Le procès un peu trop facile fait à Facebook

Si le nombre d’utilisateurs continue d’être extrêmement élevé dans le monde, c’est que Facebook répond à un besoin qu’on a tendance à minorer pour ne retenir que ses aspects problématiques.

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Le procès un peu trop facile fait à Facebook

Publié le 28 février 2020
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Par Frédéric Mas.

Le 28 février est la Journée mondiale sans Facebook. Fin 2019, on comptait plus de deux milliards d’utilisateurs actifs chaque mois, ce qui le plaçait au troisième rang des sites les plus visités au monde. En 2019, ils étaient 27,5 millions d’utilisateurs par mois en France contre 17,4 millions pour Snapchat, Instagram (15,9 millions) et Twitter (4 millions).

Le succès de Facebook est sans appel, et se traduit par sa place centrale dans la vie publique contemporaine partout dans le monde. La journée mondiale sans Facebook est l’occasion de rappeler à quel point cette emprise suscite la polémique et les oppositions.

Depuis 2016 et l’élection de Donald Trump, les critiques se sont concentrées sur le rôle de Facebook dans la propagation de fake news et dans la banalisation des discours de haine. Les révélations du scandale Cambridge Analytica, dans lequel Facebook a été accusé de transmettre des données personnelles à un société qui les a revendues à des organisations politiques.

Le procès facile de Facebook

Seulement, comme l’a rappelé Philippe Silberzahn au moment de l’audition de Mark Zuckerberg devant le sénat américain, il est plus facile d’accuser Facebook d’avoir favorisé l’élection de Trump et les discours de haine que de traiter les problèmes à la racine :

« Il est plus facile d’accuser Zuckerberg d’avoir biaisé l’élection de 2016 que de se demander comment on a pu laisser élire un abruti à la Maison Blanche. Comme tout le monde ou presque déteste les patrons et que le politique peut toujours, étant éloigné de l’action, prétendre à une perfection évangélique au contraire de l’homme d’action, ils sont une cible idéale. Gardons-nous de rire trop vite de ce qui peut s’interpréter comme un règlement de compte populiste. »

Si le nombre d’utilisateurs continue d’être extrêmement élevé dans le monde, c’est que Facebook répond à un besoin qu’on a tendance à minorer pour ne retenir que ses aspects problématiques.

Ce qu’a apporté Facebook

Pour Pierre Schweitzer, enseignant et spécialiste en économie des médias, rejeter tout ce qu’a fait Facebook a même quelque chose de profondément antilibéral :

« On a tendance à se concentrer sur les défauts de ce réseau social en oubliant tout ce qu’il a pu apporter de positif en termes de liberté d’information, d’ouverture sur le monde, d’encouragement à la création de contenus… »

Plus encore, Facebook s’est fait la caisse de résonance des lanceurs d’alerte et de certains mouvements de libération comme le printemps arabe il y a quelques années. Dans les pays où la liberté de la presse est menacée ou inexistante, il a été un moyen pour les individus de se rendre visibles et de protester. Pierre Schweitzer poursuit : « Dans les pays pauvres, corrompus, où les citoyens sont privés de libertés, c’est parfois le seul moyen de véhiculer des informations, de se faire entendre, de montrer une certaine réalité. »

Seulement, l’institutionnalisation de Facebook peut être un sujet d’inquiétude légitime pour les défenseurs des libertés publiques. Pour Pierre Schweitzer, le fait que les réseaux sociaux répondent de plus en plus aux injonctions du pouvoir politique pour contrôler l’information ou la censurer oblige à la prudence sur le sujet.

C’est peut-être la réflexion à amorcer à l’avenir : plutôt qu’une journée sans Facebook, si on essayait une journée sans interférence des politiques sur les réseaux sociaux ?

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  • Pour ma part, j’utilise Facebook pour ses groupes fermés. C’est ainsi que je suis parvenue à faire diagnostiquer assez rapidement mon enfant malade (de fil en aiguille, à force d’informations que j’ai pu recouper, engranger…, puis en trouvant par ce biais une entreprise américaine sérieuse qui propose des tests par panels génétiques), c’est grâce à ces groupes que j’ai acquis rapidement tout le matériel qui permet d’améliorer son espérance de vie (d’une quinzaine d’années à peut-être trente ans ?), c’est grâce à ces groupes que je suis en contact avec quelques centaines de familles concernées par sa maladie dans le monde (Europe, EU, Moyen Orient, sous-continent indien, Australie, Amérique latine) et ai noué quelques débuts d’amitié, à distance, très très utiles pour ne pas craquer complètement dans les moments les plus difficiles, face à l’horreur morale, financière et administrative (surtout en république soviétique de France) de sa maladie. Même si le monde prôné par Zuckerberg n’est pas ma tasse de thé, Facebook a d’indéniables qualités en certaines situations.

