Par Frédéric Mas.
La guerre culturelle qui oppose pro et anti-Trump sur les réseaux sociaux vient de connaître une nouvelle bataille. En effet, Twitter a suspendu en octobre près de 1500 comptes (pour la plupart bidons) ayant comme avatar des NPCs, des personnages au teint grisâtre et inexpressif, pour violation de son règlement. Selon Twitter cette vague de nouveaux comptes estampillés NPC Wojak visait essentiellement à biaiser les élections de mi-mandat aux États-Unis en faveur de Donald Trump, parce qu’ils moquaient le panurgisme réel ou supposé de ses adversaires.
L’apparition de ce nouveau « mème », une de ces images (ou de ces vidéos) qui se répand sur la toile comme par contagion, inquiète en particulier à gauche parce qu’il rappelle le déroulement de la campagne présidentielle.
YALE. Love it. LOL#WalkAway #UnhingedLeft #JobsNotMobs #NPCLivesMatter pic.twitter.com/aPUUHzwRFL
— Ben?Nuttin?Yahoo ???️??????? (@benbearable) 29 octobre 2018
Pour beaucoup de militants et commentateurs, le rôle du trolling sur les réseaux sociaux a beaucoup aidé à dévaloriser l’image d’Hillary Clinton et pousser à l’élection de Donald Trump, en particulier aux yeux des électeurs les plus jeunes. Pour la première fois de toute l’histoire du pays, le web était devenu le principal lieu de production du débat et de polémiques politiques, déplaçant tout le débat public des médias traditionnels vers ses successeurs numériques, organes d’infos alternatives, ses possibles fake news, sa mythologie de gamers… et ses trolls de compétition.
Dans le domaine, rien ne semble avoir surpassé le forum anonyme 4Chan. Certains de ses membres vont jusqu’à soutenir que c’est grâce à eux que le président a été élu. C’est encore sur 4Chan qu’est apparu le NPC, et c’est depuis 4Chan que sa campagne de trolling a démarré. C’est pourquoi certains ont craint une seconde édition de la guerre des mèmes, la campagne de trolling pro-Trump, ou plutôt « antigauchiste » qui a déferlé sur les réseaux sociaux au moment des primaires.
NPC wojak et culture du trolling
Mais revenons aux NPCs, ces dessins tristes, identiques entre eux, qui visent essentiellement à pointer le conformisme idéologique des Social Justice Warriors. L’acronyme signifie Non player character, ces personnages dans les jeux videos qui sont préprogrammés pour agir et inter-agir au minimum avec les joueurs.
Sans personnalité, sans grande marge de manœuvre, ils sont générés par le programme et le suivent à la lettre sans jamais dévier. Par exemple, dans le jeu Pac Man, les fantômes qu’attrape le héros n’ont pas d’autonomie, et suivent un pattern programmé dont ils ne dévieront jamais, quel que soit le nombre de parties jouées.
Donc, se faire traiter de NPC, c’est se faire traiter de crétin lobotomisé incapable de penser par soi-même : les NPCs recrachent le message distillé par les médias dominants tout en étant incapables de produire aucune analyse critique personnelle. La cible principale des NPCs, c’est le conformisme social de gauche, ce réflexe idéologique qui enferme chaque minorité dans son identité et désigne le « mâle blanc » comme la source de toutes les oppressions à travers les siècles, présents et à venir.
Dès septembre, les premiers internautes ont dénoncé le caractère « fasciste » de ces mèmes, et en octobre, un article s’est inquiété de son caractère « déshumanisant » pour les Social justice warriors — les cyber-progressistes — comparés à de simples instruments sans personnalités véritables. C’est que ces mèmes sont populaires, en particulier à la droite de la droite du web.
Ainsi, le célèbre site conspirationniste d’Alex Jones Infowars a organisé le 17 octobre dernier un concours pour récompenser le meilleur mèmes NPC. Des milliers d’internautes partagent chaque jour des centaines de vidéos, tweets et partages facebook sur le thème NPC, avec pour cible tout ce que déteste la droite, mais aussi plus largement, cette nébuleuse aux contours flous et fluctuants qu’est l’alt-right.
En résumé, la popularité du mème suit le même chemin que son prédécesseur, Pepe the Frog : son origine n’a rien de bien politique, et vise surtout à choquer pour choquer.
Seulement, le mème atteint tellement bien sa cible que la droite, de l’alt-right aux trumpistes, s’en sert comme d’une arme pour taper sur ses sujets de détestation habituels. Et la gauche réagit au quart de tour sur le ton de la condamnation morale, à la plus grande joie des trolls et des cyberactivistes de droite, qui misent sur l’effet de contagion pour se faire connaître. La boucle (identitaire) est bouclée. Pas sûr que le débat public en sorte apaisé.
bizarre
The Left can’t meme.
Magnifique illustration de l’effet Streisand!
Epoustouflant nourrissage de troll!
Donner raison à son opposant en cherchant à supprimer toute trace de son activité, quel sublime moyen de se donner automatiquement tort dans un débat !
Les USA ne sont plus le pays de la liberté puisque les réseaux sociaux bafouent la Constitution en supprimant des comptes pour des raisons purement politiques!
La constitution US garanti le droit à la propriété et de son usage. Quand tu es propriétaire d’un réseau social, tu es censé être libre d’accepter ou de refuser qui tu veux peut-importe les motifs.
Oui, certes, mais alors tu ne te poses pas comme le défenseur ultime des droits et des libertés, liberté d’expression inclus 😀
@ Durru,
Rien empêche d’être proprio de son réseau social et d’être un faux c…
A voir. Un opérateur de mobile doit-il être libre de m’empêcher de téléphoner si je dis des choses qui heurtent ses sensibilités politiques?
Cela dit j’ai bien conscience de ma liberté d’utiliser ou non un réseau social, je me demande juste à quel stade il devrait être traité comme un ‘utility » et contraint à l’impartialité.
Votre opérateur mobile vous le payez pour téléphoner. C’est comme être locataire de votre logement. Le propriétaire ne peut pas enter chez vous sans y être invité parce que vous payez un loyer en contre-partie.
Le réseau social, vous le payez également. Pas directement, mais en l’autorisant à pomper les données que vous mettez en ligne. En fait, ils veulent le beurre (vos données) et l’argent du beurre (que vous respectiez LEUR point de vue).
Le mème le plus hilarant est celui où les NPC déclarent à l’unisson qu’ils sont tous uniques et différents (à 0:20 dans la première vidéo).
Même ou unique et différent ?
Onde ou particule ?
L’un et l’autre, mais pas en même temps, en dehors du temps…
La profondeur du Même est insondable.
Pour avoir suivi un peu ce qu’écrivent certains « SJW » sur le net, il faut admettre qu’ils ont atteins un niveau de crétinerie rare
Tout de même, voir la suprématie du Kandubien s’effriter de jour en jour a quelque chose de rafraîchissant et de sympathique.
On dirait que les SJWs ont récupéré l’assemblée, fin de la récré.
La communauté 4chan a transformé le trolling en véritable forme d’art, c’en est hilarant.
La chasse au drapeau « He will not divide us » en est également une magnifique illustration.