Avec Kamala Harris, Joe Biden espère recueillir les votes des jeunes Noirs américains

Le futur de l’Amérique noire ne s’inscrira pas forcément sous la bannière bleue du parti démocrate.

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Kamala Harris by Gage Skidmore on Flickr (CC BY-SA 2.0)

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Avec Kamala Harris, Joe Biden espère recueillir les votes des jeunes Noirs américains

Publié le 15 août 2020
- A +

Par Sam Fulwood III1 et David C. Barker2.
Un article de The Conversation

En choisissant la sénatrice Kamala Harris comme colistière et candidate à la vice-présidence, le candidat démocrate Joe Biden, 77 ans, pourrait gagner le vote des jeunes Noirs américains.

Notre enquête sur les intentions de vote des électeurs noirs et les indécis, publiée en juillet, montrait que seuls 47 % des Noirs américains de moins de 30 ans se positionnaient pour Biden.

Mais avec Harris à ses côtés, les intentions de vote pour Biden passent à 73 % dans ce groupe, une hausse significative, bien que moins importante comparée aux autres groupes d’âge.

La liste menée par Kamala Harris et Joe Biden pourrait ainsi devenir beaucoup plus attractive pour les jeunes Noirs américains qui représentent une proportion importante de ce que nous nommons les électeurs indécis. Or le comportement de vote de ces indécis n’a rien à voir avec celui des générations précédentes.

Le vote des indécis

La plupart des spécialistes définissent les « électeurs indécis » comme ceux dont le vote fluctue d’un parti à l’autre, d’une élection à l’autre, pouvant facilement changer d’avis et pesant ainsi lourdement dans la balance politique.

Selon les analyses, aux États-Unis les indécis représentent traditionnellement un électorat blanc et ouvrier plutôt originaire du Midwest américain. Soit une population à séduire pour qui convoiterait la Maison Blanche.

Par opposition, les experts perçoivent souvent les électeurs Noirs américains comme un bloc monolithique et loyal aux Démocrates, prêts à répondre aux moindres besoins du parti pourvu que les pasteurs donnent des directives pendant l’office.

Certes, ces représentations n’ont pas complètement disparu, mais sur la base de trente ans de recherches sur les comportements électoraux, nous pouvons affirmer qu’elles sont aujourd’hui obsolètes.

Ces indécis du passé sont en voie de disparition – au Midwest comme ailleurs.

Désormais, ce qui fait la différence et pèse dans la balance politique, est le fait de voter ou non.

Ce qui nous amène à considérer plus en détail le vote des Noirs américains.

Le vote des électeurs noirs

Notre récente enquête portait sur un échantillon de 1215 électeurs Afro-Américains. Ils vivent dans des États clefs sur le plan politique – Wisconsin, Pennsylvanie, Michigan, Floride, Caroline du Nord et Georgie. D’après nos résultats, les plus de 60 ans restent fidèles au Parti démocrate, suivis de près par les 40-59 ans. Mais c’est loin d’être le cas pour les moins de 30 ans, soit la moitié de notre échantillon.

Cathy Cohen, professeur de sciences politiques à l’université de Chicago et spécialiste des comportements politiques des jeunes Noirs a bien résumé cette tendance dans un podcast récent :

« Ils ont vu l’arrivée de maires Noirs, ils ont vu l’élection du premier président américain Noir, et ils ont vu que rien n’a changé dans leurs vies. »

Survey taken July 1-9, 2020; sample size 593 under 30; margin of error ±5% Chart: The Conversation, CC-BY-ND Source: David Barker, Sam Fulwood III, Leonard Steinhorn, American University Get the data

Défiance vis-à-vis du vote

Ces jeunes électeurs pourraient tout à fait renoncer à voter au mois de novembre, comme ils l’ont d’ailleurs déjà fait en 2016. Leur abstention, parmi d’autres facteurs, avait favorisé l’élection de Donald Trump.

Dans notre sondage, 31 % des jeunes Noirs américains de moins de 30 ans ont déclaré qu’ils n’iraient probablement pas voter lors de la présidentielle de 2020.

Cela ne semble pas si grave au vu de la participation électorale moyenne aux États-Unis forte d’un taux de 60 % lors des dernières élections.

Cependant, toutes cohortes confondues, les enquêtés ont globalement tendance à surestimer leur intention de vote.

Ainsi, près de la moitié de nos sondés de moins de 30 ans déclarent que voter « ne fait aucune différence », ce qui donne une idée plus réaliste du nombre de ces jeunes qui ne se déplacera pas aux urnes.

Or ce nombre ne tient même pas compte des perturbations induites par les suspicions relatives au vote à distance ou en raison de la pandémie.

Seuls 64 % des jeunes de notre enquête ont exprimé avoir confiance en l’État sur la gestion des votes, et moins de la moitié, 30 % ont déclaré vouloir utiliser le vote à distance.

Les jeunes Noirs prennent leurs distance vis-à-vis des Démocrates

Le cynisme exprimé par les jeunes Noirs américains se retrouve aussi dans leur attitude face au parti démocrate.

Seuls 47 % d’entre eux pensent que le parti est favorable aux Noirs américains et seuls 43 % font confiance aux élus démocrates au Congrès pour représenter au mieux leurs intérêts.

Et contrairement aux générations précédentes, seule la moitié des moins de 30 ans interrogés perçoit les Démocrates comme meilleurs que les Républicains.

« Ils veulent tous la même chose »

Dans notre enquête quantitative comme lors d’entretiens réalisés auprès des différents groupes interrogés, nous avons régulièrement entendu la même frustration émaner des jeunes Noirs américains : le sentiment que le parti démocrate compte sur leurs votes mais ne fait pas grand chose pour le mériter, hormis être moins raciste que son adversaire.

Comme le souligne l’un de nos enquêtés :

« Au bout du compte, ils veulent tous la même chose ».

Ces enseignements montrent que le futur de l’Amérique noire ne s’inscrira pas forcément sous la bannière bleue du parti démocrate, participation électorale ou non, car il apparaît désormais que le club des indécis a changé de camp. Il se situe aujourd’hui du côté de la jeunesse noire américaine qui peut faire basculer la donne.

Sur le web

  1. Fellow, Center for Congressional and Presidential Studies, American University.
  2. Professor of Government and Director of the Center for Congressional and Presidential Studies, American University School of Public Affairs.
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  • J’avoue avoir du mal à comprendre certaines pratiques américaines. C’est comme si en France, les arabes voteraient pour un candidat à la présidence parce qu’il est arabe ou musulman, sans considération (ou peu) pour son programme.
    On entendrait aussi des prêtres et imams inviter les fidèles à voter PS ou LR, au calme, sans que ça ne choque personne?

    Alors je suis totalement pour la liberté d’expression mais j’avoue qu’il y a des pratiques qui me laissent pantois.

    • c’est une illustration des travers de a démocratie en général.. On comprend mieux la persistance des questions raciales aux usa..
      en france c’est la question « sociale » les riches contre les pauvres..des tas de groupes assoc prennent des positions..

      l’affirmative action n’est pas une solution à un racisme systémique.. c’est la conséquence du clientélisme politique..

      le problème de jouer avec la question raciale, c’est que la bête peut vous échapper.
      pour les noirs américains il faut aussi jouer fin, il ne faut pas dépasser les limites du white guilt..

      les asiatiques.. votent toujours démocrates.. ça c’est apparemment difficile à comprendre..

    • Les pratiques ressemblent aux humains. Nous préférons les gens qui nous ressemblent à ceux qui ne nous ressemblent pas. En politique les idées expriment avant tout ces préférences, les croyants par exemple voteront de préférence une personne également croyante. Une personne qui vous ressemble sera plus à même de vous défendre.
      La politique en démocratie c’est mettre en compétition toutes ces préférences identitaires, culturelles, religieuses, sociales, économiques, etc. C’est d’ailleurs le grand défi indépassable du libéralisme dont les principes se situent par nature au-dessus de ces préférences. Car la politique agit au niveau du groupe et le libéralisme non, il y a donc incompatibilité.
      Pour les humains, toute la difficulté réside donc dans l’équilibre subtil entre groupe et individu et seuls des institutions ad hoc sont en mesure de nous en faire approcher.

    • Les français votent sans connaître le programme des candidats! Ni leur CV, comme l’élection de Macron l’a démontré!

    • @Koris. « C’est comme si en France, les arabes voteraient pour … »
      Ou demanderaient un médecin arabe ou musulman ? C’est à peu près l’actualité en France depuis 2 jours…

  • Ils ont mis du temps à comprendre! Au moins avec Trump ils trouvent du travail. Ils oublient que ce sont les Républicains qui ont supprimé l’esclavage, le parti démocrate étant esclavagiste et ségrégationniste à cette époque.

    • En effet, « à cette époque ».

      • Il faut admettre le relativisme, mais en tirer les conséquences et surtout l’admettre dans tous les cas. Mais rapidement on en arrive à justifier Staline ou Mao. Donc, la méthode n’est pas excellente. En revanche, comprendre pourquoi permet de mieux réfléchir. Ainsi, le racisme, très à la mode, n’a jamais vraiment existé en tant que mode de pensée, mais en tant que mode d’exploitation des ressources d’une forme de civilisation. La candidate amie de Biden est une noire, mais qui a parfaitement réussi. MOn médecin est un algérien, très compétent: ils exploitent notre forme de civilisation d’une façon commune. En revanche, les déchets humains qui ont tué le chauffeur de bus ou frappé l’infirmière exploitent à leur façon et selon leurs voeux; autorité absolue, éliination de ce qui n’est as leur volonté. Là, on devient raciste, anti-c.. c’est sûr, mais il se trouve que l’Islam produit pbeaucoup de ces crétins, ignorants et rebelles à tout alors que beaucoup de leurs frères, débarrassés des raideurs religieuses, réussissent très bien. Ma collègue d’université, s’appelait Aïcha, était musulmane mais mangeait volontiers u bon Aoste.

