Élections régionales : 5 enseignements sur les résultats du premier tour

Les régionales n’ont pas été la répétition générale de l’élection présidentielle comme le prévoyaient les éditorialistes et les commentateurs.

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Élections régionales : 5 enseignements sur les résultats du premier tour

Publié le 21 juin 2021
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Par Frédéric Mas.

Situation exceptionnelle après ce premier tour : il n’y a aucun représentant du parti majoritaire national gagnant en régions. La Macronie subit une sévère défaite mais sans pour autant favoriser son rival favori le rassemblement national.

Élections régionales : le triomphe de l’abstention

Avec un taux de 66%, l’abstention au premier tour des élections régionales est record. En 2010, elle avait atteint 53, 67%, et en 2015 50,1%. Ajoutons qu’en 2020, lors des élections municipales, le taux d’abstention avait été de 54,5%, soit un électeur sur deux. Les circonstances de la crise sanitaire pouvaient expliquer le désintérêt des électeurs pour les élections locales à ce moment-là, mais pas pour les régionales.

Selon un sondage IFop-Fiducial pour TF1 en date du 20 juin 2021, 76% des personnes interrogées se sont désintéressées de la campagne des régionales contre 59% en 2015. 40% d’entre elles motivaient leur abstention par le fait que ces élections ne changeaient rien de leur vie personnelle, et 35% à la vie de leur région.

Plus inquiétant, c’est plus de 83% des 25/35 ans qui n’ont pas voté. La comm’ de l’Élysée avec Carlito et McFly n’a donc pas vraiment porté ses fruits.

Une défaite pour LREM et le RN

Les régionales n’ont pas été la répétition générale de l’élection présidentielle comme le prévoyaient les éditorialistes et les commentateurs. Le parti présidentiel n’obtient aucune région, et ses ténors, à l’instar du garde des Sceaux E. Dupond-Moretti, se font sévèrement retoquer.

La campagne d’Emmanuel Macron en France n’a visiblement pas suffi à retisser le lien indispensable entre la tête de l’État et ses administrés. On se souvient que le déplacement du président de la République a été marqué par la gifle qu’il a reçue lors d’un de ses déplacements dans la Drôme.

L’absence d’exécutifs en régions alignés sur celui national promet d’accroître l’isolement élyséen. Le pouvoir central ne pourra pas compter sur les échelons régionaux pour reconnecter avec les populations au moment de la présidentielle et devra entreprendre la poursuite de l’action publique sans lien politique direct avec les pouvoirs locaux.

Le Rassemblement national est en net recul par rapport à 2015.

Une seule région pourrait tomber dans l’escarcelle du Rassemblement national, à savoir la Provence Alpes Côte d’Azur. Et encore, rien n’est gagné. Thierry Mariani (RN) est au coude à coude avec Renaud Muselier (LR). Le candidat du rassemblement national arrive en tête avec 36,38%, le candidat des Républicains le suit avec 31,91%.

Jean-Laurent Felizia qui représentait la gauche n’a quant à lui obtenu que 16,89%. Seulement, son désistement va s’avérer décisif pour barrer la route au RN et laisser la place à Renaud Muselier. Déjà la tension monte, et Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV, a déclaré sur FranceInfo que la formation écologiste ne soutiendrait plus le candidat si elle ne se retirait pas.

Régulièrement, l’abstention bénéficie au Rassemblement national. Ça n’a pas été le cas ici. Faut-il y voir un phénomène d’usure lié au statut de nouveau parti majoritaire de la formation d’extrême-droite ? En effet, le parti de Marine Le Pen domine dans les élections et les sondages depuis quelques années, ce qui le notabilise et lui retire l’attrait « révoltiste » qu’une partie de son électorat lui trouve. En d’autres termes, le « dégagisme » est peut-être en train de toucher le RN comme les autres formations politiques plus traditionnelles.

La droite en tête du premier tour des régionales

La droite LR et alliés arrive largement en tête du scrutin au premier tour. Ceci confirme la stratégie localiste de Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, qui trouvent dans ce scrutin une stature autant locale que nationale. Alors que la droite se cherche un leader, le discours tenu sur l’éloignement entre le pouvoir central et les collectivités locales parle aux électeurs et pourrait orienter les prochaines plateformes politiques pour la présidentielle.

