Health Data Hub : le Big Brother médical arrive le 1er décembre

Les données de santé sont tout à la fois le bien accessible et propre à chaque patient et le patrimoine inaliénable et transparent de la collectivité. Il est important de garder la main sur les technologies employées.

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Health and medical cloud by Blue Coat Photos(CC BY-SA 2.0)

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Health Data Hub : le Big Brother médical arrive le 1er décembre

Publié le 1 décembre 2019
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Par Interhop.org.
Un article de Framablog

La plateforme nationale des données de santé ou Health Data Hub, pour les plus américains d’entre nous, doit voir le jour d’ici la fin de l’année. Il s’agit d’un projet qui, selon le ministère de la Santé, vise à « favoriser l’utilisation et multiplier les possibilités d’exploitation des données de santé » en créant notamment « une plateforme technologique de mise à disposition des données de santé ».

La CNIL en mémoire

Or, à la lecture du rapport d’étude qui en détermine les contours, le projet n’est pas sans rappeler de mauvais souvenirs. Vous rappelez-vous, par exemple, du contexte conduisant à la création de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) en 1978 en France ? L’affaire a éclaté en mars 1974, dans les pages du journal Le Monde.

Il s’agissait de la tentative plus ou moins contrecarrée du projet SAFARI (Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus) visant à créer une banque de données de tous les citoyens français en interconnectant les bases de plusieurs institutions grâce à un numéro unique d’identification du citoyen : le numéro de Sécurité sociale.

Ce scandale n’était pourtant pas inédit, et il ne fut pas le dernier… À travers l’Histoire, toutes les tentatives montrent que la centralisation des données correspond à la fois à un besoin de gouvernement et de rentabilité tout en entamant toujours un peu plus le respect de nos vies privées et la liberté. L’histoire de la CNIL est jalonnée d’exemples.

Quant aux motifs, ils relèvent toujours d’une très mauvaise habitude, celle de (faire) croire que la centralisation d’un maximum d’informations permet de les valoriser au mieux, par la « magie » de l’informatique, et donc d’être source de « progrès » grâce aux « entreprises innovantes ».

Concernant le Health Data Hub, il s’agit d’un point d’accès unique à l’ensemble du Système National des Données de Santé (SNDS) issu de la solidarité nationale (cabinets de médecins généralistes, pharmacies, hôpitaux, Dossier Médical Partagé, registres divers et variés…). L’évènement semble si important qu’il a même été annoncé par le Président Macron en mars 2018. Par ailleurs, il est important de pointer que le SNDS avait été épinglé pour l’obsolescence de son système de chiffrement en 2017 par la CNIL.

De plus, l’infrastructure technique du Health Data Hub est dépendante de Microsoft Azure. Et ce point à lui seul soulève de grandes problématiques d’ordre éthique et réglementaire.

Alors que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) protège les citoyens européens d’un envoi de leurs données en dehors du territoire européen, la loi Américaine (Cloud Act) permet de contraindre tout fournisseur de service américain à transférer aux autorités les données qu’il héberge, que celles-ci soient stockées aux États-Unis ou à l’étranger.

Entre les deux textes, lequel aura le dernier mot ?

Les citoyens et patients français sont donc soumis à un risque fort de rupture du secret professionnel. La symbolique est vertigineuse puisque l’on parle d’un reniement du millénaire serment d’Hippocrate.

Le risque sanitaire d’une telle démarche est énorme.

Les patients acceptent de se faire soigner dans les hôpitaux français et ils ont confiance dans ce système. La perte de confiance est difficilement réparable et risque d’être désastreuse en termes de santé publique.

C’est sous couvert de l’expertise et du « progrès » que le pouvoir choisit le Health Data Hub, solution centralisatrice, alors même que des solutions fédérées peuvent d’ores et déjà mutualiser les données de santé des citoyens français et permettre des recherches de pointe.

Bien que les hôpitaux français et leurs chercheurs œuvrent dans les règles de l’art depuis des années, il apparaît subitement que les données de santé ne sauraient être mieux valorisées que sous l’égide d’un système central, rassemblant un maximum de données, surveillant les flux et dont la gestion ne saurait être mieux maîtrisée qu’avec l’aide d’un géant de l’informatique : Microsoft.

Il est à noter que d’une part, il n’a jamais été démontré que le développement d’un bon algorithme (méthode générale pour résoudre un type de problèmes) nécessite une grande quantité de données, et que d’autre part, on attend toujours les essais cliniques qui démontreraient les bénéfices d’une application sur la santé des patients1

On ne s’étonne pas que le site Médiapart ait alerté le 22 novembre dernier sur les conditions de l’exploitation des données de santé. Il est rappelé à juste titre que si la CNIL s’inquiète ouvertement à ce sujet, c’est surtout sur la finalité de l’exploitation des données. Or, la récente Loi Santé a fait disparaître le motif d’intérêt scientifique pour ne garder que celui de l’intérêt général…

Quant à la confidentialité des données, confier cette responsabilité à une entreprise américaine semble être une grande erreur tant la ré-identification d’une personne sur la base du recoupement de données médicales anonymisées est en réalité plutôt simple, comme le montre un article récent dans Nature.

