Comment le contrôle des loyers nuit à ceux qu’il est supposé aider

Les dispositifs de contrôle des loyers avantagent les locataires les plus aisés. Un consensus parmi les économistes ne dissuade pas les politiciens d’y recourir.

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Façades d'immeubles à Paris - Luc Legay - cc by sa 2.0

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Comment le contrôle des loyers nuit à ceux qu’il est supposé aider

Publié le 10 avril 2019
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Par Hal Snarr. 
Un article du Mises Institute

L’État de l’Oregon est sur le point de mettre en place un dispositif d’encadrement des loyers dans le but d’apporter une « solution » au problème de pénurie de logements à laquelle font face ses habitants.

L’Oregon sera ainsi le premier État américain à se doter d’une telle législation. Cette politique est présentée comme un moyen de rendre les loyers plus abordables dans cet État qui compte trois villes (Eugene, Portland et Salem) classées parmi les 40 les plus chères du monde.

Pour comprendre comment cette législation risque en réalité de nuire à ceux qu’elle est supposée protéger, étudions le fonctionnement d’un marché locatif modélisé de façon simplifiée à l’aide du graphique ci-dessous.

Il représente une situation dans laquelle l’État n’interfère pas dans les transactions réalisées volontairement entre propriétaires et locataires. Dans cet exemple, le jeu de l’offre et de la demande permet l’allocation optimale de 100 logements à un prix d’équilibre de 1 500 dollars par mois.

La ligne rouge représente la demande de logements en location. Le point n°1 sur cette ligne indique ce que le locataire disposant du budget le plus important est capable de payer (2 500 dollars dans cet exemple). Le point n°2 sur la courbe indique ce que le locataire disposant du budget le plus faible est capable de payer (moins de 500 dollars). Le point d’équilibre, en noir, indique ce que le locataire disposant d’un budget dans la moyenne est capable de payer (1 500 dollars).

La ligne bleue représente l’offre de logements à louer. Étant donné que certains propriétaires ont des emprunts immobiliers adossés à leurs biens alors que d’autres non, que certains logements sont situés dans de grands ensembles immobiliers alors que d’autres sont des logements individuels, ou encore que certains donnent accès à de nombreux services annexes aux locataires alors que d’autres ont des charges communes minimales, cette courbe représente un classement des biens à louer du moins coûteux au plus coûteux en termes de frais de maintenance et de financement pour le propriétaire.

Le logement situé sur le point n°1 de la courbe bleue coûte ainsi 500 dollars par mois à son propriétaire, alors que celui situé sur le point n°2 lui coûte 2 500 dollars par mois en frais de maintenance et frais financiers.

Si on observe sur cette ligne bleue la location n°1, on constate qu’à la fois le propriétaire et le locataire sont gagnants dans la transaction.

Le locataire pense être celui qui a fait la meilleure affaire étant donné qu’il était prêt à consacrer 2 500 dollars par mois mais ne paye finalement que 1 500 dollars.

De son côté le propriétaire pense également être le plus grand gagnant dans cette affaire puisqu’il était prêt à accepter un loyer de 500 dollars mais a finalement réussi à trouver un locataire prêt à payer 1 500 dollars. Les deux parties sont gagnantes dans la transaction et ont donc accepté de signer le contrat de location.

L’ensemble des 100 logements loués constituent des accords gagnant-gagnant. Les locataires disposaient d’un budget compris dans une fourchette entre 2 500 dollars et 1 500 dollars, mais chacun ne paye que 1 500 dollars. Ils ont donc tous le sentiment d’être gagnants dans la transaction par rapport à leur propriétaire. La surface du triangle rose permet de mesurer ce sentiment.

Du côté des propriétaires, chacun d’entre eux perçoit un loyer de 1 500 dollars, alors qu’ils étaient prêts à accepter un loyer compris entre 500 et 1 500 dollars. Ils ont donc le sentiment d’être les plus grands gagnants dans la transaction. La surface du triangle bleu permet de mesurer ce sentiment. Ainsi, l’ensemble des participants sur ce marché est gagnant.

La partie en rouge pâle de la ligne de demande représente les locataires potentiels qui ont dû renoncer à un logement car le prix fixé par le marché est supérieur à leur budget. J’étais l’un d’entre eux lorsque j’étais encore au lycée. J’avais terriblement envie de prendre mon envol et d’avoir mon propre appartement, mais je ne pouvais pas me l’offrir.

Les travailleurs occupant des emplois peu qualifiés et les jeunes diplômés qui n’ont pas encore décroché un premier emploi peuvent également se trouver dans cette catégorie. Si la sous-location est illégale, cette catégorie a toujours la possibilité de trouver un appartement en périphérie dans une ville moins chère. La partie basse de la courbe de demande est représentée en pâle afin d’illustrer leur décision de louer en dehors du marché locatif modélisé.

Les réglementations immobilières peuvent avoir un effet néfaste sur le niveau des loyers et l’offre de logements. Les plans d’urbanisme imposés par l’État de l’Oregon ont pour conséquence de restreindre les zones où la construction de nouveaux immeubles d’habitation est autorisée. Cette politique a pour conséquence de réduire l’offre de nouveaux logements et par conséquent d’alimenter la pénurie ainsi que l’augmentation des loyers.

Autre exemple, la municipalité de New York cherche à limiter les sous-locations, ce qui a pour conséquence de réduire l’offre de logements disponibles à la location et donc d’augmenter le niveau des loyers. Étant donné que de nombreux locataires auraient pu sous-louer une chambre si cela avait été autorisé, ces restrictions ont pour conséquence d’augmenter le nombre de personnes à la recherche d’un logement, ce qui a également pour effet d’entraîner une augmentation des loyers.

En l’absence de réglementations, le marché serait capable de trouver des solutions innovantes au problème de la pénurie de logements. Par exemple, avant la mise en place des plans d’urbanisme, les Américains déjà établis transformaient leur maison en hôtel résidentiel ou en pension de famille pour les voyageurs et les nouveaux arrivants, ce qui n’est pas si différent des chambres à bas coût aujourd’hui disponibles sur Airbnb.

Quand les loyers atteignent un niveau trop élevé, les mesures de contrôle des loyers deviennent populaires parmi les politiciens réellement bien intentionnés ou cherchant simplement à gagner des voix.

Le graphique ci-dessous illustre ce qu’il advient lorsque l’État cherche à fixer le niveau des loyers (la ligne en vert dans cet exemple). Les locataires potentiels qui se situent entre les points trois et quatre sur la courbe de demande reviennent sur le marché dans l’espoir de trouver un appartement compte tenu du prix plus bas imposé par l’État. C’est pourquoi nous représentons à présent cette partie de la courbe en rouge vif.

Étant donné que les coûts de financement et de maintenance des logements qui se situent entre le point bleu et le point n°3 excèdent le prix imposé par la loi, les  propriétaires de ces logements préféreront les retirer du marché, par exemple pour les louer sur Airbnb.

Par conséquent, dans cet exemple, le loyer maximum fixé par la loi a pour conséquence de porter à 150 le nombre de personnes à la recherche d’un logement, tout en réduisant à 50 le nombre de logements disponibles. Si la sous-location est illégale, une partie des personnes à la recherche d’un appartement risque de devoir dormir dans sa voiture, ou même dans la rue, en attendant qu’un logement se libère.

Rappelez-vous que la ligne de demande en rouge représente un classement des locataires du plus riche (en haut à gauche) au plus pauvre (en bas à droite). Les foyers les plus riches sont généralement propriétaires de leur maison. La partie de la ligne bleue qui se situe entre les points n°1 et n°2 se compose donc principalement de membres de la classe moyenne supérieure, la partie de la ligne bleue entre le point n°2 et le point n°3 correspond à la classe moyenne inférieure, et les plus pauvres se retrouvent entre les points n°3 et n°4.

Étant donné que la classe moyenne supérieure possède des moyens plus importants que la classe moyenne inférieure et les plus modestes, les foyers présents dans cette catégorie représentent pour les propriétaires les dossiers les plus sûrs, et ils seront capables de verser les dessous-de-table les plus importants.

Par conséquent, les 50 locataires disposant des revenus les plus élevés obtiendront les 50 appartements disponibles sur le marché au prix fixé par l’État. Les foyers de la classe moyenne inférieure, qui disposaient d’un appartement en ville avant la mise en place du contrôle des loyers, en sont à présent chassés. Les plus pauvres, qui disposaient d’un logement en périphérie avant la mise en place du contrôle des loyers, sont maintenant sans logement.

Bien que le contrôle des loyers soit présenté comme une politique visant à aider les plus défavorisés, il a en réalité pour conséquence d’augmenter le nombre de sans-abris parmi les plus pauvres et la classe moyenne inférieure.

Les seuls bénéficiaires sont les locataires les plus riches qui bénéficient de loyers plus bas. Leur gain par rapport au propriétaire après la mise en place du contrôle des loyers (représenté par les zones en rose et en violet), est plus important qu’avant la mise en place du contrôle des loyers (représenté par la zone en rose).

Les conséquences du contrôle des loyers sont bien comprises par les économistes, aussi bien de gauche que de droite. Étant donné le rare consensus qui règne parmi les économistes sur ce sujet, il est étonnant qu’un État tel que l’Oregon soit sur le point de mettre en place une mesure qui aura pour conséquence inéluctable d’anéantir le marché du logement.

Pour plus d’informations, c’est ici

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici

 

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  • La Disette et la Pénurie se combattent par la réglementation. C’est une loi qui a fait ses preuves en Socialie. Aie confiance !

  • Quand l’auteur écrit que les jeunes et les moins diplômés ont « toujours la possibilité de trouver un appartement en périphérie dans une ville moins chère », il évacue le problème d’une manière très simpliste.
    Si la ville A coûte cher, c’est que les emplois s’y trouvent. Relèguer les peu diplômés et les jeunes dans la ville B moins pourvue en emploi, cela risque de pérenniser, cristalliser, renforcer cette situation. Et comme on sait très bien que les personnes les plus pauvres sont les moins diplômées, cercle vicieux, blabla, et on se retrouve avec la ville A toujours riche, et la ville B vivotant sans rien offrir comme débouchés. Comme il est interdit (libéralisme oblige) de faire des politiques publiques d’investissement ou d’incitation fiscale pour attirer des entreprises dans une région paupérisée, nous avons un très bel exemple de ce que j’avais déjà expliqué : le maintien (et le renforcement) de la séparation des « classes » (je n’aime pas trop ce mot), des riches/pauvres; la société (ou le manque de société) ayant rendu beaucoup plus difficile la mobilité sociale et économique.

    • Désolé, mais votre raisonnement est foireux. La ville A verra sa richesse diminuer, puisque les emplois à bas coût (pas Bakou hein) seront moins nombreux, au contraire de la ville B. Donc pas de cercle vicieux, mais vertueux. Et bien fait pour la tronche des polytocards de la ville A.

      • Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par « emploi à bas coût ». Vous voulez parler des caissiers, éboueurs etc ? Ben ils auront un emploi, mais pas de logement décent, ou habiteront fort loin avec une faible qualité de vie, comme ce qu’il se passe déjà dans certaines villes riches.
        Dans mon raisonnement, il n’y a justement pas de politiciens ou de plan de secteur ou de plan tout court dans la ville A. Seriez-vous en train de me dire que l’absence d’un plan publique mène à la diminution de la richesse de la ville A ?

        • Non, ils auront intérêt à bosser dans la ville B, les logements restant accessibles, la production augmentant dans cette ville. Et de plus si la ville A met en place des plans de restriction de la circulation. Pour faire des déplacements, il faut un intérêt, et sans revenu correct, c’est impossible.

          • Oui bien sûr, les entreprises vont déménager leurs sites de production vers la ville B. Suis-je bête.
            Et pourquoi la ville A mettrait des plans de restriction de la circulation?
            Enfin bref.. ceci est un exemple théorique trop abstrait pour être réellement discutable. Le principe n’en reste néanmoins vrai.

            • Et pourquoi la ville A mettrait des plans de restriction de la circulation?
              Parce que les bobos de la ville A en ont marre de voir les ploucs de la ville B dans leurs vieux tacots puant le gazole et pétaradant un maximum.

            • Vous rigolez? Regardez ce qui se passe dans bcp de nos bonnes villes françaises. Pourquoi est-ce que ces villes instaurent des restrictions de circulation?

        • Cher Amabys:
          Si l’emploi est moins cher dans la ville B c’est à cet endroit que s’installeront les entreprises « labor intensive » sauf à supposer que les entrepreneurs sont des crétins masochistes qui s’obligent à payer leur main d’oeuvre le plus cher possible.
          Si la seule différence entre la ville A et la ville B est le niveau de salaire plus bas et des loyers plus bas, alors l’activité ira vers la ville B.
          Si vous rajoutez des problèmes de délinquance en ville B, la ville B sera privée de son avantage concurrentiel. Mais sans cet aspect le marché fera comme la flotte: Il se dirigera vers là où c’est le plus facile. Moins cher= plus facile.

          C’est de la banale microéconomie. Si vous ne comprenez pas ça, je ne comprends même pas pourquoi on discute.

          • Ce que je ne comprends pas, c’est que vous pensez qu’on déplace facilement des usines, des centres de compétences, etc…
            Il me semble étrange que les entreprises ne se bousculent pas pour s’installer dans le Creuse, ou dans la Meuse ou dans le Nord de la France…
            Avec votre raisonnement très banal de microéconomie, vous devez louper pas mal de subtilités dans les articles.
            Vous ignorez que le niveau des salaires n’est pas du tout le seul facteur de choix d’implantation des entreprises; mais aussi les voies de communication, les facilités d’accès, les taxes et impôts locaux, les soutiens des pouvoirs publics, la stabilité économique du pays, la disponibilité de main d’oeuvre qualifiée, un bassin d’emploi bien formé, etc… Ça dépasse la microéconomie basique, c’est sans doute pour ça que vous l’ignorez.

            • mais aussi les voies de communication
              Justement entre la ville A et la ville B, il y a une autoroute 2×3 voies, plus 2 nationales…

              les soutiens des pouvoirs publics
              Après le coup de poignard de l’élite polytocarde de la ville A a un secteur de son économie, le logement-bâtiment, il n’est pas difficile de conclure que le soutien de la ville B est supérieur à celui de la ville A et que la stabilité politique y est supérieure.
              En plus comme les terrains sont peu chers dans la ville B, de nombreuses entreprises viendront s’installer, d’autant plus que les employés qualifiés de la ville A n’hésiteront pas à prendre la route pour la ville B, chaque matin…

              Cela vous suffit ❓

  • Merci à l’auteur pour cette explication claire

  • J’ai eu mal à la tête avec tous ces croquis
    En tant que propriétaire je trouve que le coût de l’entretien réduit la rentabilité. Je serai ravi d’augmenter les loyers, mais il faut avoir un peu de solidarité pour que ceux qui travaillent aient un toit

  • Très surpris de découvrir un site FRANCAIS qui pronne la liberté économique autant que la liberté individuelle.
    Le peuple Francais a de l avance sur le monde quand il s’agit d’avoir l’esprit critique face aux autorités en place, il faut lui laisser cela.
    Cependant il est malheureusement hautement incompétent lorsqu’il s’agit d’identifier la solution à son mécontentement avec le système.
    Le peuple crit pour plus d’état alors que celui ci est l’objet même de son oppression.
    De même que bien trop souvent aucune distinction est faite entre les riches parasites du styles banques centrales et les riches méritant qui ont apporté leur contribution à la société.
    Il voit les entreprise comme son ennemi, auquel un état  »avec des couilles » devraient s’opposer.
    Le problème c’est que tout pouvoir que l’on donne à l’état sera abusé par ces mêmes entreprises desquels le peuple cherche à se protéger.
    De plus, ce seront ces entreprises parasitiques qui s’enrichissent par de faveurs spéciales accordées par l’état, ou par des régulations sur mesures pour rendre difficile toute concurrence qui en profiteront une fois de plus.
    Les entreprises honêtes qui sont devenus riches par le fait qu’ils apportent un service a un client qui le valorise plus que l’argent qu’il échange pour (le libre marché) seront malheuresement celles qui en patiront le plus.

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