Larry Flynt : l’antidote contre la sexophobie

L’Amérique perd l’un des plus grands défenseurs de la liberté d’expression mais aussi un redoutable homme d’affaires qui a fait fortune grâce à sa capacité de travail, son talent et son sens aigu du commerce.

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Larry Flynt's Famous $80,000 Gold-Plated Wheelchair - Nov. 14, 2009 - Photo by Glenn Francis of www.PacificProDigital.com BY Toglenn

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Larry Flynt : l’antidote contre la sexophobie

Publié le 13 février 2021
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Par Daniel Borrillo.

Larry Flynt nous a quittés et avec son départ l’Amérique perd l’un des plus grands défenseurs de la liberté d’expression mais aussi un redoutable homme d’affaires qui a fait fortune grâce à sa capacité de travail, son talent et son sens aigu du commerce.

Connu surtout comme pornographe, il a combattu l’hypocrisie de la société américaine en engageant une lutte politique pour la liberté de caricaturer. Celle-ci l’a notamment mené en 1988 devant la Cour suprême contre le pasteur ultraconservateur Jerry Falwell pour l’avoir montré comme un ivrogne incestueux ou encore en critiquant fortement les médias américains qui ont refusé de publier les caricatures de Mahomet après les attentats de Paris en 2015.

En France, le combat contre la liberté d’expression était jusqu’à récemment le monopole des associations religieuses. Il suffit pour ce faire de se souvenir de certaines affaires : la tentative de censure du film Je vous salue Marie de Godard en 1985, de La dernière tentation du Christ de Scorsese en 1988 ; ou les attaques à l’affiche du film Larry Flynt ; ou encore lorsque le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à l’association Croyances et libertés (instrument de l’épiscopat) en ordonnant l’interdiction d’affichage d’une publicité pour une marque de vêtements mettant en scène sensuelle un groupe de femmes représentant La Cène de Léonard de Vinci.

Une nouvelle forme de conservatisme contre la liberté d’expression

Aujourd’hui, une nouvelle forme de conservatisme met en danger la liberté d’expression. En effet, depuis la fin des années 1970, le collectif américain Women Against Pornography demande l’interdiction de la pornographie au nom de la dignité et de l’égalité des femmes et quelques années plus tard, les principales figures féministes du collectif n’hésiteront pas à s’associer avec Ronald Reagan dans une croisade contre la pornographie en considérant cette pratique à l’origine des crimes sexuels et des comportements asociaux1.

En France, à l’exception notable du Planning Familial, la majorité des associations féministes s’est mobilisée pour l’abolition de la prostitution et la pénalisation des clients, cristallisée dans la loi de 2016.

Les arguments du féminisme anti-libéral arrivent ainsi avec force en France également contre la pornographie. L’entreprise est d’autant plus redoutable que ce féminisme radical a permis de sortir les questions sexuelles du registre de la morale en fournissant des arguments considérés comme plus raisonnables surtout dans un État laïc. On est ainsi passé du harcèlement sexuel au harcèlement à la sexualité.

C’est justement la sexualité telle qu’elle est et non pas telle elle devrait être qu’a voulu montrer Larry Flynt et, partant, il s’est attaqué au pouvoir au sens foucaldien du terme, c’est-à-dire non comme un instrument ou une propriété détenus par un appareil d’État ou par certains individus mais comme l’ensemble des relations stratégiques dont le but serait les actions sur les autres permettant ainsi de diriger et de modifier leurs conduites, ou encore de structurer leur champ d’actions possibles.

Le pouvoir qui réprime la sexualité

Pour cela, le pouvoir politique va s’imbriquer étroitement avec le savoir. Certes, le propre du pouvoir est de réprimer. Dans le domaine de la sexualité, il réprime le plaisir, les énergies inutiles, l’intensité des plaisirs, les conduites irrégulières.

La pornographie est menacée et avec elle non seulement la liberté d’expression mais aussi le respect de la vie privée. Et cette menace provient non seulement des ennemis traditionnels tel le discours religieux, le conservatisme moral des bonnes mœurs ou l’hygiénisme sexuel (la psychiatrisation du désir pervers) mais aussi et surtout des ennemis émergents tels que la panique morale, le discours psychanalytique et le féminisme radical.

Contre ces nouvelles formes de puritanisme et de sexophobie, les garants de la liberté sexuelle demeurent à la fois la protection de la privacy et de la liberté d’expression. Rappelons ce que la CEDH affirme dans le célèbre arrêt Handyside c./Royaume-Uni :

« La liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population ».

En montrant la sexualité dans sa dimension inquiétante, Larry Flynt a rompu avec le sens univoque que les conservatismes de toute sorte souhaitent donner à la sexualité. Par son combat il a dit haut et fort que l’individu adulte dans ses relations librement consenties demeure le seul juge de sa sexualité et de ses fantasmes érotiques.

 

  1. Rapport Meese du nom du procureur général des USA sous la présidence Reagan.
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  • « La pornographie est menacée » merci pour ce moment de rigolade.

