CNIL : les contrepouvoirs disparaissent

La CNIL apparait être une lanceuse d’alerte plutôt qu’un contrepouvoir respecté, comme le démontre la mise en place du pass sanitaire/vaccinal.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 1
logo cnil by paille (creative commons) (CC BY-SA 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

CNIL : les contrepouvoirs disparaissent

Publié le 15 janvier 2022
- A +

Dans le contexte actuel et dans le respect des processus démocratiques, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la réalité ou tout du moins l’efficience des contrepouvoirs, dans la mesure où ces derniers font face à une écrasante majorité à l’Assemblée nationale.

Sénat, Conseil d’état, Conseil constitutionnel… CNIL :  contrepouvoir y es-tu contre le pass ?

La promulgation de lois se fait dans une situation inédite de crise où l’urgence pour légiférer est devenue le maître mot. L’exécutif légitime ce mode de fonctionnement par la nécessité d’anticiper et en quelque sorte de prendre de court le virus. Dans cette urgence permanente se pose la question de l’amoindrissement des contrepouvoirs. Durant la période traversée tant le Sénat, que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État doivent se montrer extrêmement réactifs sur des textes qui mériteraient – pour le moins – un temps de réflexion approprié compte tenu des enjeux qui dépassent le sanitaire et concernent régulièrement les libertés publiques.

Ainsi et pour le passe vaccinal le Sénat a été invité par l’exécutif à changer le calendrier pour que le texte soit examiné le plus rapidement possible. En ayant tenté avec son gouvernement de bouleverser le calendrier sénatorial Jean Castex disait espérer voir le texte promulgué le plus rapidement possible, initialement une mise en œuvre le 15 janvier, en intégrant les éventuels recours devant le Conseil constitutionnel. La position du Sénat étant de vouloir légiférer dans la sérénité sur un texte de loi aussi sensible, il est vraisemblable que ce délai ne pourra être tenu. Quant aux débats autour de ce projet – si tant est qu’il aboutisse – les observateurs auront noté qu’ils auront été tendus et le seront jusqu’au bout. Les remarques et correctifs que pourra faire le Sénat seront-ils pris en compte ? L’histoire le dira.

Si nos institutions sont amenées depuis plus de deux ans à se prononcer dans l’urgence, au regard de la typologie des projets de lois qui se succèdent, et qui touchent – entre autres aux données personnelles – et aux libertés publiques la CNIL se devrait – de par sa mission – être un pilier de réflexion pour le législateur.

Pour rappel la mission de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en tant qu’ autorité administrative indépendante française est de « veiller à ce que l’informatique soit au service du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’Homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. »

Autant dire qu’elle est en tout premier lieu concernée par le passe vaccinal en approche, tout comme elle l’était pour le passe sanitaire. Pour autant les faits sont là pour montrer que l’exécutif ne s’en est pas saisi à des moments cruciaux.

Ainsi en juillet 2021, faute d’avoir pu être saisie par le gouvernement du fait des délais de préparation du projet de loi la présidente de la CNIL avait toutefois – sur demande du rapporteur du texte au Sénat – pu être auditionnée par le Sénat – un « moindre mal -. Le Sénat avait ainsi pu par ce truchement bénéficier de son éclairage concernant le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire.

Lors de cette audition, la présidente avait rappelé que la CNIL avait déjà émis deux avis relatifs  au passe sanitaire, le 12 mai 2021 et le 7 juin 2021 et avait déjà mis en garde et souligné la gravité de ce choix et l’extrême prudence qui devait accompagner sa mise en œuvre. Elle avait rappelé que ce passe posait certes  « des problématiques de vie privée et de protection des données à caractère personnel » mais portait plus globalement atteinte à d’autres libertés et droits fondamentaux.

Elle avait en outre rappelé lors de cette audition :

« La nécessité de prêter une attention particulière à l’effet de cliquet d’une telle mesure. Le législateur doit tenir compte du risque d’accoutumance et de banalisation de tels dispositifs attentatoires à la vie privée et de glissement, à l’avenir, et potentiellement pour d’autres considérations, vers une société où de tels contrôles seraient la norme et non l’exception. »

Avec l’arrivée du passe vaccinal, et les déclarations du Premier ministre sur lesquels je reviendrai, c’est pourtant bien la banalisation de tels contrôles qui se profile, avec un risque d’aller toujours plus loin  vers un portefeuille numérique obligatoire.

Si nous pouvons nous questionner sur les réelles marges de manœuvre du Sénat, du Conseil d’État, et du Conseil constitutionnel pour infléchir les lois qui se succèdent à un rythme effréné, nous pouvons également nous interroger sur le rôle actuel de la CNIL et la capacité qu’elle a à exercer sa mission.