Ainsi, aujourd’hui en France se développe toute une stratégie visant à valoriser les données publiques de santé, en permettant à des entreprises (non seulement des start-up du secteur médical, mais aussi des assureurs, par exemple) d’y avoir accès, dans la droite ligne d’une idéologie de la privatisation des communs. En plus, dans le cas de Microsoft, il s’agit de les héberger, et de conditionner les technologies employées. Quant aux promesses scientifiques, elles disparaissent derrière des boîtes noires d’algorithmes plus ou moins fiables ou, disons plutôt, derrière les discours qui sous le « noble » prétexte de guérir le cancer, cherchent en fait à lever des fonds.

Quelles sont les alternatives ?

Le monde médical et hospitalier est loin de plier entièrement sous le poids des injonctions.

Depuis plusieurs années, les hôpitaux s’organisent avec la création d’Entrepôts de Données de Santé (EDS). Ceux-ci visent à collecter l’ensemble des données des dossiers des patients pour promouvoir une recherche éthique en santé. Par exemple, le projet eHop a réussi à fédérer plusieurs hôpitaux de la Région Grand Ouest (Angers, Brest, Nantes, Poitiers, Rennes, Tours). Le partage en réseau au sein des hôpitaux est au cœur de ce projet.

Par aller plus loin dans le partage, les professionnels dans les hôpitaux français reprennent l’initiative de Framasoft et l’appliquent au domaine de la santé. Ils ont donc créé Interhop.org, association loi 1901 pour promouvoir l’interopérabilité et « le libre » en santé.

Pourquoi interopérer ?

L’interopérabilité des systèmes informatisés est le moteur du partage des connaissances et des compétences ainsi que le moyen de lutter contre l’emprisonnement technologique. En santé, l’interopérabilité est gage de la reproductibilité de la recherche, du partage et de la comparaison des pratiques pour une recherche performante et transparente.

L’interopérabilité est effective grâce aux standards ouverts d’échange définis pour la santé (OMOP et FHIR).

Pourquoi décentraliser ?

Comme dans le cas des logiciels libres, la décentralisation est non seulement une alternative mais aussi un gage d’efficacité dans le machine learning (ou « apprentissage automatique »), l’objectif visé étant de rendre la machine ou l’ordinateur capable d’apporter des solutions à des problèmes compliqués, par le traitement d’une quantité astronomique d’informations.

La décentralisation associée à l’apprentissage fédéré permet de promouvoir la recherche en santé en préservant, d’une part la confidentialité des données, d’autre part la sécurité de leur stockage. Cette technique permet de faire voyager les algorithmes dans chaque centre partenaire sans mobiliser les données. La décentralisation maintient localement les compétences (ingénieurs, soignants) nécessaires à la qualification des données de santé.

Pourquoi partager ?

La solidarité, le partage et l’entraide entre les différents acteurs d’Interhop.org sont les valeurs centrales de l’association. Au même titre qu’Internet est un bien commun, le savoir en informatique médicale doit être disponible et accessible à tous. Interhop.org veut promouvoir la dimension éthique particulière que reflète l’ouverture de l’innovation dans le domaine médical et veut prendre des mesures actives pour empêcher la privatisation de la médecine.

Les membres d’Interhop.org s’engagent à partager librement plateforme technique d’analyse big data, algorithmes et logiciels produits par les membres. Les standards ouverts d’échange sont les moyens exclusifs par lesquels ils travaillent et exposent leurs travaux dans le milieu de la santé. Les centres hospitaliers au sein d’Interhop.org décident de se coordonner pour faciliter et agir en synergie.

Pourquoi soigner librement ?

L’interconnexion entre le soin et la recherche est de plus en plus forte. Les technologies développées au sein des hôpitaux sont facilement disponibles pour le patient.

L’Association Interhop.org veut prévenir les risques de vassalisation aux géants du numériques en facilitant la recherche pour une santé toujours améliorée. L’expertise des centres hospitaliers sur leurs données, dans la compréhension des modèles et de l’utilisation des nouvelles technologies au chevet des patients, est très importante. Le tissu d’enseignants-chercheurs est majeur. Ainsi en promouvant le Libre, les membres d’Interhop.org s’engagent pour une santé innovante, locale, à faible coût et protectrice de l’intérêt général.

Les données de santé sont tout à la fois le bien accessible et propre à chaque patient et le patrimoine inaliénable et transparent de la collectivité. Il est important de garder la main sur les technologies employées. Cela passe par des solutions qui privilégient l’interopérabilité et le logiciel libre mais aussi le contrôle des contenus par les patients.

