Bernie Sanders ou le socialisme périmé d’un idéologue démodé

La course présidentielle américaine de 2020 a toutes les probabilités de se jouer entre trois candidats : Joe Biden et Bernie Sanders, seuls en compétition pour l’investiture démocrate, et Donald Trump,

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Bernie Sanders by Gage Skidmore(CC BY-SA 2.0)

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Bernie Sanders ou le socialisme périmé d’un idéologue démodé

Publié le 6 mars 2020
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Après le Super Tuesday1 de mardi 3 mars dernier, il apparaît clairement que la course présidentielle américaine de 2020 a toutes les probabilités de se jouer entre trois candidats : Joe Biden et Bernie Sanders qui restent seuls en compétition pour l’investiture démocrate, et Donald Trump, président sortant républicain qui se représente.

Petite parenthèse en passant : trois candidats, trois hommes, trois septuagénaires. Une bien jolie leçon à l’encontre de tous ceux qui s’accrochent au formalisme de la parité dans toutes les dimensions possibles.

Les résultats de Bernie Sanders montrent qu’il n’est pas nécessaire d’être « jeune » pour obtenir le vote des moins de 30 ans, tandis que la débâcle d’Elisabeth Warren prouve qu’il n’est certainement pas suffisant d’être une femme pour attirer le vote des femmes. Il semblerait que le talent personnel des candidats, leur charisme, leurs idées, etc. aient aussi un rôle à jouer. Étonnant non ?

Mais pour en revenir à la primaire démocrate, les résultats du Super Tuesday n’ont pas été sans surprendre nombre de commentateurs. On attendait Bernie Sanders, ce député puis sénateur du Vermont depuis 1991 qui fut déjà candidat (malheureux) en 2016 contre Hilary Clinton, qui se dit socialiste, et qui enchante à ce titre la jeune députée Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, ainsi que tous les jeunes progressistes du Parti démocrate.

Il est vrai qu’il avait dominé les trois premières étapes de la primaire démocrate, mais il est vrai aussi qu’elles n’avaient attribué qu’une centaine de délégués sur 3979 au total. Difficile de lire une tendance à ce stade, d’autant que dès la quatrième étape en Caroline du Sud, l’ancien vice-Président d’Obama Joe Biden, candidat démocrate modéré ayant les faveurs de l’establishment du parti, s’était offert une belle victoire en remportant 48 % du vote populaire contre seulement 20 % pour Sanders.

À l’issue du Super Tuesday, il semblerait que Biden, renforcé par les désistements de Pete Buttigieg et Amy Klobuchar en sa faveur, confirme sa remontée(*) et prenne la première place de la primaire malgré la victoire de Sanders en Californie. Il ne reste cependant pas loin de 62 % des délégués à attribuer d’ici l’été, donc rien n’est véritablement joué pour l’instant, si ce n’est que Biden et Sanders vont sans nul doute se livrer un âpre combat pour obtenir l’investiture. Dès la semaine prochaine, la primaire dans le Michigan (125 délégués) donnera plus d’indications sur le rapport de force.

Sans doute déçu, car il comptait aussi sur le Texas qui est finalement revenu à Joe Biden, Bernie Sanders reste malgré tout très combatif dans le discours qu’il adresse à ses soutiens au soir du Super Tuesday :

« Je vous le dis avec une confiance absolue : nous allons gagner la primaire démocrate et nous allons battre le Président le plus dangereux de l’histoire de ce pays. »

La seconde partie de la phrase n’est pas anodine. Pour la plupart des commentateurs, pour la direction du Parti démocrate et pour Trump lui-même – qui se frottait les mains par tweets interposés à l’idée d’avoir Sanders en face de lui, la candidature du sénateur du Vermont, trop radicale, trop « socialiste », risque d’entraîner la défaite des démocrates face à Trump.

Mais du point de vue de Sanders, en 2016, le Parti démocrate a choisi un candidat modéré pour battre Trump et finalement Trump a été élu. Une erreur à ne pas renouveler, en le choisissant lui plutôt que Biden.

Or, choisir Sanders, à supposer qu’il puisse ensuite gagner face à Trump, c’est sauter à pieds joints dans la dystopie socialiste classique qu’on a vu à l’œuvre de l’Angleterre socialiste des années 1970 à la France du Programme commun de la gauche de 1981, en passant par Cuba et le Venezuela. Autrement dit, la recette infaillible pour obtenir à brève échéance la faillite du pays et l’appauvrissement de ses habitants.