    • En fait, vous considérez et utilisez Facebook pour ce qu’il est, un outil.
      Je n’ai pas besoin de cet outil et ne m’en sert pas, mais je n’hésiterais pas un instant si le besoin se présentait, ce que pourtant je ne souhaite pas …

      On ne joue pas avec un marteau, outil indispensable pour de nombreux travaux, si on ne veut pas qu’il finisse sur les doigts de pied !

      • Oui, exactement. J’ai trouvé utile de témoigner car mon cas est un peu extrême. Et il me semble qu’hors cas extrêmes de ce genre, l’utilité de Facebook est pire que nulle, sauf pour les aspirants à l’aspiration de données.

  • « [FaceBook] traduit par sa place centrale dans la vie publique contemporaine partout dans le monde. »

    Sauf que la définition de « public » n’est pas la même entre celle du commun des mortels et des juges.
    « C’est un réseau privé » ont clamé les juges californiens lors d’une affaire de censure contre un groupe Conservateur.
    « C’est d’une importance publique et légale » ont clamé d’autres juges quand Trump a voulu bloqué des intervenants trop agressifs sur son compte Twitter?

    « si on essayait une journée sans interférence des politiques sur les réseaux sociaux ? »
    Alors, s’agit il d’une interférence des politiques qui tirent leur légitimité des élections ? Ou de ceux qui détiennent le pouvoir de l’état hors des élections.

    Un réseau social est – il de nature privé ou publique ?

    • Un réseau social est – il de nature privé ou publique ?

      C’est une construction privée ouverte au public. Un peu comme un cinéma, un restaurant ou autre établissement recevant du public. Ce sont des lieux privés mais ils sont astreints à certaines règles, entre autres pour assurer la sécurité du public.

    • Frédéric Mas a raison de soulever la question de l’ingérence du politique dans les entreprises privées que sont Facebook et autres.
      En particulier, l’ingérence (dont il a été fait état à plusieurs reprises sur CP) en matière de justice, quand les politiques demandent, exigent même des patrons de réseaux sociaux qu’ils fassent le boulot de l’État, à savoir censurer – sanctionner donc – les discours jugés illégaux. C’est à l’État de faire ce boulot régalien – la justice – pas à des entreprises privées, où les bases de la justice (droit à la défense, procès contradictoire) ne sont pas appliquées : les politiques favorisent le règne de l’arbitraire, ce faisant. Et des personnalités comme Zuckerberg, marquées politiquement (Démocrate en l’occurrence) en profitent pour censurer prioritairement les discours de type conservateur, et plus généralement non conformes au politiquement correct cher aux « progressistes ».

  • Qu’attend la France, forte de la réussite de SIRHEN et d’OSIRIS, pour lancer un équivalent de facebook, policé, voire bisounoursé, obligatoire et gratuit pour tous ( obligatoire et payant pour les riches ), dont le succès redorera le prestige de la France seule, puisqu’il ne sera pas question qu’il soit international. ( comme Géoportail qui devait concurrencer Google maps )

  • je n’utilise pas Facebook.. je n’ai aucun besoin qui corresponde a ce qu’il est sensé proposer..
    de plus
    « quand c’est gratuit , c’est que c’est toi le produit »

  • Souvent les journaux (tv , radio , papier) sont assez virulents contre les reseaux sociaux.Les accusants de propager des bobarbs , foutage de gueule….j’ai plein d’exemples sur les conneries que les chaines d’info « officielle » dissemine comme la chtouille dans un camp de boyscouts…

  • En même temps on peut bien accepter ses défauts étant que l’on a accès à quelque chose de gratuit.

  • La règle du jeu de FB : se soumettre ou se démettre, c’est comme une presse d’un million de tonnes contre un moucheron de 0,0032 grammes

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