The left can’t meme ou la tragi-comédie de la gauche sur internet

La gauche ne peut pas faire de mème parce que la gauche EST le mème.

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The left can’t meme ou la tragi-comédie de la gauche sur internet

Publié le 27 mars 2019
- A +

Par Dern.

Chers lecteurs, excusez par avance l’usage de l’anglais dans le titre de cet article. J’aurais dû mettre un trigger warning.

Vous avez déjà vu, pour peu que vous soyez sur internet depuis plus de cinq minutes, ce genre de drôle d’image, à base de licornes, de grenouilles ou de chatons mignons pour les plus aventureux d’entre nous. La plupart de ces images contiennent un petit texte, une phrase, voire seulement quelques mots de mise en contexte. Et, si vous avez les clefs de décryptage, il y a de bonnes chances que ça vous fasse rire.

Internet et la pensée mèmetique

À l’origine, un mème est une « particule » de culture, comparable à un gène appartenant au règne des idées. Ce concept a été théorisé par Dawkins dans son traité Le Gène Égoïste (1976), en combinant le mot grec mimesis (imitation) et le mot français même. Selon la définition officielle, c’est « un élément de langage reconnaissable et transmis par répétition d’un individu à d’autres ». Il peut prendre la forme d’un tic de langage propre à une profession, d’un proverbe, ou d’une idée politique… On considère souvent que la mélodie de « joyeux anniversaire » est l’un des mèmes les plus efficaces au monde.

Pour résumer très brièvement, dans la pensée mèmetique, la poule n’est qu’un moyen pour l’œuf de produire un autre œuf, de la même manière qu’un individu n’est qu’un support pour une idée.

Sur internet, et notamment les réseaux sociaux, les mèmes ont une place prédominante : peu chronophages, facilement récupérables et sans cesse renouvelés, ils rassemblent trois canons qui marchent sur le web. Les mèmes internet prennent la forme, le plus souvent, de montages d’images douteux, assortis de petites phrases décalées, parfois juste d’un mot, d’une vidéo ou d’un gif (image animée).

Règle n°1 : plus c’est débile, mieux c’est !
L’un des premiers mèmes internet fut les LOLcats (chats marrants), où l’on voyait des chats dans toutes sortes de situations, avec des têtes étranges, des comportements anthropomorphiques ou juste mignons. Vous avez sûrement déjà entendu parler aussi des Chuck Norris facts, une liste de fausses nouvelles concernant ce personnage de fiction, du type « Chuck Norris a déjà compté jusqu’à l’infini. Deux fois » ou « Chuck Norris ne se mouille pas, c’est l’eau qui se Chuck Norris. »
Quand Chuck Norris marche sur un LEGO, c’est le LEGO qui pleure

 

Quand Chuck Norris marche sur un LEGO, c’est le LEGO qui pleure

Ces temps-ci, vous avez dû voir passer des mèmes sur les NPC, ou des « JPP » puis « jipep », acronyme de « j’en peux plus ». Certains mèmes durent dans le temps et d’autres non : nous verrons dans six mois ce qu’il sera advenu du mème se moquant de la sortie de JK Rowling concernant la vie intime de Dumbledore.

Quelle que soit sa forme, un mème a toujours une vocation humoristique, légèrement décalée ou juste un peu piquante. Véritable père et enfant d’Internet, le mème est introduit, repris, déformé ou modifié par n’importe qui, à n’importe quel endroit du monde, et à la manière d’un virus, contamine ou non de nouveaux utilisateurs. N’importe qui peut créer ou modifier un mème, avec des logiciels d’éditions d’image aussi simples que paint, jusqu’au complexe illustrator, en passant par des sites web spécialisés.

En somme, le mème est une arme d’offense et d’irrespect massif, chargée et prête à faire feu sur tout ce qui se prend au sérieux. La droite s’en est évidemment saisie.