Une CNIL active…  Mais…

Le 30 novembre 2021 par-delà ses avis précédent la CNIL, loin de rester inactive demandait ainsi – dans un quatrième avis  – « des comptes » au gouvernement, réclamant davantage de données sur son efficacité, afin d’être en mesure d’évaluer le dispositif. Nous voilà maintenant rendus au passe vaccinal… un nouveau pas en avant avec des enjeux qui demeurent les mêmes que pour le passe sanitaire. Pourtant il semble que la CNIL soit désormais condamnée par une urgence et un alarmisme régulièrement reconduit et brandi à courir derrière le législateur et alerter un exécutif qui semble souvent faire la sourde oreille, quand il ne se dispense pas de la saisir.

Une CNIL ignorée sur le pass ?

Certes, l’exécutif n’est pas tenu de saisir l’autorité susnommée. Pour autant cela n’est pas conforme aux usages et se passer de saisir cette autorité, négliger ses avis, ne peut être que préoccupant si cela devient la norme. Le dernier exemple en date montrant qu’elle ne peut actuellement assumer sa mission et être un contre-pouvoir efficient, ou tout du moins une force de proposition digne d’écoute,  est la prise de position du Premier ministre à propos du projet de loi actuellement débattu. Concernant la délimitation dans le temps du passe vaccinal Jean Castex a déclaré dans la matinale de BFM/RMC ce 6 janvier 2022 que  « ce n’est pas, à ce stade, ce qui est prévu »… Ignorant ipso facto les recommandations et demandes de garanties sur le sujet émanant de la CNIL.

Vers une CNIL… lanceuse d’alerte sur le pass ?

Une fois les lois promulguées, une fois la CNIL contournée, une fois que la CNIL lanceuse d’alerte s’est exprimée sans effet… Il demeure alors les voitures balais dévouées, pour tenter de sauver ce qui peut être sauvé : à savoir des organismes comme La quadrature du net, la ligue des droits de l’Homme et d’autres qui tentent alors par toute voix légale : Conseil d’état, Conseil constitutionnel, Défenseur des droits… d’infléchir des lois qui peuvent être jugées non proportionnées par rapport à la situation aussi dramatique soit elle, voire… anti-constitutionelle. Des organismes qui tentent sans discontinuer et avec obstination de remettre à l’endroit ce qui a été voté à l’envers et dans la précipitation, une précipitation qui est rarement bonne conseillère.

 

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • Il n’y a pas de contrepouvoirs, ce serait une négation de la démocratie. Mais le pouvoir souverain de la représentation nationale ne peut tout se permettre et il existe donc des pouvoirs chargés de veiller au respect de l’état de droit et que le pouvoir souverain ne devienne pas tyrannique: conseil d’état et cour constitutionnelle. Ce sont ces pouvoirs qui sont défaillants car inféodés aux pouvoirs politiques.
    Les autres autorités ont le devoir d’informer de manière objective le pouvoir souverain et d’éventuellement saisir le pouvoir de contrôle. Si elles ne sont pas convoquées ou pas entendues, ce n’est pas de leur faute, elles ne peuvent annuler une décision souveraine. Par contre ne pas saisir est une faute

  • Contre-pouvoirs purement décoratifs face à un exécutif aussi glouton qu’incompétent, infiniment plus toxique que ce virus prétexte à guéguerre futile.

  • Il est permis de se demander où sont les contre-pouvoirs puisqu’ils sont réduits à l’incapacité ou, comme les media subventionnés à dire ce que le pouvoir veut bien entendre. C’est angoissant.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Lundi, la Direction générale de la Santé (DGS) a annoncé la fin de l’isolement systématique des cas positifs et de la réalisation de tests au bout de deux jours pour les cas contacts à compter du 1er février. Une décision justifiée par un contexte épidémique dit « favorable » sur l’ensemble du territoire.

L’isolement n’est plus une obligation mais une vive recommandation, comme pour toute infection virale.

La fin de ces deux mesures s’accompagne de la fin des arrêts de travail dérogatoires sans jour de carence et du service « Co... Poursuivre la lecture

Situation étonnante s’il en est, la mesure phare de l’autoritarisme sanitaire macronien, le pass sanitaire, a été rejetée grâce à une alliance de circonstances entre toutes les oppositions, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

L’article 2 de la loi sanitaire présentée devant l’Assemblée nationale a été rejeté par 219 voix contre 195. Il permettait d’instaurer jusqu’en janvier un pass aux frontières et entre la Corse, les outre-mer et l’Hexagone au nom de la lutte contre le covid.

Le Premier ministre Élisabeth Borne s’en est p... Poursuivre la lecture

Le pass sanitaire est devenu à la politique française ce que le sparadrap est au capitaine Haddock. Malgré tous les efforts du monde pour s’en défaire, il revient sous d’autres formes, à croire que le gouvernement cherche à l’imposer, quoiqu’il en coûte.

Le projet de loi qui sera présenté le 11 juillet portant sur le maintien d’un dispositif de veille sanitaire contre le covid comporte deux grands axes. Le premier maintient jusqu’au 31 mars 2023 les traitements informatiques SI-DEP et Contact Covid, le second laisse la possibilité au g... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles