Le mystère des Noirs décimés par le coronavirus

Les conditions socio-économiques constituent un premier facteur explicatif mais les experts ne parviennent pas à cerner les causes premières de la morbidité excessive des Noirs par le Covid-19.

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Le mystère des Noirs décimés par le coronavirus

Publié le 11 mai 2020
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Par Daniel Girard, depuis les États-Unis.

Le vendredi 7 mars 2020, l’équipe de basket-ball le Jazz de l’Utah affrontait les Pistons, à Détroit. Dès le lendemain du match, le joueur de Détroit Christian Wood a été diagnostiqué positif au coronavirus.

Le 11 mars, après l’arrivée du Jazz en Oklahoma, en préparation d’un autre match, le joueur-star du Jazz, Donovan Mitchell et son coéquipier Rudy Gobert, étaient eux aussi atteints du Covid-19. La rencontre Jazz de Utah et Thunder d’Oklahoma a alors été annulée.

Quelques heures plus tard, c’est la saison entière de la NBA (l’association nationale de basket-ball des États-Unis) qui a été annulée.

Ces joueurs et d’autres joueurs de la NBA ayant contracté le coronavirus ont récupéré. Mais la maladie a aussi frappé durement certaines familles de l’entourage de la NBA : Karl-Anthony Towns Jr a perdu sa mère et l’ex-joueur Sebastian Telfair a perdu son frère et sa mère.

Ces joueurs et ex-joueurs de la NBA sont tous noirs. Ils ne correspondent pas au profil du Noir américain en difficulté économique. Les Noirs représentent 75 % des joueurs de la NBA. Les joueurs de la NBA sont payés en moyenne 7,7 millions de dollars par année. Ils ne vivent pas dans des ghettos.

Mais le bien-être économique de ces joueurs noirs et de leurs familles ne leur est d’aucun secours face à cette triste réalité : les Noirs sont frappés plus fort par le Covid-19 que tous les autres groupes ethniques.

Ainsi, la mortalité des Afro-Américains du Covid-19 est 2,3 fois plus élevée que celle des Asiatiques et des Latinos et 2,6 fois plus élevée que celle des Blancs.

Cette réalité statistique se constate dans les États où l’on dénombre le plus d’Afro-Américains parmi les victimes.

Dans l’État de New York, l’épicentre de la pandémie aux États-Unis, les Noirs représentent 27 % des décès alors qu’ils ne sont que 14 % de la population. Ils constituent aussi 14 % de la population en Illinois, mais comptent pour plus du tiers des victimes. La situation est particulièrement sévère à Chicago où ils sont moins du tiers de la population mais représentent 56 % des décès.

Au Michigan, alors que les Noirs ne sont que 14 % de la population ils comptent pour 43 % des décès. En Louisiane, où se trouve la Nouvelle-Orléans, les Noirs se chiffrent à 32 % mais représentent 58 % des décès.

Comment expliquer une telle disproportion des Noirs parmi les victimes ?

Vulnérabilité au coronavirus

Beaucoup de Noirs souffrent de soucis de santé qui les rendent vulnérables au Covid-19 : diabète, hypertension, problèmes cardiovasculaires, asthme, obésité.

Le Centre américain de contrôle des maladies souligne que certains d’entre eux et des membres des communautés ethniques vivent dans des endroits densément peuplés où la distanciation physique est plus difficile et où l’accès aux épiceries et hôpitaux moins aisé.

Ces citoyens habitent souvent avec des membres de leur famille de tous les âges, et dont ils doivent parfois s’occuper, ce qui complique leur isolement, si besoin.

De plus, les Noirs sont sur-représentés en milieu carcéral où les repas sont pris collectivement et où il est difficile d’être isolé.

Le quart des Noirs et des Latinos sont également employés de services comme les hôpitaux, les cliniques et les transports en commun qui demandent un contact avec la clientèle.

Morbidité des Noirs et des personnes de couleur liée au Covid-19 au Royaume-Uni

 

L’Amérique n’est pas le seul pays où le coronavirus frappe durement les Noirs et les personnes de couleur.

Selon l’Office des statistiques nationales du Royaume-Uni, les Noirs de l’Angleterre et du Pays de Galles sont deux fois plus susceptibles de périr du coronavirus que les Blancs, même après avoir ajusté les résultats prenant en compte le revenu, le niveau d’éducation, la qualité de vie et la santé.

Malgré cet ajustement statistique, les Noirs et les personnes de couleur souffrant d’obésité, d’hypertension ou de diabète sont fragilisés lorsqu’ils travaillent en première ligne avec le public.

