Par Bernard Kron.
La pandémie covid-19 et le plan blanc qui en a découlé ont profondément affecté l’activité chirurgicale en France depuis février 2020. Cette situation décrite dans Blouses Blanches colère noire reste préoccupante. En effet, près de 90 % des interventions chirurgicales jugées non urgentes, ainsi que les interventions lourdes réclamant un séjour postopératoire en réanimation, ont été déprogrammées.
Seules les opérations pour urgence vitale ou représentant la seule alternative thérapeutique pour des pathologies graves ont pu être effectuées.
Les transplantations hépatiques et cardiaques ont été maintenues alors que les transplantations rénales étaient suspendues, ce qui a entraîné la perte de centaines de greffons rénaux.
Le retard concerne des centaines de milliers d’interventions. Ce sera difficile à rattraper avec la pénurie des personnels de bloc.
À cette situation s’ajoute une crise plus profonde, car cette spécialité de plus en plus complexe reste mal rémunérée. L’évolution rapide des techniques pousse les jeunes chirurgiens vers l’ultra spécialisation dans des domaines sans urgence et plus lucratifs.
La féminisation de la chirurgie est un nouveau facteur à prendre en compte
« Le chirurgien doit avoir un œil d’aigle, un cœur de lion, et une main de femme. »
(Proverbe anglais)
C’est peut-être pourquoi ce métier se féminise.
En France les effectifs des femmes dépassent 60 % en faculté de médecine, mais elles restent encore sous-représentées dans les professions chirurgicales avec 22 % toutes spécialités confondues. Avec la désaffection dans les spécialités chirurgicales lourdes il est évident que des chirurgiennes vont les combler. Quelles en seront les conséquences ?
L’histoire des femmes en chirurgie
Cela remonte à 3500 ans av. J.-C. dans des pays comme l’Égypte, l’Italie et la Grèce. À la période hippocratique, elles sont les maîtres de l’obstétrique.
Une partie des connaissances chirurgicales sera importée de Grèce à Rome. De nouvelles techniques sont mises au point comme les premières césariennes, mais elles sont pratiquées post-mortem.
Metrodora, qu’on peut qualifier de gynécologue, écrit un ouvrage traitant de toutes les maladies de l’utérus. À cette époque les femmes médecins n’étaient nullement pourchassées au nom de la religion contrairement au Moyen Âge.
La femme sera exclue par la loi de la médecine alors que l’école de Salerne était accessible aux deux sexes.
Au XIXe siècle, la médecine monastique cède alors le pas aux universités, mais les femmes restent exclues.
Quelques femmes célèbres
Francine Leca a été la première femme à être devenue chirurgienne cardiaque en France, et cheffe des services de chirurgie cardiaque des hôpitaux Laennec puis de Necker (Paris) jusqu’en 2003.
Le Pr.Claire Nihoul-Fékété fut chirurgien des Hôpitaux, chef du Service de chirurgie pédiatrique viscérale à l’hôpital Necker Enfants Malades.
Françoise Firmin est une référence mondiale de la reconstruction des oreilles avec plus de 3000 reconstructions réalisées.
Kathleen Turner est chirurgienne de la greffe du foie. Quatre femmes exercent aux côtés de son patron le professeur Boudjema à Rennes. C’est l’un des pontes de la greffe du foie. Il compte d’ailleurs sur celles-ci pour transmettre son savoir et son expertise après sa retraite. Trente-trois d’entre elles sont devenues membres de l’ANC.
Ces collègues sont jeunes, car cette évolution est un phénomène récent. Elles sont de plus en plus nombreuses dans les blocs comme tous les acteurs et font souvent face aux regards étonnés de leurs patients.
L’ultra spécialisation de la chirurgie
Cette ultra spécialisation s’est imposée progressivement pour plus de sécurité au motif qu’on ne fait bien que ce que l’on fait souvent. Il est malheureux que les penseurs n’aient pas anticipé cette évolution car avec la multiplication des spécialités la prise en charge des urgences chirurgicales pose de plus en plus de difficultés. Les drames liés au retard de prise en charge se sont multipliés d’autant que la spécialité de chirurgie générale a disparu.
Actuellement la féminisation de la chirurgie comme le reste de la médecine s’accélère. Cela pose un problème pour les urgences qui sont moins bien prises en charge compte tenu de cette hyperspécialisation. De plus, nos collègues sont moins disponibles à certaines périodes de leur carrière et beaucoup choisissent le salariat en spécialité exclusive. Il faudra bientôt 10 chirurgiens de spécialités différentes pour assurer les gardes.
Il faudrait notamment recréer une spécialité de chirurgie générale mais de tels services n’existent plus. Tout le système devra être refondé. La Loi Ma santé 2022 n’en prend pas le chemin.
tu m’en reparleras quand il faudra porter des trucs lourds…
La féminisation d’une profession apparait malheureusement lorsque cette profession est désertée par les hommes parce que pas assez rémunératrice. Ceci dit, cela ne me dérange pas de me faire opérer par une femme.
Quid des robots multitâches et de la téléchirurgie ?
« Ce sera difficile à rattraper avec la pénurie des personnels de bloc ». Voyons c’est simple les patients vont mourir, cela va rattraper le retard. Retarder les greffes de rein alors que le taux de survie est bien plus élevé que sous dialyse, c’est effectivement condamner une partie des patients. Et perdre des greffons, c’est s’assurer que ces opérations ne seront pas reportées mais annulées.
Quand à la questions des femmes, il suffirait qu’il y en ait plus pour compenser le fait qu’elles travaillent moins. Mais bon le numerus clausus fixe à l’avance (40 ans à l’avance!) le besoin de médecins, et ce uniquement en nombre de praticiens. Un médecin qui ne pratique pas compte quand même pour un.
La crise des professions médicales et des chirurgiens en particulier est liée au manque d’effectifs des praticiens.
Le manque d’effectif est lié à ces mêmes professionnels qui, parvenus au stade du professorat, imposent un numérus clausus abusif…