Les 5 années perdues de la Commission Juncker

La Commission Juncker obtient un bon score en termes de libre-échange international. Mais pour le reste, malheureusement, elle se solde par cinq années perdues.

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Jean-Claude Juncker (Crédits : European Parliament, licence Creative Commons)

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Les 5 années perdues de la Commission Juncker

Publié le 6 avril 2019
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Par Pieter Clieppe.

L’échec majeur de la Commission Juncker est la perte du Royaume-Uni en tant qu’État membre, faute d’avoir ignoré le mécontentement des Britanniques face à la concentration croissante du pouvoir à Bruxelles. Juncker & co se sont opposés au Premier ministre britannique David Cameron dans ses tentatives pour réformer l’UE vers un modèle plus confédéral.

Business as usual

Malgré la popularité croissante des partis antisystèmes, pour la plupart eurosceptiques, la Commission a poursuivi son business as usual. Elle a continué à faire pleuvoir des propositions visant à supprimer les veto nationaux, notamment dans le domaine de la politique étrangère et de la fiscalité.

Les améliorations apportées à la réglementation par le commissaire néerlandais Frans Timmermans se sont également révélées être un désastre. De 2014 à 2018, la Commission Juncker a publié 370 propositions législatives, soit beaucoup moins que les 500 de la précédente, Barroso II, qui avait présenté des règlements de manière assez hystérique après la crise financière de 2008, et était de ce fait restée en ligne avec les 431 propositions faites par Barroso I au cours des quatre premières années. Il semblerait que l’on ait également utilisé l’astuce du regroupement de certaines propositions afin de limiter leur nombre total. En outre, une grande partie de la législation européenne a encore été promulguée sans une analyse approfondie de son impact exact.

La libre circulation des travailleurs

En outre, la Commission Juncker s’est également engagée à restreindre la libre circulation des travailleurs. Cela s’est inscrit dans le contexte de la directive européenne sur les travailleurs détachés, qui rend difficile le détachement de salariés dans un autre État membre, alors qu’elle devrait viser le contraire. Toutefois, les cotisations de sécurité sociale devront toujours être payées dans le pays d’origine. En effet, elles sont si élevées en Europe de l’ouest que les entreprises locales sont parfois moins compétitives, ce qui était le souci initial.

Juncker lui-même a suggéré de progresser dans l’élimination des barrières commerciales par le biais de coalitions of the willing (coalitions de volontaires). Toutefois, la Commission a ignoré une demande de 16 États membres visant à libéraliser davantage le marché des services.

La Commission a également été absente dans le contexte de la crise de l’euro. En 2015, elle a tout mis en œuvre pour que l’on accorde un troisième paquet de prêts d’urgence à la Grèce surendettée. Ainsi le carrousel de l’euro a pu se poursuivre, avec de plus en plus de dettes et de transferts.

La nomination de Martin Selmayr

La nomination du chef de cabinet de Juncker, Martin Selmayr, au poste de secrétaire général de la Commission européenne est particulièrement préoccupante. Selon le Parlement européen, cette nomination peut être considérée comme une sorte de coup d’État. Le Médiateur européen l’a qualifiée de « violation du droit européen et des règles internes de la Commission ».

En 2014, Juncker, qui n’avait même pas participé aux élections au Parlement européen, avait déclaré que sa Commission se comporterait de manière « très politique ». Avec toutes sortes de positions incontrôlables, telles que le soutien à une « armée européenne », il s’est opposé aux États membres, également au grand dam des Pays-Bas.

Les deux poids, deux mesures de Vestager

La politique de la concurrence est également devenue de plus en plus politisée. Dans ce domaine, la commissaire Margrethe Vestager a appliqué deux poids deux mesures. Par exemple, elle a pris des mesures contre le Benelux et l’Irlande, qui avaient conclu des accords fiscaux avec de grandes entreprises. Cependant, l’Italie a pu sauver financièrement ses banques en toute tranquillité, malgré les nouvelles règles en vigueur dans ce domaine. Le président français pro-européen Macron a également été autorisé à nationaliser un chantier naval.

Enfin, la Commission Juncker a tenté d’utiliser la crise migratoire pour accroître son propre pouvoir. Les États membres d’Europe centrale et orientale ont voté en désavantage numérique sur une question extrêmement sensible : les quotas obligatoires pour l’accueil des demandeurs d’asile. Il n’y a pas de contrôle des passeports au sein de l’Espace Schengen : cette mesure n’a donc pas atteint son objectif.