On peut ne pas aimer Trump, regretter sa propension au déficit public, donc à la dette publique, ainsi que les alertes qu’il fait peser sur le commerce international. Il n’en demeure pas moins que les États-Unis jouissent actuellement d’un taux de chômage de 3,5 %, le plus bas jamais enregistré depuis 50 ans, et que les salaires y ont crû de 3,5 % en 2019, dont 4,4 % pour les salaires du premier quartile (les 25 % les plus bas) alors que l’inflation était de 1,6 % environ.

Bernie Sanders aimerait croire que ce dernier point est dû à la hausse du salaire minimum à 15 dollars en différents lieux des États-Unis, mais c’est très loin d’être le cas. Selon un économiste interrogé par le New York Times, plus des deux tiers de la hausse s’expliqueraient par les tensions sur le marché du travail. Comme aux Pays-Bas, comme au Royaume-Uni, le dynamisme de l’économie a amené le pays au plein emploi et il en résulte des difficultés pour recruter, ce qui pousse les salaires à la hausse.

Dans ce pays qui tourne donc plutôt bien, Bernie Sanders s’est mis en tête d’apporter sa révolution, convaincu qu’il est depuis toujours que le capitalisme, peu importe la qualité de ses résultats, est une construction qui ruine les âmes et corrompt la société. Le simple fait qu’il existe des milliardaires est pour lui le symptôme d’un terrible échec politique.

D’où un empilement de mesures à côté desquelles même Jeremy Corbyn pourrait passer pour un modéré : hausse du salaire horaire minimum de 7,25 dollars à 15 dollars, couverture médicale gratuite pour tous et interdiction des assurances de santé privées, éducation scolaire et universitaire gratuite pour tous et effacement de la dette des étudiants, protectionnisme, emplois garantis, division par deux de la fortune des milliardaires en 15 ans, distribution de 20 % des titres des sociétés aux salariés (Corbyn n’en est qu’à 10 %), limitation des hauts salaires et Green New Deal pour passer au 100 % renouvelable dans l’électricité et les transports d’ici 10 ans.

Un programme qui pourrait atteindre 60 000 milliards de dollars en 10 ans, soit plus que le doublement des dépenses fédérales. Comment serait-il financé ? Par les riches, le 1 %, les milliardaires et les grosses entreprises détestées, à travers des taxes sur la fortune, sur l’extrême fortune, sur les écarts de revenus, sur les transactions financières, etc.

Et ne serait-il pas entièrement financé, que cela n’aurait aucune importance car Bernie Sanders a vite compris tout l’intérêt de la modern monetary theory (MMT) ou « nouvelle politique monétaire » développée par sa conseillère économique Stephanie Kelton.

Même s’il prend la précaution de s’abriter derrière l’aura de Franklin Roosevelt, son New Deal et son Second bill of rights dont beaucoup d’éléments se retrouvent dans son programme – droit à un emploi décent, à un salaire décent, à un logement décent, à une retraite décente, à l’éducation et à la santé – il s’agit purement et simplement de laisser filer la dette à force de dépenses publiques volontaristes dans la plus pure tradition keynésienne.

Une tradition qui n’a jamais fait ses preuves nulle part, ainsi que nous le rappelait Jacques Rueff dans son article « La fin de l’ère keynésienne ». C’est d’ailleurs à cela qu’on en déduit que la Révolution de Bernie Sanders est purement idéologique car fondée sur des réalisations concrètes qui n’existent que dans son imagination puissamment adverse au capitalisme.

Au-delà de la référence à Roosevelt, en se proclamant « socialiste démocratique », Sanders tend à faire croire qu’il n’est en rien différent des social-démocraties scandinaves et qu’il n’aspire qu’à appliquer leurs recettes. Pourquoi ce qui a marché chez elles ne pourrait-il pas fonctionner aux États-Unis ?

Le problème, c’est que si le modèle scandinave fut effectivement fondé dans les années 1970 sur un État-providence très redistributif, il a dû être réformé assez sérieusement à partir des années 1990 en raison des grandes difficultés où l’avaient entraîné ses dépenses publiques illimitées et ses déficits constants (cas de la Suède, par exemple). Réformes d’inspiration… libérale incluant déréglementation et privatisation de certains services publics, et règles strictes concernant les finances publiques.

