Prière de bien penser, et avec les bons mots !

Depuis quelques temps, les opposants aux mesures gouvernementales sont sommés de ne plus s’exprimer en utilisant certains mots ou certaines comparaisons.

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Prière de bien penser, et avec les bons mots !

Publié le 29 juillet 2021
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Par Thomas Comines.

Depuis que les manifestations anti pass sanitaire ont commencé de battre le pavé, on entend sur les plateaux des cris de vierges effarouchées, horrifiées de voir comparer nos institutions républicaines, auréolées d’un halo de sainteté démocratique, à une dictature, au totalitarisme, au fascisme ou au nazisme. Cette injure faite aux morts de ces régimes atroces est insupportable, disent-ils, et est sous-tendue par une pensée nauséabonde.

Précisons une évidence en préambule : il est louable d’être attaché à la justesse d’une expression, à sa proportionnalité, à son exactitude. C’est de bonne hygiène mentale et cela va sans dire. Mais sous des dehors présentables, ces cris d’orfraie sont en réalité problématiques à plus d’un titre.

Le deux poids deux mesures dans la pondération de l’expression

Tout d’abord, ce reproche est systématiquement dirigé à sens unique. Lorsqu’un fameux chef de service néphrologie à la Pitié-Salpêtrière, invité de tous les plateaux, parle des manifestations en décrivant des hordes de boutiquiers criminels menant des gens à la mort, où sont nos bonnes consciences soucieuses d’une ronde et harmonieuse pondération ?

 

Lorsque des conseillers ministériels parlent en off du retour des dingues, qui s’interroge sur l’équilibre émotionnel de ces conseillers ? Quand les manifestants sont accusés d’être dans la sorcellerie, ou pour d’autres, de défendre la soupe au pissenlit contre le virus, qui est du côté de l’équilibre et de l’expression idoine ?

En revanche, si un manifestant s’exprime, que n’entend-on pas ! Il est sommé de ne parler qu’avec une précaution extrême, en choisissant soigneusement ses mots et ses expressions, sous peine de passer pour un halluciné souffrant de bouffées délirantes.

Le clivage diplômés / non diplômés

Mais ce n’est pas le plus choquant.

Ce qui met particulièrement mal à l’aise dans ces excommunications du débat public sous peine de n’avoir pas choisi les bonnes comparaisons, c’est bien que la chaire de Pierre d’où elles sont fulminées est celle des diplômés, des bac +12, des médecins spécialisés, des sages écoles de sciences politiques où l’on apprend à balancer sentencieusement une thèse et une antithèse, en fuyant tout extrême, pour conclure par une savante synthèse où nulle expression ne viendrait sortir de manière incongrue sa tête mal lavée.

Oh surprise, nos journalistes découvrent que lorsqu’on n’a pas eu l’heur de faire Sciences-Po, on peut parfois avoir le verbe excessif, cru et dru, voire à côté ou maladroit ! Que le langage n’est pas poli à la pierre ponce des oraux de l’ENA ou des écoles de journalisme. Que l’on ne produit pas des éléments de langage ministériels où tout dérapage est minutieusement extirpé. Que quand une colère populaire voit le jour, les pancartes ne ressemblent pas forcément aux aphorismes élégants d’un Cioran.

Qu’à l’intérieur de ces mouvements, l’on puisse s’inciter mutuellement à préciser sa pensée, se corriger fraternellement, trouver une expression plus juste, c’est de bonne discipline. Mais que la correction professorale courroucée et scandalisée tombe du haut des plateaux, seul endroit où l’on sait parler juste, pourrait passer pour une arrogance de classe supplémentaire.

La polysémie des usages et la liberté de construire sa pensée comme on l’entend

Rien n’interdit par ailleurs de s’appuyer sur des comparaisons pour s’aider à penser, comme sur des béquilles imparfaites pour construire une dialectique. Tocqueville parle bien de despotisme doux pour dénoncer les dérives futures de la démocratie : se scandalise-t-on, outré, en criant que c’est une injure aux victimes des vrais despotismes ? Tant qu’on explique en quel sens sont utilisés les mots employés, pourquoi en interdire l’usage ?