  • La pornographie est un simulacre de reproduction,
    comme l’état est un simulacre de gouvernement…

  • Bon article…bonnes questions !!! il ne s’agit pas de défendre la pornographie , mais de se poser enfin la bonne question de la relation au sexe aujourd’hui… la violence islamique et la rancoeur envers l’occident trouvent une de leurs sources dans la frustration sexuelle créée par l’éducation des garçons et l’image qu’ils ont de la femme donnée par leur religion. La violence cachée et enfin révélée faites aux femmes dans les milieux du cinéma, dans les milieux intello, et la violence courante faites aux femme battues proviennent aujourd’hui, j’en suis intuitivement convaincu, d’une relation au sexe mal adaptée à l’évolution de notre monde. Entre la pudibonderie catrastrice de toute religion dont d’abord la religion catholique et la dite « libération des mœurs «  depuis 68, les hommes sont restés frustrés et se cachent…. le porno est regardé par beaucoup beaucoup de monde… et personne n’avoue le faire… c’est une pratique sociale qui sert de soupape cachée ! Interdire comme veulent le faire les tenants d’une vision rétrograde n’est pas la bonne solution : c’est remettre le couvercle sur la marmite. Pratiquer le sexe sournois en prenant des plaisirs déviants pour se sentir a l’abuse avec son corps et ses orientations sexuelles n’est pas faire avancer notre société. Personne dans le presse n’a encore relevé que dans la période post soixante huitarde on s’acheminait vers l’autorisation du sexe avec les mineurs, vers la banalisation du sexe à fond, vers la glorification de l’echangisme etc… les ligues de vertu conjuguées avec les pratiques des bobo gaucho avancés ( DSK, Tron, Duhamel et tant de politiciens) ont continué à jouir pour eux mêmes en douce. Les effarouchés qui sont apeurés par la sexualité, par ses excès dans le non respect de l’autre, par l’incapacité à organiser socialement et psychologiquement le plaisir, relayés par une presse où il y a sans doute autant et même plus de pornocrates qu’ailleurs, ont fini par soulever le malaise .
    Le défi psychologique et socio politique latent d’aujourd’hui dans nos sociétés est de savoir «  organiser », appréhender le plaisir. Établir le respect de chacun dans l’acte sexuel. Rendre coupable chacun mentalement de faire souffrir l’autre quel qu’il soit pour faire cesser violence et oppression. La liberté de son plaisir oui, quel qu’il soit y compris le porno consenti et expliqué et sans doute à faire largement évoluer dans ses images et explications…., la souffrance de l’autre non jamais!!!!! Et si c’était ça être libéral moderne pour sa liberté et pour celles des autres. Le sexe mieux vécu, loin des castrations religieuses primaires historiques, oui . Un slogan : réformer les tabous, éradiquer la souffrance, maintenir le plaisir et promouvoir le respect

    • Il semble que l’époque soit à un retour au puritanisme religieux avec les musulmans qui veulent imposer leurs idées notamment le voile, et d’état avec toutes les associations soit-disant féministes qui veulent interdire la représentation du sexe. Ceci est d’autant plus problématique que l’accès au sexe est de plus en plus rare pour les jeunes : plusieurs études montrent l’augmentation des célibataires n’ayant eu zéro relations sexuelles en un an, etc. Et ce en particulier chez les jeunes (moins de 30 ans) et surtout chez les jeunes hommes. Une autre étude avait tenté d’établir un diagnostic sur une économie sexuelle, et concluait à une situation avec des pauvres des classes moyennes et des riches parmi les femmes mais à une situation de guerre civile avec quasi que des pauvres et une très petite poignée de super riches chez les hommes (riche étant quelqu’un ayant beaucoup accès au sexe). C’est alarmant, et contre-intuitif quand on pense à toutes les applications de rencontre censées libéraliser tout ça. En fait sur ces applications, seule une élite d’homme est proposée à la masse des femmes pour les « attirer » sur l’appli. Les autres hommes eux doivent payer pour n’avoir que de piètres résultats. Les femmes s’imaginent donc pouvoir accéder à cette élite d’homme qui en réalité ne les considèrent même pas « de leur ligue » (préférant en toute logique l’élite femme). On se retrouve avec des femmes qui n’ont en grande partie « que » des coups d’un soir avec cette fameuse élite masculine, et les hommes, hormis cette élite, n’ont rien eux (en tout cas via les appli de rencontre)

  • l’attachement à la liberté d’expresison ne doit pas être circonstanciel…c’est JUSTEMENT quand on est » puritain » qu’on doit défendre le droit de larry flint à s’exprimer.. c’est quant on est un opposant à le pen..ou à trump.

  • Impossible de ne pas citer l’association Promouvoir, responsable de la plupart des censures et interdictions au cinéma en France ces 20 dernières années.

    Il s’agit aussi ici d’une association catholique, qui s’accorde avec les associations féministes sur la nécessité de la censure mais diverge vaguement sur ce qu’il s’agit de censurer (bien qu’associations religieuses et féministes s’accordent majoritairement sur des sujets comme la prostitution ou la pornographie).

    Associations catholiques et associations féministes aujourd’hui, même combat contre la liberté.

  • Parlant des religions menaçant la liberté sexuelle, il est étrange de mentionner des activistes chrétiens et de faire dans le même temps l’impasse sur les pressions des islamistes.

  • Les commentaires sont fermés.

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