La « droite baskets »

Si tout le monde peut réaliser des mèmes, il s’avère que les plus efficaces sont ceux provenant de la « droite » de l’échiquier politique. Et quand on dit « la droite », on ne parle pas d’un bastion du giscardisme ou du bonhomme au chapeau haut de forme de Monopoly : il s’agit de cette nouvelle droite qui contre-attaque culturellement, qui lit Jordan Peterson ou Papacito, qui code, connaît Star Wars par cœur, bref, la « droite baskets » ainsi que nommée par Technikart (13 nov. 2018). Cette description peut sembler élusive, mais si vous lisez ce billet, vous en êtes probablement, ou connaissez quelqu’un dans votre entourage qui en est. On se servira abusivement du terme de « droite-baskets » dans le reste du papier, à défaut de mieux.

Le succès des mèmes de cette droite-baskets a mené de nombreux médias et universitaires à accuser les mèmes de l’élection de Trump, du Brexit, ou plus ou moins du fascisme en général, histoire de faire un gros tas bien dégoulinant.

Inépuisable

La gauche et les mèmes

De cette réalité statistique est sortie une phrase sur le fameux fil /pol/ de 4chan, une phrase toute petite, presque innocente, mais qui s’est répandue à une vitesse délirante : The left can’t meme. (traduction approximative : la gauche ne peut pas mèmer)

 

En réalité, il ne s’agit pas de la gauche dans son ensemble, mais de cette partie des liberals américains qui ont diffusé à la planète entière leurs idéaux de communautarisme, de micro-agressions permanentes, ces nouveaux puritains qui passent leurs journées à être offensés par tout ce qui leur déplaît et à faire montre de leur incontinence émotionnelle sur tous les médias possibles pour gratter du like facile.

Ces gens « éveillés » (woke) aux nouvelles lumières des politiques culturelles néomarxistes sont réputés pour faire des mèmes peu efficaces, un peu gênants voire pas drôles du tout. Ils sont tellement peu doués pour cela qu’un livre type Les mèmes de gauche pour les nuls a vu le jour pour leur apprendre à être drôles…

« C’est pas que c’est pas drôle, c’est que c’est pas une blague… » Arthur, le Sanglier de Cornouailles

Y aurait-il quelque chose dans la biochimie des Éveillés du Camp du Bien les empêchant de nous faire rire ?

Aristote RPZ

De la biochimie, peut-être pas, mais un élément de réponse se trouve dans les cours de philo que vous avez boudé au lycée.

La première partie de la phrase « the left can’t meme » est « Nos mèmes fonctionnent parce qu’ils sont vrais ». Le lien avec un élément de réalité, ou un cliché répandu, est indispensable à l’humour en général et aux mèmes en particulier. Selon la définition du Larousse, l’humour est une forme d’esprit « qui s’attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité ».

Old but Gold

La gauche libérale, à redéfinir en permanence le réel en fonction de ce que chaque individu en perçoit, se rattache au courant de pensée existentialiste. La droite est davantage essentialiste, basée sur des résultats statistiques, un principe de réalité. Ces deux visions du monde sont irréconciliables, et le Camp du Bien est du mauvais côté de la barrière de l’humour.

Rattrapage de Bio

Fini avec la minute philo, on passe à la biologie, et plus particulièrement à la génétique.

Souvenez-vous un peu de la génétique : les gènes ne sont ni forts ni faibles en eux-mêmes, ils donnent à leur porteur des avantages ou non en fonction du contexte. Cet avantage permettra à l’individu de transmettre son gène et au dit gène de se répandre. Par exemple, le gène de la fourrure dense permettra au loup de résister au froid des forêts d’Europe, mais le tuera en région brûlante type Sahel. Un mème a d’ailleurs été créé pour saluer les actions de bêtise pure de certains individus, se condamnant eux-mêmes à disparaître : les Darwin Awards.

Le mème se comporte comme un gène, et sa vitalité est influencée par son environnement.

Quel est le contexte politique qui permet aux mèmes de droite-baskets de crever le plafond, là où rire devant un mème de gauche est plus gênant qu’un visionnage de Malaise TV ?