Car enfin, ces régimes sinistres qui servent de repoussoir tiennent précisément leur statut de repoussoir de ce qu’ils nous renvoient un avertissement, lorsque certains aspects d’un régime nous semblent condamnables ou odieux. Sans nullement identifier la totalité d’une philosophie sociale ou une manière entière de faire de la politique à un régime totalitaire ayant existé, pourquoi s’interdire de montrer quelques points de convergence, bien qu’extrêmement ponctuels ou ténus, pour susciter un débat ?

Lorsque l’historien Johann Chapoutot fait un parallèle entre le régime nazi et les nouvelles philosophies du management, lui fait-on le procès en indignité de comparer nos business schools aux Kadettenschulen ? Ou voudrait-on dire que seul l’universitaire peut établir ces comparaisons, parce qu’il est sachant et maîtrise les codes académiques, mais que cette liberté doit être retirée au vulgaire ?

Les nécessaires détours de la pensée selon Stuart Mill

Enfin, et c’est sans doute le plus important, on pourrait également rappeler fort utilement certains passages de John Stuart Mill aux divers censeurs et maîtres ciseleurs de l’expression correcte. L’argument fondateur justifiant la liberté d’expression, c’est précisément la difficulté de tout un chacun d’arriver à la formulation juste, adéquate. Mill rappelle salutairement qu’une fausseté grossière, mal exprimée, peut toujours contenir une part de vérité, une légitime mise en éveil des consciences, un stimulus intéressant pour la pensée endormie.

Refuser que quelqu’un, dans la limite de la loi, puisse choisir l’expression qu’il souhaite, c’est décider a priori du cheminement de la conscience intime et de la découverte de la vérité. C’est interdire certaines sinuosités, fermer catégoriquement certains chemins de traverse, sans voir qu’ils peuvent être des détours pour certains esprits, afin de dire quelque chose ou d’atteindre plus tard à une vérité qu’ils formuleront mieux, après avoir élagué les arborescences touffues et incorrectes de leurs expressions originelles.

 

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  • c’est un exemple du fameux double standard en effet.

    mais ce n’est rien..le problème est que les lois qui criminalisent la mauvaise pensée ou la haine sont là et vont servir.

    • Exactement. Je rappelle que le journal « Le Monde » a aussi comparé Macron à Hitler le 29 décembre 2018 en pleine page de couverture… Mais bon, c’est « pas pareil », et surtout ce n’était pas pour les mêmes raisons…

    • Idéologie nazie VS idéologie communiste
      Et dire qu’il existe encore un Parti communiste français.

  • Quand on ne parvient pas à s’exprimer avec des mots, on le fait avec ses poings. Alors il vaut mieux des mots pas tout à fait corrects.
    Ensuite, effectivement, dans la discussion avec ceux qui pensent comme lui, l’excessif trouvera les « bons » mots, ceux qui feront que le camp d’en face ne pourra pas se focaliser sur 1 expression malheureuse, mais devra répondre sur l’idée exprimée (et son absence d’arguments le fera répondre à côté, on voit souvent cette situation sur les rares plateaux invitant des personnes n’ayant pas les mêmes idées).

  • ben y’en a qui s’exprime autrement qu’avec des paroles : dans la ville de Samadet ( Landes ) , une guillotine de 2 mètres de haut portant une liste d’élus macronistes a été installé sur un parking…..voilà ou on en est ;

  • Et si les mots réprouvés par élites étaient justement les bons mots ?

  • Modération : commentaire modéré pour insultes

    • Traduction soft…
      L’OMS lui-même demande aux pays riches de ne pas vacciner enfants et ados et dénonce un scandale moral : les pays riches ont prémpté des doses pour vacciner inutilement une population qui ne craint rien pendant que les personnes vulnérables des pays pauvres risquent la mort !

  • Deray le néphroloque (!) a une tête de gros lèche-cul et raconte sa sauce, j’y crois pas même s’il connaît le rein il nous casse les burnes/ le professeur Deray qui n’est pas épidémiologiste semble avoir une vision personnelle et parcellaire de la réalité ce qui pourrait nous autoriser parfois à mettre en doute ses propos.
    Voilà, choisissez !

