Woodrow Wilson a été président des USA durant la Première Guerre mondiale. Vous avez tous vu l’affiche, « I Want You », visant à promouvoir l’enrôlement dans l’armée. Le président, qui avait fondé sa campagne électorale sur la neutralité, avait dû retourner sa veste. Voilà qui éclaire la valeur des promesses politiques, proche de l’infiniment petit…
Le début de la grippe espagnole aux États-Unis
Albert Gitchell a vu l’affiche et s’est enrôlé. Le 4 mars 1918, dans le camp de Furton au Kansas, il se sent fébrile, courbaturé et il fait des bulles avec son nez. Il a été contaminé par un de ses oiseaux. La grippe importée de Chine a ciblé sa première victime américaine. Elle sera qualifiée de grippe espagnole, l’Espagne étant la seule nation échappant à la censure dictatoriale instaurée par les autorités et l’armée.
Dès le départ, ces prodiges tentent d’empêcher la population d’accéder à des informations rationnelles : comme tous les Veran de l’univers, ils se pensent avisés et la populace n’est qu’un ramassis d’abrutis à soumettre. Un rédacteur en chef est même condamné pour avoir publié… la vérité. Pourtant, aucun pouvoir n’arrêtera jamais la diffusion d’une épidémie ou des informations la concernant.
En attendant, les complotistes de tous poils s’en donnent à cœur joie. Les sociologues décrivent parfaitement ce travers humain qui pousse à chercher une cohérence dans les événements inattendus. Alors on accuse Bayer et son aspirine d’empoisonner le monde. On aurait aperçu des sous-marins allemands diffusant le poison près de New York…
Une campagne d’enrôlement, vivement critiquée par les médecins, est menée à Philadelphie le 28 septembre 1918. D’ensuivront 15 000 morts et sans l’action des jeunes séminaristes, évacuant les cadavres des habitations où ils macèrent parfois depuis des jours, le bilan aurait été plus désastreux encore.
La grippe se propage jusqu’au président Wilson
En septembre 1918, c’est l’offensive Meuse-Argonne et les Allemands sont à 150 km de Paris : c’est la grippe qui se fera l’alliée des Alliés. Aux USA, l’enrôlement se poursuit et, inconscients du risque, les jeunes s’engagent. Faute de charges sabre au clair, ils vont mourir, noyés dans leur sang et leurs crachats, dans des camps tel celui de Pike en Arkansas. Woodrow décide de poursuivre les convoyages en bateau vers l’Europe et, là encore, les cadavres s’empilent par milliers. Aucune action n’est même menée dans le but d’envoyer en première ligne les contaminés ayant survécu.
À l’occasion des pourparlers de paix en 1918, Woodrow est rattrapé par la grippe espagnole. Il tousse, il crache, il fait des bulles avec son nez mais il en réchappe. Il ne sera plus jamais le même. La dépression, symptôme le plus répandu après la pneumonie, altère son jugement et met à bas sa détermination. Plus tard, il souffrira d’un AVC, en lien avec la grippe. Clemenceau sera dès lors libre d’imposer à l’Allemagne les contraintes et les dettes qui conduiront au conflit suivant.
Si l’on rapporte les chiffres à la population actuelle, la grippe espagnole aurait fait 450 millions de morts.
Un effet papillon
Si Woodrow n’avait pas été grippé, la face du monde en eut été changée. Un peu comme en 1868, quand, sur les conseils du chirurgien Larrey, Napoléon III ne fut pas opéré de son calcul vésical. On connaît la suite, l’expansion allemande, le trône d’Espagne vacant, la guerre de 1870 et sa gestion calamiteuse par un Napoléon au bout du bout. Numéro 3 mourra effectivement une fois opéré, en 1870.
Larrey ne s’était pas trompé. Mais rêvons un peu : si, en 1868, l’intervention avait été menée, Napoléon rendu au boulevard des allongés, on se serait perdu en guerres de succession et on aurait négligé l’Allemagne… Peut-être… On n’aurait pas eu 1870 et donc 14-18 ni peut être la grippe, associée aux migrations de biens et de populations. On aurait même évité cet abruti d’Hitler.
Mais voilà : tout cela a bien eu lieu. Certes, l’action politique est complexe : la guerre de 1914 imposait des choix et les recrues étaient vitales. L’intérêt supérieur… Cependant, comme pour la covid, l’État parfois limite, parfois amplifie. Où se situe l’intérêt supérieur concernant cette pauvre covid ? La parade ?
Je ne sais pas : la démocratie, peut-être, le droit offert à chaque citoyen de dire stop quand le pouvoir s’égare. Albert Gitchell est mort à 68 ans. Il échappé à la grippe et aux politiciens. Chapeau (avec des étoiles)…
Crédit photo : Woodrow Wilson (LOC) by Library of Congress https://www.flickr.com/photos/library_of_congress/2536793124/
Si l’on avait négligé l’Allemagne, on aurait aussi probablement évité la révolution russe de 1917 et les marches brunes en Italie…au final, on aurait évité une belle palanquée de marxistes…et cette idéologie dont sont étroitement dérivées celles des deux moustachus (cf les oeuvres tardives de Marx ainsi que les travaux de Sombart) et de l’italien bourru serait tombée en désuétude très rapidement. Après, on aurait aussi évité la seconde guerre mondiale, puisqu’elle est en grande partie conséquence de la première…et le japon ne se serait probablement pas réveillé à l’issue du 1er conflit mondial avec l’idée de devenir une puissance dominant tout le Pacifique…nous n’aurions donc pas eu d’invasion en Mandchourie, donc pas de Mao, pas de guerre du Vietnam, pas de guerre froide, pas d’électronique, pas de fusée, …
Bref, avec des si… 🙂
Incroyable de lire ça sur Clemenceau. Au contraire, les anglais et les américains ont tout fait pour empêcher les français, seuls en face de l’Allemagne au demeurant, les autres étant protégés par des douves naturelles, de sanctionner trop durement l’Allemagne et ils y ont réussi. L’Allemagne était relativement intacte après la guerre et ce ne sont pas les conditions du traités de Versailles qui ont amené la guerre suivante, mais bien le fait que l’Allemagne était quasi-intacte, revancharde et que l’Empire austro-hongrois n’existait plus. Pour demeurer dans la paix, il aurait fallu démembrer l’Allemagne dès 1919.