La dépolitisation de l’échelon local

Le désintérêt pour les élections pose une nouvelle fois la question de la surpolitisation du pays. La France a-t-elle besoin d’autant d’échelons politiques pour être gouvernée ? Qui aujourd’hui connait les prérogatives des régions et des départements ? En 2019, les dépenses des régions s’élevaient à 32 milliards d’Euros. La dépolitisation de cet échelon entraîne donc également une crise du contrôle des dépenses locales.

Élections régionales : la crise de la démocratie locale

Qu’est-ce qui est en train de tuer la démocratie locale ? Il y a deux pistes à évoquer : la première, c’est l’extrême centralisation de l’État français qui rend les échelons locaux de moins en moins attractifs pour les citoyens. Si toutes les décisions principales se font hors de leur portée, alors l’implication civique se fait moindre.

Pour certains experts comme Claudy Lebreton et Olivier Rouquan, c’est un signal pour réformer l’État et lui imprimer une dimension régionale nouvelle : « le défi démocratique doit justifier la réorganisation territoriale : le cadre fédéral est ainsi le plus approprié pour stimuler un regain participatif. »

La seconde piste à explorer pour expliquer la défaite de la démocratie locale porte moins sur les institutions que sur l’offre politique : l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 a provoqué l’explosion du paysage politique français. Domine depuis sur la scène nationale le duopole LREM/RN, atomisant au passage la gauche et la droite traditionnelles.

En polarisant le débat public, les formations politiques françaises n’offrent plus aucune alternative au populisme et au dirigisme technocratique macronien, c’est-à-dire à deux formes autoritaires en politique et socialistes en économie. Qui aujourd’hui pour défendre les libertés locales chères à Tocqueville ?

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  • Les régionales / départementales ne concernent que la possibilité de nommer des notables qui vont vaguement influer sur la façon de ventiler une petite partie des prélèvements décidés par tonton l’état. Tu m’étonnes que ça ne motive pas.

    • je pense que la majeure partie des électeurs ne savant pas de quoi s’occupent au juste les départements et les régions..

      • Je pense que la majeure partie des électeurs s’en fichent.

      • En ce qui me concerne, je suis pour supprimer les conseils généraux, autant ne pas les légitimer.

        • Je préférerais supprimer les régions qui ne pèsent pas bien lourd et ne signifient rien au quotidien (sauf en ile de France)

        • OK, On garde les préfectures comme relais de la région et on supprime la notion de sous-préfectures devenues inutiles (depuis… que l’on ne se déplace plus à cheval) mais en gardant les bâtiments pour y loger une structure multi-services (fisc, sécu, alloc, et peut-être dispensaire).

  • L’État français et le peuple, s’ils vivent géographiquement sur le même territoire, habitent sociologiquement sur des planètes différentes. Le seul lien entre ces deux mondes : les impôts.

    Le petit monde des élites – politiques, médiatiques, « culturelles – vit en circuit fermé. Les préoccupations de la population (immigration, délinquance, criminalité, taxes et impôts,…) sont complètement hors du champ d’action de l’état, lequel se préoccupe d’abord de la réélection des dirigeants en place, puis du soutien qu’il peut obtenir des médias de grands chemins.

    Avec qui nos dirigeants discutent-ils ? Avec les indigénistes, les ONG, certains syndicats, en fonction de leur pouvoir de nuisance. Envers qui s’exerce la répression la plus féroce : les Gilets jaunes, les activistes d' »extrême » droite,… Quel est leur programme dans l’immédiat ? Faire barrage au RN. Quelle ambition ! Et quel aveu ! « Je ne suis pas capable de vous proposer quelque chose susceptible de vous intéresser, mais votez quand même pour moi, sinon c’est la peste brune ! »

    • Et il faudrait aller voter ?