  • Eh oui, c’est que le point Godwin, le procès en facho-nazisme est réservé aux élites qui nous gouvernent, c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît. Faut pas toucher à leur précieux !

  • Je suis écœuré de la tournure des événements depuis un certain 17 mars 2000 lorsqu’un sachant a arrêté l’économie tout à track. Après avoir réduit la vitesse à 80 km/h puis augmenté la TICPE puis imposé le confinement avec auto attestation de sortie … En venir à imposer un passe-sanitaire reléguant à la disqualification sociale ou encore à la ségrégation de ceux qui ne veulent pas se faire vacciner m’inquiète profondément. Si quelqu’un est vacciné il risque moins ou pas de contracter le virus, un non vacciné ne le met pas à risque. Je n’arrive pas à trouver le lien, il est donc ailleurs. Dès lors je suis disqualifié de penser différemment et exclu de la société, des lieux de contact commerciaux et de divertissements, serais-je encore plus avant paria ? où ne saura t’on pas arrêter le repoussoir ?Qu’est-ce que la République une et indivisible ? Quel est le rôle de son président ?
    Qu’importe les représentants démocratiques (députés) seront exonérés du passe-sanitaire alors que provenant de régions diverses ils seraient transporteurs éventuels du virus qui s’arrêterait normalement aux portes de l’Assemblée nationale

  • Un excellent article qui montre que le mode de pensée reposant sur le « En même temps »s’impose difficilement.
    Chassez le naturel de la sémantique,il revient au galop!

  • Modération : commentaire modéré, le contenu haineux ne sera pas toléré ici

  • Mal nommer les choses ajoute du malheur au monde pensait Camus. Mais quand une élite condescendante auto proclamée ajoute du malheur au malheur en balayant avec mépris les raisons, le développement et la portée de ces paroles elle finit par mériter un gros coup de poing dans la gueule.

  • 2020 : « Entrée, plat, dessert ? »
    2021 : « Entrer ? Pass sanitaire ! »

  • Monsieur Marquette, avez vous déjà géré une entreprise ?
    Parce que gérée comme un service public, je doute fortement de sa pérennité.

  • non je suis désolé ..je ne crois pas, le seul problème est l’obligation… vous DEVEZ apporter des preuves de corruption active..
    je penche quant à moi sur le syndrome du sauveur de petit père des peuples mâtiné de scientisme et de collectivisme.

  • Voici un article bien venu.
    Quand les beaux esprits comparaient les reconduites aux frontières à la déportation des juifs pendant l’occupation, personne n’y trouvait à redire. Mais quel vacarme quand certains comparent la discrimination à l’encontre des non-vaccinés au port de l’étoile jaune (et non à la Shoah comme veulent le faire croire les imbéciles) sous l’occupation !

  • La classe médico-macron-médiatique a choisi d’hystériser le débat, chacun y trouvant son compte.
    Pour les intermittents de la médecine et permanents des plateaux TV, le problème est simple: Que va t’on devenir lorsque ce cirque pliera chapiteau ? Devra t’on retourner dans nos services à l’hôpital où nos personnels nous attendent avec du goudron et des plumes ?
    Pour la macronie, la question est de savoir combien de temps elle peut tenir sans dire la vérité aux Français tout en niant ses propres responsabilités et en masquant son incompétence ?
    Enfin pour les médias, il est évident que cette situation leur convient à merveille, ils s’affranchissent du moindre travail journalistique, débitent des vérités officielles jamais vérifiées à longueur d’antenne et lorsque leur bonne parole est mise en doute, c’est à cause de ces abrutis de Français anti- vaccins et fans de Francis Lalanne. La ficelle est énorme mais pour l’instant ça tient.
    J’invite les quelques journalistes qui se respectent encore et les députés LREM à fréquenter nos petits cafés de campagne, ce qu’on y entend est largement aussi censé que les diatribes de Deray, Véran ou Joffrin envers la populace.