  • Tout ça signifie qu’en fait les noirs pratiquent la discrimination tranquille, car si l’un des leurs n’est pas dans la candidature, ils ne voteront pas pour cette candidature… Sympa…

    • discriminer signifie différentier essentiellement.. avoir réussi à faire de la discrimination un « crime moral » est gonflé..surtout quand on parle des noirs qu’il faut bien discriminer d’une façon ou d’une autre pour pourvoir leur poser des questions!!
      évidemment qu’on discrimine ! on passe son temps à cela!!

    • Comme de nombreux blancs ne voteraient pas pour un noir, un homme pour une femme, des hétéros pour un gay.

      • et de nombreuses femmes ne voteraient pas pour un homme..

      • C’est vous qui le dites… Les études et sondages montrent le contraire.

        • Faudra me les montrer :-).
          Quand je dis « de nombreux », il ne s’agit pas forcément de la majorité, mais d’un nombre assez significatif que pour faire basculer une élection.
          On fait confiance d’abord, par instinct, à ce qui nous ressemble.
          Vous imaginez les commentaires si un gay était nommé ministre de la famille ? Un noir aux affaires étrangères ? Vous n’avez jamais entendu quelqu’un dire « je ne veux pas de femme médecin ? » (moi si, de la part de mon père, médecin lui-même. Et raciste qui ne voterait jamais pour un noir).
          Est-ce que j’excuse les noirs de ne pas voter pour un blanc ? ooohh que non ! Mais le mécanisme est universel.

  • 1215 personnes interrogées pour une population cumulée de 69 millions de personnes ? Avec des états aussi différents que Michigan et Floride ? Sans états de l’est ? C’est bof comme échantillon.

    • Oupss.. états de l’OUEST, pas de l’est..
      (je note le -5 sur un commentaire purement factuel que n’importe quelle personne avec une once de méthodologie et d’honnêteté intellectuelle approuverait un minimum.)

      • @Cactus: Savez vous comment on fait une « fake news » ou un « fake » commentaire ? En le qualifiant de factuel parce qu’on y met un ou deux chiffres exacts.
        1/ L’échantillon d’état n’est pas représentatif des USA mais des « swing states ». C’est expliqué au moins 2 fois dans le texte. Si vous ne comprenez pas l’intérêt des états dits clé dans les élections du POTUS…
        2/ La population cumulée est quasi celle de la France. Une taille d’échantillon de 1000 est le minimum pour un institut comme l’IFOP
        3/ La marque d’un bon sondage, c’est aussi la sélection d’un échantillon, ce qui prend du temps et argent. Des dizaines de milliers de sondés n’auraient pas été un bon signe.
        4/ Enfin, s’il faut être suspicieux envers des sondages, les auteurs semblent qualifiés à défaut d’autres sources.

        • Bonjour Amike,
          Swing states, en effet, mais d’après Wikipédia, depuis 2004, le Wisconsin a toujours voté Démocrate et la Géorgie a toujours voté Républicain. Et au sujet de ces deux états, la population noire ne représente que 6,3% de la population du Wisconsin (Dém.), et 30% en Géorgie (Rép.).
          En Pennsylvanie, le pourcentage de noir est de seulement 3%.
          69 millions = la France, ok, mais sur les questions politiques, je pense que l’électorat français est plus homogène que entre les différents états américains.
          Je trouve que ce sondage est trop court pour le propos qu’il cherche à démontrer. Et que les indécis seront, pour cette élection, tout le monde… c’est bateau mais vu comment Trump, avec son comportement et ses déclarations peu conventionnelles (et peu respectueuse) divise même les républicains, choque même des milieux d’affaires, se met à dos les uns et les autres selon le sens du vent et son humeur du jour, les sondages vont encore se prendre un camouflet.

  • Je ne comprends pas, pourquoi avoir choisi Kamala Harris alors que notre Sibeth Ndiaye était devenue disponible ?

  • Ne croyez pas que les démocrates sont de gauche comme nous l’entendons en France. La minorité noire est comme les hispaniques très importante et sont faiseurs de rois. Ils sont d’ailleurs dragués par les deux camps

  • Ce qui est « amusant » c’est qu’après Obama (seulement à moitié noir, sa mère étant 100% blanche) ils prenent Kamala Harris comme « candidate noire » alors qu’elle est surtout d’origine indienne…
    Et les « vrais noirs » (copyright Joe Biden) s’y laissent prendre (enfin, pas vraiment. Ils votent démocrate parce que les démocrates excusent leurs échecs de façon systématique, et parlent « réparations » et autres « quotas », plus sexy que de s’entendre dire que nos problèmes viennent surtout de nous et de s’entendre promettre du travail rémunéré au niveau de nos compétences).

  • Quand on va sur le site où publient ces universitaires auteurs de cet article, on tombe sur l’incitation suivante :
    Support engaged media – avec une photo d’un supporter de BLM….

    https://www.nationofchange.org/author/sam-fulwood-iii-and-david-c-barker/

    Vous savez maintenant que cet article n’est qu’un tissu de propagande – comme beaucoup des articles de « the conversation » que publie Contrepoints – Hélas…

    Kamala Harris a été choisie parce qu’elle est la seule compatible avec ceux qui tirent les ficelles à la convention démocrate (DNC), point barre.

  • Les commentaires sont fermés.

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