Puritanisme et quinoa équitable

Nous assistons ces dernières années à une forme tenace de néo puritanisme de la pensée exercée par les marxistes, qui, à court de luttes sociales, se sont inventés des combats sociétaux. Plus question de défendre les travailleurs, on n’aime plus leurs idées de toutes façons, alors autant défendre les minorités, les 52 nouveaux « genres », les vieux, les jeunes, tout ce qui permet de ranger l’individu dans une petite case et lui faire porter toutes les idées supposément afférentes à des critères pas du tout arbitraires, où les « hommes blancs cisgenre de plus de cinquante ans » sont devenus plus ou moins l’incarnation du mal.

Solution de génie : même plus la peine de produire une pensée cohérente, mettez en avant votre ethnie, vos préférences sexuelles, et hop ! vous avez le droit de vous indigner si vous pensez qu’on vous a fait la moindre remarque. Votre voisin n’aime pas le dernier Star Wars ? Hop ! pas besoin d’argument, c’est une horrible personne qui n’aime pas les femmes fortes. Votre ami n’adule pas Obama parce que sa politique extérieure est trop agressive ? Hop ! C’est évidemment un raciste.

Cachez ce mème que je ne saurais voir

Comme pour toutes les formes de puritanisme, on retrouve le voile de ce qui serait la « décence commune ». Il nous faudrait à présent de mettre des trigger warning ou avertissements avant chaque publication qui pourrait passer pour offensante. Non pas l’être aux yeux de la loi, mais bien être reçue comme telle par n’importe quel individu qui pourrait tomber dessus. Il y a des endroits pour MalPenser, Môssieur, comportez-vous correctement et pensez bien !

Ce type de logiciel mental interdit toute forme d’humour, l’autodérision en tête. Face à la moindre pique, ces nouveaux puritains guindés, arbitres des élégances prétentieux engoncés dans leur doctrine, préfèrent hurler à la mort leurs egos blessés que de rire cinq secondes et de faire un mème encore plus efficace. Plus un mème est respectueux, plus il est raté. Ils n’avaient donc aucune chance.

Mais traiter les amateurs de mèmes de nazis n’a pas suffi.

Esprit Troll

Alors il faut censurer, tout censurer, contrôler les publications, signaler, vite. Leur plus grand ennemi récemment fut le mème NPC : non playable character (comprendre personnage non joueur). Ce mème part du présupposé suivant : beaucoup de ces nouveaux puritains se prennent pour des œuvres d’art uniques, alors qu’ils ont tous le même discours, s’habillent de manière identique et sont également dépourvus d’humour, à la manière de robots. Ce à quoi les personnes qui se sentaient visées ont répondu unanimement qu’ils étaient uniques et que ça les déshumanisait, demandant la censure immédiate de tout mème à base de NPC, et prouvant sa validité.

Nous sommes tous uniques et différents

 

Sur un registre identique, les politiques de censure de Facebook sont telles que le mème zucked a vu le jour : ce tout petit mot signifie que vous avez été censuré par Zuckerberg, c’est-à-dire Facebook.

Qu’ils se méfient de la censure à tout va : une part du plaisir de la moquerie est de savourer les grincements de dents de l’objet du rire. Une autre part réside dans l’attrait de l’interdit. On regarde aujourd’hui des mèmes pour les mêmes raisons qui nous poussaient hier à écouter en cachette les radios pirate des années 60, ou à boire de l’alcool en 1920 dans le Connecticut.

La prohibition a vu naître les speakeasy, la censure en ligne fait fleurir les mèmes irrévérencieux.

Précieuses ridicules

On ne peut pas être à la fois la culture dominante et la contre culture. Si les médias traditionnels sont verrouillés, Internet reste encore un espace de liberté, très peu compris d’ailleurs par les tenants du régime actuel. On l’a constaté avec le cas Joachim Son-Forget, qualifié de mème vivant pour son ton libre et sa connaissance des codes internet, mais point d’interrogation vivant pour la presse de l’Hexagone.

Au final, à se prendre trop au sérieux, à  s’inventer chaque jour un motif de bouleversement émotionnel, ou se sentir offensé parce que le lait de soja est plus cher que le lait de vache au Starbucks, le Camp du Bien est à la fois détenteur de la censure ET du ridicule. Deux conditions qui mènent inévitablement à de la satire.

De mieux en mieux

La gauche ne peut pas faire de mème parce que la gauche EST le mème.

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