  • Ah, le choix des mots ! « Bénéfices … 32 Milliards » au lieu de « Chiffre d’affaires … 32 Milliards » Non les mots ne sont pas neutres…

  • Beau plaidoyer pour nos futurs despotes qui y trouveront tout l’argumentaire pour jouer sur les mots !!!! Les mots n’ont qu’une valeur conventionnelle et si on en change le sens comment peut-on s’exprimer et se faire comprendre ??? En m’appuyant sur cet article je peux dire à mon épouse que sa soupe est de la merde ; mais est-ce la réalité ???? L’auteur devrait se méfier de donner des arguments à ceux qu’il croit combattre !!!!

  • La majorité des commentaires me fait douter d’être sur un site prétendu libéral !!!!

    • Erreur de perception robin 35.
      Ce sont les articles qui font que le site est libéral, et non pas ses commentateurs, qui je vous l’accorde ne le sont pas tous, mais ils ont le droit 😉

    • @ Robin 35
      Savez-vous, Robin, pourquoi vous vous plantez complètement ?
      Un libéral peut sourire de vos propos, les juger à son aune, les regretter, etc…
      Mais un libéral ne vous empêchera jamais de les tenir, ne viendra pas vous vilipender (quoi qu’il en pense) parce que le libéralisme c’est avant tout la liberté d’expression.
      Si vous souhaitez cadenasser celle-ci, allez sur BFM ou Le Point… pas ici.
      Bon, je sais, vous ne partagez pas.
      Mais le libéralisme est précisément le fait d’accepter que vous puissiez ne pas penser comme moi, ou les autres.
      Je devine, c’est dur pour un individu encarté à très à droite, ou à très à gauche, ou à très n’importe ou dans ce qui interdit aux autres de penser comme vous.
      Bref, vous vous trompez de site ! Les gens à œillères, c’est pas ici.

  • On a tendance à confondre « étoile jaune » et « shoah ». Les lois de Nuremberg de 1935 ont imposé le port de l’etoile jaune aux Juifs pour les empêcher d’avoir accès soit à des professions, soit à des lieux (théâtre, cinéma, restaurants,.).
    La solution finale (extermination) à été décidée en novembre 1942 …

  • Juste une remarque, « auteur invité ».
    On peut se situer à Bac + 12, voire +15 et au-delà (je sais, le Doctorat d’Etat n’existe plus, mais il y a des survivants), et utiliser un vocabulaire peu châtié.
    Les « les arborescences touffues et incorrectes de leurs expressions originelles » sont parfois plus utiles qu’une expression si policée qu’elle en devient vide de sens et de savoir.
    Relisez (ou découvrez) Rabelais, voire Villon.
    Mais, ceci dit, excellent article !

  • J ai une pensée pour les bobos écologiques qui ont lutté à juste titre contre les OGM puis qui maintenant c en sont fait 2 injections .cohérence philosophique

    • Pourquoi, « à juste titre »?
      Les faits montrent rigoureusement le contraire: l’outil OGM en production végétale est très intéressant.
      Exemple:
      https://seppi.over-blog.com/2021/07/le-malawi-s-efforce-de-rendre-les-semences-de-cotonnier-bt-accessibles-a-tous.html

      sans oublier le riz « doré » que les « écolos » ont tout fait pour saboter son adoption par les populations qui en ont besoin.
      Dans ce cas, on peut affirmer que ces ONG (Greenpeace en tête) ont une attitude criminelle.

    • A juste titre? Citez nous donc un seul cas de nuisance sur la santé (abondamment présentées par les écolos) provoqué par les OGM sur les milliards d’hommes et d’animaux qui en consomment depuis 1995? En 25 ans pas un seul cas de répercussion sur la santé n’a été enregistré par les médecins ou les vétérinaires. Certains ont toujours des problèmes avec la réalité mais continuent de répandre des idées reçues falsifiées!

  • Vilfredo Pareto, Traité de sociologie générale : « Comme d’habitude, autrefois et aujourd’hui, l’hérétique est traité de malfaiteur ».

  • Le port de l étoile jaune acte antisémite? Ah bon… Et s ils avaient porté la croix gammée ?
    C’est d un ridicule achevé.
    Un faux débat destiné à détourner l’attention de L essentiel. Et un vrai début de decredibilisation de ces citoyens qui se battent pour la liberté.

  • Les commentaires sont fermés.

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