiellement militaire –une armée de secours, mais surtout une aide, un apport en cas de besoin-, la subsidiarité renvoie à la doctrine sociale de l’Église quand, au milieu du XIXe siècle, certaines communautés tentaient d’obtenir une autonomie par rapport au Saint-Siège. Il s’agissait que les affaires locales fussent traitées localement et que le niveau « supérieur » -un adjectif en lui-même problématique sur lequel nous reviendrons- n’intervienne qu’en cas de nécessité. (Jean-Philippe Feldman, « La subsidiarité et le libéralisme » in L’homme libre. Mélanges en l’honneur de Pascal SalinLes Belles Lettres, 2006, pp. 167 et s..)

Même si on le retrouve sous la plume de certains auteurs dans les années 1960, il est reconnu que, dans notre pays, le mot ne fasse son apparition que lors des années 1970 et dans un contexte fort révélateur. En effet, le domaine de l’environnement, lequel n’obtient rang gouvernemental qu’à la fin de la présidence Pompidou, voit émerger au sein des rapports officiels une notion bien connue outre-Rhin et traitée au demeurant de façon très dirigiste.

Les années 1980-1990 consacrent la subsidiarité au plus haut niveau communautaire, surtout sous la férule de Jacques Delors.

Afin d’aboutir à une Europe plus intégrée, d’aucuns diraient plus « fédérale », le président français de la Commission européenne, marqué par le syndicalisme chrétien, mobilise le concept avec deux visées :

La première, publicitaire, est de faire passer la notion comme le mécanisme qui permettra de stopper toute velléité trop centralisatrice de la part de la Communauté économique européenne, autrement dit de préserver les États-nations d’une Europe trop pesante.

La seconde est au contraire de légitimer les instances communautaires à intervenir dans un nombre croissant de domaines.

En effet, Jacques Delors a été l’un des rares hommes politiques français à avoir très bien saisi la potentialité libérale de la subsidiarité et il a tenté, avec succès, de voir consacrer au plan communautaire une acception non libérale du principe. Celui-ci se conçoit comme la nécessaire intervention du niveau « supérieur », et même l’obligation impérative de l’intervention, à partir du moment où, de manière utilitariste, ce niveau est plus efficace que le niveau « inférieur ». Comprendre ainsi la subsidiarité permet une intervention sans limites de l’Europe communautaire parce que celle-ci est toujours supposée meilleure. Les traités successifs érigent un partage des compétences tronqué : certains domaines sont de la compétence exclusive de l’Union européenne, d’autres de celle des États-membres, mais il existe une dernière catégorie qui retient l’attention : cette zone grise des compétences partagées, domaine d’élection de la subsidiarité. En effet, dans certaines matières, les États-membres et l’Union européenne peuvent intervenir concurremment, mais celle-ci peut, en vertu du principe de subsidiarité, imposer ses règles à partir du moment où elle est plus efficace.

Là encore, on voit pour quelle raison la subsidiarité, largement étrangère à notre culture politique, a mauvaise presse, quand elle n’est pas ignorée : elle traduit l’inacceptable ingérence de l’Europe dans les affaires des États. Les nationalistes, les extrémistes de tout poil et autres populistes ont beau jeu de se récrier.

 

La vraie conception de la subsidiarité

En réalité, la conception commune de la subsidiarité telle qu’elle existe dans notre pays -encore une fois lorsque le concept est mobilisé- est biaisée. Que craignait explicitement Jacques Delors ? Que l’on entende la subsidiarité de manière libérale, c’est-à-dire comme un principe qui arrête le pouvoir ou qui le comprime. Car qu’est-ce que la subsidiarité bien entendue ?

Il existe en fait deux catégories de subsidiarité.

La première, toujours obombrée bien qu’elle soit la plus importante, est la subsidiarité horizontale. Elle partage l’État et la société civile, et elle constitue l’un de piliers de la civilisation occidentale. Lorsque vous entendez, comme il nous est malheureusement arrivé de l’ouïr, un prétendu libéral vous dire que cette séparation est largement surannée ou lorsque vous le lisez, dites-vous bien que cette personne se fourvoie ou veut vous égarer (et qu’elle n’est pas le moindrement libérale…).

La seconde, qui n’est que la conséquence de la première et à laquelle pourtant il est seul fait référence coutumièrement, est la subsidiarité verticale. Elle est définie de manière habituelle comme suit : au sein de la sphère de l’État, le niveau le plus « élevé » doit intervenir à chaque fois qu’il est nécessaire : l’Union européenne, puis l’État, enfin les diverses collectivités locales en terminant par les communes. Nous retrouvons ici la conception de Jacques Delors. Or, cette présentation, pour courante qu’elle soit, est controuvée. Le niveau le plus « élevé », à l’image d’une pyramide renversée, c’est la base, autrement dit l’individu. Ce dernier, si nécessaire, peut obtenir l’aide de la société civile : d’abord sa famille ou ses proches, les associations ou les entreprises, puis les diverses collectivités locales -municipales en premier, départementales en second, régionales en troisième-, ensuite l’État, enfin et enfin seulement l’Union européenne selon le schéma Le plus de pouvoir en bas, le moins en haut.

Cette aide présente deux caractéristiques indissociables : la proportionnalité et la réversibilité. De première part, l’aide est proportionnée en intensité : elle ne substitue pas à quelqu’un, elle le soutient autant qu’il est nécessaire, et pas plus. De seconde part, l’aide est réversible. Dès qu’elle n’est plus indispensable, elle doit cesser incontinent.

En substance, tout pouvoir doit rester subsidiaire, c’est-à-dire qu’il ne doit être appelé qu’en renfort de l’autorité que chacun exerce sur lui-même. La subsidiarité s’analyse donc comme un principe porteur d’une logique de recul du pouvoir politique sur la société civile.

On réalise combien la subsidiarité ainsi entendue est largement étrangère à notre histoire. Dans un pays aussi étatiste, centralisé, unitaire et jacobin, nonobstant une décentralisation en trompe-l’œil, une décentralisation centralisée, tant la subsidiarité horizontale que la subsidiarité verticale sont aux abonnés absents. (Nous renvoyons à notre ouvrage Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron, Odile Jacob, 2020.)

Pourtant, la stricte délimitation des sphères de la société civile et de l’État devrait être le point d’orgue de tout programme électoral. Quant à une véritable décentralisation avec concurrence entre les collectivités locales, elle devrait constituer un élément essentiel du débat politique actuel.

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  • Le programme de Gaspard Koenig est axé sur la subsidiarité, et c’est bien le seul. Tous les autres se présentent comme des chefs omniscients.
    Mention spéciale à notre président actuel qui fait de ses pulsions sexuelles un programme, en nous exposant ses « envies ».

  • Une des raisons du « principe de subsidiarité » était de réduire le volume de l’administration de chaque pays, des règles générales devant être appliquées dans toute l’Europe avec, éventuellement, des adaptations locales mineures.
    Sans surprise, il n’en a rien été, la transcription des directives européennes en droit national générant, au contraire, de longs travaux administratifs ( plusieurs années, en moyenne ), permettant aux administrations locales d’en « rajouter une couche » selon le principe du « Holier than Thou » ( voir en particulier le zèle effréné de la France à durcir toutes les normes environnementales )

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