C’est la même chose pour les Pakistanais et les Bangladais, qui, après ajustement statistique, demeurent 1,8 plus susceptibles que les Blancs de succomber au Covid-19.

Les analystes ont aussi identifié le surpeuplement des logements comme facteur de vulnérabilité. Un tiers des Bangladais, un sixième des Pakistanais et un huitième des Noirs vivaient en surpeuplement de 2014 à 2017 en Angleterre et au Pays de Galles, comparativement à 2 % des Blancs. Une statistique qui est, pour les analystes, un facteur de transmission du coronavirus.

Les analystes notent aussi que les Noirs et les personnes de couleur vivaient surtout dans les villes où le Covid-19 se transmet plus facilement. 12,8 % des travailleurs pakistanais et bangladais travaillent dans les transports publics comme les autobus et les taxis.

Au final, l’Office des statistiques nationales conclut que si l’on ne tient pas compte des ajustements initiaux, les Noirs sont quatre fois plus susceptibles que les Blancs de mourir du coronavirus. Ainsi, même en multipliant les analyses et en poussant les recherches, la raison de la létalité du coronavirus pour les Noirs reste à élucider.

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  • Le même constat concernant les Noirs avait été fait lors du début de l’épidémie du sida dans les années 80. On av

    • (suite, erreur de frappe). On avait alors avancé l’hypothèse que les Blancs, descendants des européens ayant subi de multiples épidémies depuis le Néolithique seraient mieux immunisés que les populations n’y ayant jamais été confrontées par la passé.

  • Comme si on ne se doutait pas de la raison…. Comme chez nous faut pas être vieux si on veut survivre dans le milieu hospitalier sans connaissances .. Drôle de nom d’ailleurs pour un milieu pas très hospitalier…..

  • Apparemment le taux de vitamine D est un facteur énorme, désavantagenat les peaux foncées…
    Etude en Indonésie…

    aggravation facteur 20x.

    assez classique pour les virus.

    http://www.rationaloptimist.com/blog/we-know-everything-and-nothing/

    • AlainCo : c’est une piste intéressante et les Noirs ne métabolisent pas la vitamine D aussi bien que les Blancs. Ils ont besoin de beaucoup plus de soleil.

    • C’est fort bien possible. Ce qui explique la prévalence des grippes et autres en hiver, et leur disparition avec le printemps.

      Ce qui montre que le confinement à la française est spécialement stupide et contre-productif. Au Luxembourg, on pouvait sortir et se balader a quelques km sans être importuné par la police.

      • Tout à fait, et ça expliquerait que les façades ouest et sud en France soient moins touchées que le « grand est », que les grandes métropoles (où on sort peu au plein air et au soleil) soient nettement plus touchées… et que plus les pays ont confiné sévèrement plus ils ont eu de cas et de morts. Les pays les plus touchés en termes de mortalité (par habitant et totale) sont les pays, France, Espagne, Italie, Belgique et Grande Bretagne, ayant confiné le plus sévèrement, et les grandes métropoles qui ont mis une couche de plus (Paris, New-York, Londres) plus encore, quand d’autres de même tailles mais au confinement moins restrictif et avec plus de déplacement à l’air libre (Los Angeles, Taipei, Hong-Kong) ont très nettement moins souffert.

        • Belgique ? J’ai rencontré plus de gens que jamais à vélo, à pieds, etc grâce à une belle météo et la liberté de se promener à la distance qu’on voulait.
          Peut-être que l’ensoleillement a joué, que la vitamine D a quelque chose à voir. N’allons pas trop vite dans les explications, sinon je vous demanderai de faire un comparatif par région reprenant les heures d’ensoleillement observées couplées avec les habitudes de sortie des gens aussi. Bon travail ! .

          • La vitamine D ne se reconstitue pas en 24H. Sortir une fois à vélo ne suffit pas.

            • une fois ? Vu que je vais rouler tous les 2 ou 3 jours pendant 2 ou 3h, que je parle avec des amis cyclistes qui font le même constat, qu’il faut prendre aussi les habitudes de vie, ça me semble un peu court tout ça. Et saviez-vous dés le début de l’épidémie que la vitamine D est une protection ? Est-ce que le lien vitamine D et grippe saisonnière est déjà existant/prouvé ? Si non, ben, on ne savait pas, tout simplement…

              • Ah, vous n’aviez pas remarqué l’action de la vitamine D ? 🙁
                Quant au tous les 3 jours, est-ce suffisant?
                Un peu de vitamine C, et elle est belle.