    • Tiens, ON parle encore des «Gilets Jaunes», c’est assez étonnant mais dans aucun département, aucune région je n’ai entendu parler d’une liste ou un binôme «Gilets Jaunes». Donc, des mécontents de beaucoup de choses mais pas de propositions constructives pour se présenter devant les électeurs… Il est vrai toutefois que «immigration, délinquance, criminalité, taxes et impôts» ne sont dans le giron ni des départements ni des régions. Faut-il attendre une présidentielle avec un candidat GJ ?
      Par contre tout à fait d’accord, Ras de bol des élus à vie, deux mandatures maxi (que ce soit ville, dépt, région, nationale et Europe) dans une vie de citoyens (exception communes de moins de 5000 habitants). Il faut prévoir du chômage chez les politiciens.

  • Pour Julien Bayou, le seul rempart républicain doit se faire à l’encontre du RN.
    Lui qui fusionne sa liste avec l’extrême gauche LFI au second tour.

  • En voyant ce résultat, et surtout l’absentionisme monter, e me dis que pour les prochaines élections présidentielles de 2022, il faudrait faire pareil… Avec 70% d’abstention, il serait intéressant d’entendre l’analyse des experts des plateaux télés et des partis ! 🙂

  • Pour marquer mon hostilité au maintien des conseils départementaux, après avoir voté pour les régionales , j’ai ostensiblement refusé et de plein droit, alors qu’on m’y invitait, à me diriger dans l’autre partie du bureau, pour élire les inutiles conseillers départementaux .
    Il faut mettre fin aux cantons qui constituent un maillage administratif obsolète des départements.
    ça devait être fait par Sarkozy et puis plus rien !

  • La mère Le Pen ferait bien de balayer les crottes devant sa porte avant de s’en prendre aux électeurs : qui s’est abstenu d’aller voter contre le pass sanitaire le 11 mai dernier alors qu’il y était opposé ?

    Le RN est finalement comme tous les autres partis : près de la gamelle, loin des convictions.

  • Tout le sud reste rouge sauf PACA. A croire qu’ils sont bien dans la précarité institutionnalisée.

  • Vous êtes mal renseignée. Le gauchisme est présent dans tous les partis.

    Quant à voter contre un quidam en votant pour un autre, gros gros lol.

  • Perso, je pense que les postes d’élu ne devrait pas être attribués à des politiciens ou autres sociologues qui (encore une fois, pour moi) ne devraient être que des observateurs de la société, des conseillers mais pas décideurs (il ne faut pas être juge et parti).
    Comme élu, un grand entrepreneur, une figure commerciale à l’international, un super technicien, un grand chercheur (ou plutôt un trouveur), qui se met au service de la nation pour une ou deux mandatures et pas plus donc un élu qui a une/des expériences réussies dans la vraie vie !
    Des gens qui n’ont pas la langue de bois et qui occasionnellement font des bourdes comme tout le monde peut en faire (sauf nos supers extra politiciens à vie qui, en fait, n’ont jamais bossé mais très beaux parleurs)…
    Issus de Sciences-Po puis ENA, et ils sont sacrés directeurs brasseurs d’air et de belles promesses intenables !

    • Les gens qui ont « une/des expériences réussies dans la vraie vie » ont autre chose à foutre que d’aller brasser de l’air dans les institutions publiques…

  • Le problème c’est qu’en bon Français nous (nous tous) voulons la transformation du pays et des réformes à condition que celles-ci n’impactent que le voisin !
    ON doit transformer et réformer sans toucher à NOS petites habitudes… Pour nos politiciens (je ne les apprécie pas trop) c’est peut-être un petit casse-tête. Sachant bien sûr que parmi les 60% d’abstentionnistes (ceux qui n’ont pas eu le courage de se déplacer aux urnes) il y a 100% de mécontents qui seront les premiers à râler que rien de va comme ils le voudraient.

  • Moi je me pose la question inverse : qui a vu un candidat non-populiste dans cette élection ?

  • La France aurait mieux fait de supprimer les régions administratives et de donner une forte autonomie aux départements en leur permettant de se renommer, de fusionner, d’avoir une politique fiscale différente, etc.

  • choisir entre peste et choléra est ce faire un choix? NON voter blanc alors que ce n’est pas pris en compte c’est voter contre ? NON …vos arguments sont foireux..autant rester droit dans es bottes et être abstentionniste, vous ne validez pas un système que vous savez bancal..point.

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