Elle a toutefois renforcé l’euroscepticisme en Europe centrale et orientale. Le Premier ministre hongrois Orbán a organisé un référendum à ce sujet. Par exemple, l’UE a gaspillé des crédits inutiles pour critiquer des réformes judiciaires discutables en Hongrie et en Pologne.

Centres d’accueil pour migrants en dehors de l’UE, accords de réadmission avec les pays d’origine ou renforcement des règles communautaires en matière de regroupement familial : rien n’en est ressorti. Des propositions de dépenses énormes pour les gardes-frontières de l’UE Frontex ont pu aboutir. Toutefois, le problème n’est pas une pénurie de gardes-frontières. Pendant longtemps, les gouvernements italien et grec ne demandaient pas aux demandeurs d’asile d’attendre leur demande d’asile avant de pouvoir voyager. Cela a entraîné de nombreux décès par noyade.

La conclusion ? La Commission Juncker obtient un bon score en termes de libre-échange international. Mais pour le reste, malheureusement, elle se solde par cinq années perdues. Le point le plus négatif est la perte du Royaume-Uni en tant qu’État membre.

L’auteur Pieter Cleppe est un représentant du think tank Open Europe à Bruxelles.

Cet article est paru à l’origine sur le site Express Business.

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  • Perdues , perdues .. pas pour tout le monde

  • L’Europe !! un grand mot , qui créer l’inégalité ,
    fiscal , marché du travail , inégalité sociale , optimisation fiscale dans la légalité , demain vous parter vivre au Portugal pas pour y vivre mais pour des raisons fiscale !!! Vous demenager pres de la frontiere Espagnole , vous y faîte vos courses , alcols , tabacs , carburants , viandes , charcuteries etc etc …
    normal c’est moins cher , pourquoi acheter en France !!! Vous commander une cuisine au Portugal sur mesure et de tres bonne qualité pour presque 50 % moins cher etc .. Et nous en France nos produits sont taxés qu’ils ne peuvent faire concurrence .. Nos Elites qui nous gouvernent ne pensent qu’à taxer et de gaspiller l’argent des contribuables enfin ceux qui en payent pendant que d’autres en profitent pas tous mais ceux qui ont trouvé une faille légale !!!

    • Vous critiquez le libéralisme de l’Europe ou je me trompe ? Libre circulation des biens, marchandises et des personnes ? Liberté de s’établir où on veut ? Concurrence fiscale entre Etats ?
      C’est un souci du libéralisme ça : quand on est du bon côté, c’est formidable. Mais quand on subit les effets négatifs du libéralisme, c’est moins rigolo.

      • les effets négatifs du libéralisme

        Et lesquels, juste pour rigoler un moment ?

        • Désolé, mais je ne suis pas ici pour rigoler.
          Vous voulez allez discuter avec les 7500 sans-abris de San Francisco qui commencent à provoquer une crise sanitaire dans les rues à cause des déjections, car pas d’accès aux soins de santé ni à un logement ?
          Aux personnes spoliées de leurs terres par des compagnies minières et la corruption ?
          Par ce village mexicain (de mémoire) qui n’a plus d’eau de rivière parce que Coca la pompe en amont ?
          Le libéralisme a énormément d’avantages, mais je me fatigue à tenter d’expliquer à des obtus que ce n’est pas la panacée.

  • Et au final , estce que l’economie europeenne va plus mal, stagne ou progresse ?
    C’est le seul point interessant ,le reste n’est que de la cuisine interne.
    Quant au brexit , bon ou mauvais pour lUE ?….le grand charles aurait dit que c’est formidable !

  • L’UE est dès le départ un projet politique de supranationalité qui utilise l’économie pour faire tomber peu à peu la souveraineté des Etats.
    Les décisions prises sont à lire dans cette perspective. Y compris les nominations à la Commission.

    • la rémunération mensuelle des députés, prévue par le statut unique, s’élève à € 8.757,70 euros avant impôts. Elle est imputée sur le budget du Parlement et s’établit à 6.824,85 euros après déduction de l’impôt européen et des cotisations sociales.

      pourquoi se gener..

  • Je note que l’auteur critique l’Europe pour ne pas s’être pliée aux exigences d’UN seul Etat, représentant 13% de la population européenne. Etat qui a toujours voulu être un pied dedans, un pied dehors. Schocking ! euh.. ben non en fait…

  • Juncker, c’est bien lui qui a été inaugurer la statue de Karl Marx payée par la Chine ???
    Rien que pour cela, en mémoire des millions de morts du communisme, il devrait être viré (et je reste charitable).

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