Sur le web

  1. Pour aller plus loin, le réseau d’éducation populaire Framasoft, créé en 2001 et consacré principalement au développement de logiciels libres, veut montrer qu’il est possible d’impacter le monde en faisant et en décentralisant. C’est cette voie qu’il faut suivre. La loi pour une République numérique fournit un cadre légal parfait pour initier des collaborations et du partage. La diffusion libre du savoir s’inscrit totalement dans la mission de service publique des hôpitaux telle qu’imaginée il y a des décennies par le Conseil National de la Résistance, puis par Ambroise Croizat lors de la création de la Sécurité Sociale.
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  • L’industrie pharmaceutique va se regaler avec ce genre d’instrument ,connaitre d’avance le marche d’un medicament et du materiel medical , l’orienter vers la où il doit aller…et tout ca basé aux etats uniis avec leurs lois permettant de controler le monde a leur convenance……

    • Les labos n’ont pas besoin de ce nouvel avatar de l’Etatisme. Ils le savent déjà très bien via leur réseau de distribution.
      Le seul gagnant potentiel est un Etat centralisateur qui a volonté de contrôler au plus près sa population… Pour le « bien commun » bien évidemment. 🙂

  • Après la disparition de tout secret professionnel, celle du secret médical est déjà bien avancée et conforme à l’évaporation des derniers résidus de vie privée. Le plus affligeant à mes yeux est que la populace s’en accomode parfaitement. Nous sommes devenus une termitière.

    • Le secret medical n’existe pas vraiment , voir le questionnaire medical ,comment c’est legal ?, pour prendre un emprunt par exemple, sans doute que les assurances auto guette pour pouvoir augmenter la prime des drogues et alcoolo et autres maladies augmentant le risque.

      • Ce questionnaire est plus ou moins intrusif suivant les réglementations des différents pays.
        Cependant, ne vous leurrez pas. Si ce questionnaire n’existait pas (décision étatique), les assurances (et banques pour accorder un emprunt) couvriraient leur surplus de risque soit en augmentant les primes ou le taux d’emprunts de tous, soit en demandant des garanties patrimoniales, soit en étant encore plus exigeantes sur les ressources professionnelles…etc.

  • « La plateforme nationale des données de santé ou Health Data Hub ». Ecrivez-donc directement en anglais plutôt que dans cette langue de bouseux incapables qu’est le français.

    • « Centre national des données de santé » aurait été plus français, meme si l’administration a tendance copier sans vergogne des mots US, surtout si leur orthographe et leur prononciation peut les faire passer pour des mots français.

  • Très bon article, malgré quelques réticences linguistiques, où l’on prétend pas, à l’inverse des sophistes libéraux que des sociétés comme Roche ou Bayer-Monsanto seraient des hérauts du libéralisme, alors qu’ils e sont les fossoyeurs.

    • Lol! La rhétorique habituelle contre le méchant capitalisme international.
      Jusqu’ici les fossoyeurs du libéralisme ont toujours été les idéologies socialisantes sous leurs diverses formes et les États qui les appliquaient.
      Le capitalisme de connivence qui peut être reproché à certaines entreprises, n’est qu’une adaptation de ces dernières à un interventionnisme forcené de l’Etat dans le fonctionnement de la société. Si l’Etat n’avait aucun moyen légal de donner un avantage, prébende, exclusivité à tel ou tel intervenant ou de modifier la loi pour donner un avantage à tel ou tel groupe de population, il n’y aurait pas de capitalisme de connivence. Ce dernier est conséquence de l’Etatisme.

  • « Les données de santé sont tout à la fois… …et le patrimoine inaliénable et transparent de la collectivité. »
    Non. Raisonnement de collectiviste dans un système de santé collectiviste.
    Les données de santé sont avant tout et uniquement le bien de chaque patient. Ces données de santé ne devraient être partagées qu’après accord du patient et uniquement avec des intervenants choisis par le patient à l’exclusion des autres.
    Il est vrai que le respect de la propriété privée ne fait pas partie des fondamentaux de la société française.

    L’argument de données servant à la recherche est un cache-sexe pitoyable. Il pourrait être valable si on parlait de données anonymisées dès leur enregistrement dans les bases de données servant à cela. Or ce n’est pas le cas. La conservation en clair de l’identité des patients est un élément indispensable au contrôle de la population.

  • On arrêtera pas le Big-Data. La question est de savoir qui contrôle et qui a accès. Les états devenu secondaires comme la France n’ont pas encore compris l’importance de la chose. sinon ils emploieraient les moyens qu’il faut pour se faire respecter. Face aux objectifs monopolistiques et totalitaristes des organisations concernées, il n’y a que les menaces et leur débuts d’exécutions quel-qu’en soit les moyens qui peuvent être utiles et efficaces

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