                • Je sais que la vitamine D est indispensable pour notre vie en bonne santé. Mais vous ne me dites pas si le lien vitamine D et grippe saisonnière est établi de manière sûre, ni si le lien vitamine D et covid-19 est également établi de manière sûre. Faire des suppositions, établir des corrélations en suçant son pouce, ok, mais vous dites que le confinement français est stupide et contre-productif sur une supposition.

  • Ce qui est assez remarquable c’est que tout le monde se précipite sur des explication socio-economiques, mais que les deux éléphants dans la pièces sont soigneusement ignorés.

    Il est pourtant évident pour un virus agissant donc sur l’organisme humain que la génétique doit être la première piste a étudier (et il est évident et bien connu aussi que les groupes éthniques ont caractéristiques génétiques différentes).
    La seconde piste, surtout avec tous les baratins sur la distanciation sociale et tout le toutim, c’est les comportements sociaux et les interactions. Les noirs semblent (quelle que puisse en être la cause, sans doute largement génétique aussi) avoir une préférence marqué pour le groupe proche, non familial. La bande, le crew, tout ça… Ils ont aussi des taux de testostérone et un niveau moyen de tolérance au risque très significativement plus élevé que les autres ethnies. De quoi mettre à mal les mesures de précaution contre l’infection, et si on combine avec d’autres facteurs génétiques (cf supra) une explication sans doute bien plus convaincante que les conditions socio-économiques.

  • à chaque fois que je vois une mortalité par le virus…la question que je me pose est sa mesure..

  • Deux tiers de morts du Covid 19 seraient des hommes.
    Cet article et ses observations, de même que les premiers commentaires démontrent que les socialistes et Hollande avaient raison.
    Les races n’existent pas, les sexes non plus. La mortalité du Covid 19 ne serait donc qu’un « Genre » et une « Coloration » qu’on se donne.

    • Je suppose que votre commentaire doit être pris au second degré. Ai-je tort de le penser ?

      • Vous faites erreur, la reprise des écoles c’est pour « le premier degré ». mais a par ça, Faite comme moi : Maquillez-vous en chinois, (Ils ont éradiqué le Covid 19, ou exporté, ça reviens au même), devenez Trans-genre, adhérez a LREM, et au fan Club du tandem K Lacombe, J Salomon, vous serez vacciné. Ceci est en court de validation par l’agence de Santé et l’OMS.

      • Ca dépend de la définition que vous donnez à « second degré », je suppose. Pour moi c’est juste ironique… On observe une différence significative par ethnie, une différence significative par sexe et donc évidemment que le discours « race et genre sont des constructions sociales, subjectives » a un peu de mal à tenir la route…

    • Au Quebec, région « progressisto-socialiste » s’il en est… il y a plus de cas et de morts chez les femmes.

      Mais c’est vrai que dans la plupart des régions/pays, on est sur du 65% hommes 35% femmes…

  • Ce n’est pas nouveau. On a déjà remarqué que les noirs sont plus susceptibles de contracter certaines maladies!

  • et pourtant l’Afrique a l’air assez peu touchée.

    l’article compare la représentation des noirs parmi les morts par rapport à leur représentation dans la société mais quid de leur représentation dans le nombre de malades ?

    • L’explication de la vitamine D pourrait quand même la route car ils en auraient assez en Afrique. Il faut voir avec le Brésil qui ont une importante communauté noire, plus de soleil et une inégalité socio économique avec les blancs comme aux états unis.

    • Il me semble que vous posez la bonne question. Pourquoi les noirs sont-ils nettement plus touchés aux US qu’en Afrique? Effectivement, les réponses socio – économiques semblent beaucoup plus plausibles que les réponses liées à une appartenance ethnique ou raciale. On peut aussi préciser que la population en afrique est nettement plus jeune que les populations noires dans les autres pays. L’état de santé général semble donc un vrai facteur. Quant à la distanciation… il suffit de se promener en afrique pour voir que ça n’est probablement pas un critère majeur de différenciation entre les noirs américains et les noirs africains.

  • Ce genre d’étude fait toujours des corrélations dont la pertinence n’est pas évidente. Mais comme nos entités sont toujours, pour les traitements en recherche de tests valables, je propose ici de réunir des noirs, des blancs, des asiatiques dans un stade et d’y jeter le virus et d’attendre 14 jours pour voir le résultat.
    C’est-y pas une bonne idée ? Au point où on en est, car pas de vaccins, pas de traitements et un déconfinement à la va vite il n’y a pas grande différence entre la réalité et le test que je propose.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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