Par Frédéric Mas.
Aux yeux de la plupart des commentateurs et éditorialistes, la crise sanitaire a justifié l’extension du rôle de l’État jusqu’à la suspension -on l’espère momentanée- des libertés fondamentales. Cette dynamique de socialisation par la coercition politique ne date cependant pas de la crise du covid-19.
Elle trouve son origine dans le rôle que l’État s’est assigné à lui-même, c’est-à -dire corriger les « limites » du marché, dont le fonctionnement « sans freins » génèrerait inégalités et injustice, les deux termes étant employés ordinairement comme synonymes.
Cette présomption d’injustice visant le marché repose pourtant sur des présuppositions largement erronées, qui en dernières analyses ne servent qu’à justifier l’extension permanente de l’État sur la société.
Le marché n’est pas une personne
Anthony de Jasay rappelle qu’il est de notoriété publique que « le marché » génère des inégalités de richesses et de revenus. Seulement, le marché n’est pas un agent, il ne génère au fond rien du tout. Il serait plus exact d’affirmer que le monde étant ce qu’il est, et que la distribution de chance, de ressources, de talents et de caractère au sein de la population étant ce qu’elle est, les effets des échanges entre individus de ressources et de revenus sont inégaux : « ce sont les faits de la vie qui causent les inégalités, pas le marché1 ».
De Jasay ajoute que le mot « inégalité » lui-même suffit à susciter les réactions hostiles des opposants au marché libre, tant l’égalité chez la plupart de ses défenseurs est désormais utilisée comme un synonyme de justice. On reconnaît ici les critiques fréquentes adressées par exemple par Thomas Piketty au capitalisme contemporain, mais il est loin d’être le seul.
Il est tout de même possible de remarquer que même chez un auteur égalitariste comme le philosophe John Rawls, les inégalités ne sont pas toujours synonymes d’injustice : les inégalités économiques peuvent servir à la fois d’incitation à améliorer ses conditions de vie comme à améliorer les conditions de vie générales de la société en favorisant la compétition et l’élévation sociale2.
Marché et justice
Faire du marché un agent, c’est se tromper à la fois sur la nature du marché et de la justice. Le « marché » est un concept abstrait se rapportant aux arrangements que les individus partagent pour échanger entre eux dans tous les domaines de la vie économique. Les marchés peuvent être très formalisés, comme les marchés financiers, ou au contraire très informels, comme le marché aux fleurs que vous pouvez fréquenter le samedi matin.
Selon une réflexion célèbre d’Adam Smith tirée de La Richesses des nations, les marchés coordonnent l’activité humaine en prenant appui sur l’intérêt personnel :
« Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage ».
Le type de coopération entre acheteurs et vendeurs et la compétition pour produire et s’attacher de nouveaux clients signifie que personne n’est directement « en charge » des marchés. Personne ne fixe la quantité de produits à produire ou leur prix, et personne n’assigne à personne la tâche de produire ou d’acheter les biens et services sur le marché. C’est là la véritable signification de l’expression « main invisible » chez Adam Smith ou « ordre spontané » chez Hayek, et cela explique aussi pourquoi on ne peut pas prêter au marché des actes intentionnels.
La véritable place de la justice
La justice, au contraire, est attachée aux actes d’un agent clairement identifiable capable de faire des choix réfléchis. Elle est un attribut de la personnalité humaine, ce qui fait dire à Hayek : « qu’[elle] n’est pas impliquée dans les conséquences inintentionnelles d’un ordre spontané, conséquences qui n’ont été délibérément provoquées par personne3 »
La place de la justice n’est donc pas en surplomb de l’ordre social, mais désigne un mécanisme individuel central pour le fonctionnement des échanges de marché. Sa physionomie peut être résumée par les trois « lois de nature » de David Hume qui inspirera Hayek pour imaginer le fonctionnement de la « grande société » libérale, « celle de la stabilité de possession, de son transfert par consentement et d’exécution des promesses ».
Les théories contemporaines qui entendent « corriger » la conception libérale classique de la justice au nom de l’« équité » (Rawls), « l’impartialité » (Barry) ou la « réciprocité » (Buchanan) ne cherchent en fait qu’à la remplacer, ou du moins à l’affaiblir pour justifier l’expropriation étatique et la redistribution des ressources inhérente au marché politique démocratique.
Présumer le marché comme coupable d’injustice, c’est aussi présumer innocente l’intervention de l’État ou du moins moins sujette aux vices prêtés aux échanges individuels. Cette idéalisation du rôle de l’État a la vie dure, et reste un mystère dans une France suradministrée, endettée et surfiscalisée comme jamais.
Le marché n’est pas une entité agissante, de même que la sélection naturelle. C’est juste un concept, une idée.
Mais beaucoup de personnes ont du mal avec ces concepts, comme Delfraissy avec son virus diabolique et bcp plus intelligent que l’on pense.
On est dans la pensée magique, magie noire ou magie blanche. Rien n’est aléatoire, l’ordre spontanée est inconcevable.
Présumer est ne veut pas dire coupable, en revanche pour l’état ainsi que ses serviteurs “intègres” il l’est et avec préméditation de surcroît et ça c’est sûr !
on devrait avoir un débat sur ce qui est essentiel, les limités de la liberté individuelles, la violence..
sinon en effet le marché , c’est un peu comme la santé publique… c’est le résultat des choix individuels….
point d’idée de “perfection” “d’égalité “
Le marché n’est qu’un concept statistique : la moyenne des transactions entre individus qui par nature n’est pas connaissable (cf. incomplétude de l’information).
La finalité de la justice doit être de garantir l’exercice desdroits naturels de chacun ; au-delà elle se pervertit et s’abaisse au niveau d’une idéologie.
Se faire escroquer par un état dirigé par une mafia serait préférable à une acquisition volontaire? Faut être socialiste pour être aussi con!
Il est finalement très présomptueux de lutter contre les inégalités: je ne suis pas votre égal, et personne ne le sera jamais, c’est vain. A mon sens, la lutte contre les inégalités est un véritable faux projet de société.
Comme il est dit ici, les socialistes ont une tendance à personnaliser le marché qu’ils se représentent comme un monstre coupable d’injustices et d’appauvrissement des plus faibles…justifiant ainsi sa régulation. Et ça tombe bien car ils personnalisent également l’Etat qu’ils légitiment dans cette mission, oubliant volontiers qu’il est également un concept abstrait animé par des individus poursuivant le plus souvent des objectifs personnels, corporatistes, ou politiques, protégés par le statut public.