Par Selecta Nardus.
Vous pouvez retrouver le premier article de cette série : l’introduction à la musique jamaïcaine.
La musique de l’indépendance (1962 – 1965)
Le ska est né en 1962, l’année de l’indépendance de la Jamaïque. C’est le début de la glorieuse épopée de la musique jamaïcaine (le mento, plus ancien, étant une variante dispensable du calypso).
Voilà une musique de joie et de danse énergique sur un rythme binaire, marquée par l’incontournable contretemps, commun à tous les styles yardie (désignation populaire d’un Jamaïcain, dérivée de « yard » : la cour, la maison). Les cuivres règnent dans ce jazz sautillant excellent pour le cardio.
Le groupe ska par excellence : les Skatalites, dont plusieurs membres ont été formés à la Alpha Boys School, école de bonnes sœurs catholiques pour enfants déshérités, comme de nombreux musiciens jamaïcains de première importance (site officiel et radio).
Des chanteurs ont marqué le genre : Jimmy Cliff, Desmond Dekker, Derrick Morgan, Laurel Aitken, Jackie Opel, Prince Buster, Eric Morris, Justin Hinds et d’autres encore (dont un certain Robert « Bob » Nesta Marley, qui enregistre son premier 45 tours en 1962).
Au départ inspirés par les stars du rhythm’n’blues, ces chanteurs marquent peu à peu leur différence. Parmi eux surtout, Prince Buster, chanteur très populaire, porte fièrement le chapeau « pork-pie » des rude boys (voyous endimanchés de Kingston) et produit de nombreux succès entre 1962 et 1965.
La guerre entre deux producteurs de ska
Le ska correspond aussi au début de la guerre féroce entre les deux principaux producteurs et patrons de sound system des années 1960 : à ma gauche, Clement « Coxsone » Dodd (label Studio One), à ma droite, Duke Reid dit « the Trojan » (label Treasure Isle). Chacun marque son style.
Reid est un ancien policier qui a ouvert un commerce de spiritueux et a vite compris que le marché de la musique avait de l’avenir. Se déplaçant toujours avec un pistolet, il exigeait une totale discipline dans le studio.
Coxsone se voulait lui plus libéral et fermait les yeux sur certaines habitudes de ses musiciens (dont la consommation de « holy herb »). Les deux sont durs en affaires et ne s’embarrassent pas de questions de droits d’auteurs, payant leurs musiciens et chanteurs à la pige, et créant des rancœurs tenaces.
Un succès rapide puis le déclin
À partir de 1963 / 1964, le ska prend toute la place dans les soirées des sound systems. Les foules présentes adorent et perfectionnent la danse ska. Elles transpirent à grosses gouttes et carburent à la Redstripe (bière jamaïcaine) ou la Heineken jusqu’à la « midnight hour » où le rythme ralentit enfin et laisse la place aux danses de couples.
Le public hors Jamaïque : les yardies émigrés à Londres, les mods anglais, les branchés noirs américains et un public éphémère plus large pour « My boy lollipop », tube de l’été 1964.
Deux labels diffusent le ska à Londres et ailleurs. Blue beat d’abord, qui a eu un tel succès d’estime que le nom du label a remplacé celui de la musique dans les clubs londoniens comme le Roaring Twenties à Carnaby Street (fréquenté par tout le gratin pop de l’époque, dont Lennon et Mc Cartney). Island Records ensuite, du Jamaïcain blanc et milliardaire Chris Blackwell. Island est relégué au second plan à cette période, mais jouera un rôle décisif dans l’explosion reggae et Marley dix ans plus tard.
Après 1965, le ska disparaît peu à peu à Kingston. Mais revient régulièrement à la mode en Europe et ailleurs grâce à plusieurs revival dont le two-tone british des années 1980 (Madness, Specials, The Beat).
Si vous ne deviez retenir qu’un seul nom : Don Drummond, le tromboniste mythique, qui est LA figure du genre. Schizophrène, pieux rasta et raciste anti-blancs patenté, il sombre avec la fin du ska en 1965, tue sa femme et meurt interné en 1969 dans des circonstances obscures.
Voici vingt incontournables du ska (et un bonus danse), choisis pour vous parmi des centaines d’autres. Skank it now !
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Autre chose que ces crasseux de ska p
Mais ça va pas !
alphonse ne parle pas de l’article (très bon au demeurant), mais du groupe Ska P.
Oui, merci d’avoir précisé
Oups, j’ai lu trop vite en focalisant sur le terme de « crasseux » que j’ai mal interprété. Je retire évidemment Alphonse.
C’est ma faute: le ska festif gaucho a tendance à me faire bégayer
Du ska nippon, propre :
https://youtu.be/DQmAUjw_fsg
https://youtu.be/SsjBv6aZHL0
En effet, beaucoup de gros collectionneurs de musique jamaïcaine au Japon, notamment de ska. Le TSPO c’est sympa et bien pechu. Nuff respect aux nippons et gloire au ska jamaicain originel !
La tracklist pour accompagner l’écoute :
– Don Drummond – Eastern standard time
– Jimmy Cliff – King of kings
– Baba Brooks – Guns fever
– Prince Buster – Hold up
– Lyn Taitt and the Comets – Storm warning
– Desmond Dekker – Honour your mother & father
– Ernest Ranglin – Exodus ska
– Justin Hinds and the Dominoes – Botheration
– The Skatalites – Guns of Navarone
– Laurel Aitken – Call the doctor
– Eric Monty Morris – Sammy dead
– Bongo Man – Marcus Garvey
– Don Drummond – Man in the street
– The Wailers – Hooligan
– Millie Small – My boy lollipop
– Jackie Opel – You’re too bad
– Derrick Morgan – Miss Lulu
– Stranger Cole – Rough and tough
– Bob Andy – Crime don’t pay
– The Skatalites – Freedom sounds
– Bonus – How to dance ska