En 1963, alors qu’il avait 22 ans, Bernie Sanders a passé plusieurs mois dans un kibboutz israélien à proximité d’Haïfa. À cette époque, les kibboutz fonctionnaient sur le modèle des kolkhozes soviétiques d’où venaient beaucoup de migrants juifs, et selon des témoins de l’époque, le kibboutz du jeune Sanders ne faisait pas exception. L’URSS était perçue comme un modèle et collectivisme et égalitarisme y étaient de règle.

À lire le programme présidentiel que M. Sanders compte éventuellement appliquer à partir de 2021, on ne peut s’empêcher de penser qu’il est encore totalement sous l’emprise de ce modèle. Mais là encore, terrible anachronie. Il est vite apparu que le modèle soviétique appliqué aux kibboutz avait surtout pour effet d’attiser les rancœurs, générer de la pénurie et précipiter la faillite. Aujourd’hui, ils ont renoncé à leurs principes égalitaires d’origine pour se transformer en véritables entreprises privées soucieuses d’utiliser au mieux leurs ressources.

Le monde change, mais Bernie, lui, n’a pas changé. Ça promet.

Sur le web

  1. Super Tuesday du mardi 3 mars 2020. Étape de la course à l’investiture du Parti démocrate en vue des élections présidentielles américaines du mardi 3 novembre 2020. Elle se déroule dans 14 États à la fois (dont les États très peuplés de Californie et du Texas) et elle concerne l’attribution de 1357 délégués sur un total de 3979, soit un gros tiers. Avant cela, seulement 155 délégués avaient été attribués.

    À l’issue du Super Tuesday, Joe Biden (modéré) disposerait de 670 délégués et Bernie Sanders (radical) de 589 (résultats estimés). Avec 97 et 104 respectivement, Elisabeth Warren (radical) et Michael Bloomberg (modéré) sont de fait hors course. Le dernier a d’ailleurs annoncé hier qu’il se retirait en faveur de Joe Biden tandis que Warren « réfléchit ».

    L’investiture est obtenue à partir de 1991 délégués, soit la majorité absolue. Si aucun candidat n’y parvient, 771 « super-délégués » libres de voter comme ils l’entendent (personnalités et cadres du parti) participeront à un second tour lors de la Convention démocrate des 13 au 16 juillet 2020 à Milwaukee dans le Wisconsin. Le candidat ayant rassemblé plus de 2376 délégués sera alors officiellement désigné.

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  • Les idéologues, sauf accident salutaire, ne changent jamais de position. Ils détiennent la vérité et leur combat est d’y faire coller le réel. Mais quand on violente le réel, il y a forcément quelques dommages collatéraux…
    On peut dire ce qu’on veut de Trump, sa démarche est strictement inverse: il part de son expérience et de ce qui lui a réussi en affaires

    • dans les pays communistes, violenter le réel s’est soldé par des dizaines de millions de morts.

    • Trump est un fils à papa né avec une cuillère en argent dans la bouche. Il a fait faillite merci les banques. Fiston peut dire merci à papa il n’a pas eu besoin de développer son bizness de 0, papa Trump y a pourvu. Ce type n’est pas un self made man, il a prouvé qu’il est nul en affaire.

  • Bernie Sanders est trop socialiste et Joe Biden a l’affaire ukrainienne aux basques…

  • Sanders serait elu au la main en France avec ce programme…heu en fait il est déjà appliqué avec le bonheur qu’on connait…

  • Qui pourrait, aux USA, voter pour Bernie Sanders en étant lucide? Son programme est tout simplement mortifère pour le pays!

    • Les USA sont très centrés sur eux-mêmes et la quasi-totalité de la population US connait très mal ce qui se passe ailleurs et comment fonctionnent réellement les autres pays et leurs systèmes économiques.
      Et en particulier le socialisme! La population US ne l’a jamais expérimenté directement. Sur le papier, le socialisme peut présenter des aspect attrayants…
      Qui plus est, certains ont réussi à en vendre quelques éléments sous un aspect chatoyant comme M.Moore avec son documentaire SICKO et sa critique du système de santé US citant en des termes positifs le système français.
      B.Sanders surfe sur tous ces éléments.

  • Les promesses de raser gratis, attirent les votes.
    Sanders est plus dangereux qu’on ne le croit.
    Surtout avec un Biden souffrant Alzheimer, il risque d’être en face de Trump.

  • ce qui est assez amusant est que certains du cote démocrate navré que sandres soit perdant qualifient biden de sénile ou semi sénile..young turks par exemple.
    et devront appeler à voter pour lui par la suite..ce qui laisse songeur..

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