Alstom-Siemens : ne disons pas n’importe quoi sur la Commission européenne

Quand certains reprochent à la commission européenne d’oublier les producteurs ou la politique industrielle, ils lui adressent une critique infondée.

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Alstom-Siemens : ne disons pas n’importe quoi sur la Commission européenne

Publié le 22 février 2019
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Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Depuis que la Commission européenne a rendu sa décision sur Alstom-Siemens, on ne compte plus les experts en droit de la concurrence. S’il est légitime que chacun en discute, il n’est pas inutile de faire quelques rappels pédagogiques pour poser les cadres du débat.

La Commission européenne intervient dans un cadre juridique précis. De façon simplifiée, le critère clé de son analyse des concentrations consiste à s’assurer qu’elles ne portent pas atteinte aux consommateurs. Quand certains lui reprochent d’oublier les producteurs ou la politique industrielle, ils lui adressent une critique infondée : autorité administrative, elle applique le droit que les États lui ont donné ; ce serait un mauvais signe pour les institutions qu’elle prenne la décision de s’en écarter.

L’application du droit

Un premier débat peut porter sur la façon dont la Commission applique ce droit : c’est le cœur des échanges qui la confrontent aux entreprises et leurs conseils dans presque toutes les procédures. Il est ainsi souvent reproché aux autorités de contrôle d’avoir une approche trop conservatrice des disruptions émergentes. Elles évoluent parfois, dès lors qu’elles sont nourries d’analyses robustes ; mais elles sont aussi souvent paralysées par la crainte des contentieux qui remettraient en cause une décision fondée sur une prospective trop fragile.

Un second débat peut se faire sur l’opportunité de changer les normes de contrôle. La question anime les spécialistes, certains souhaitant intégrer de nouveaux étalons – souvent flous. La procédure peut aussi être discutée : aux États-Unis, contrairement à l’Europe, une décision administrative ne suffit pas ; le gouvernement ne peut y freiner une concentration que s’il fait la démonstration de sa menace devant les tribunaux.

D’autres souhaitent favoriser la constitution de « champions ». La prétention s’entend, mais il n’est peut-être pas sain d’intégrer des considérations politiques dans une analyse économique et juridique. En France, une solution existe : le ministre de l’Économie a la possibilité d’écarter une décision de contrôle des concentrations pour des raisons politiques.

Enfin, un dernier sujet est de mesurer le caractère « libéral » du droit de la concurrence – lequel est souvent accusé d’interdire trop (de champions européens) et dans le même temps de ne pas sanctionner assez (de champions américains). En réalité, le droit européen est d’essence interventionniste : ses prémisses intellectuelles posent pour principe que l’action publique est pertinente et légitime pour réguler la structure des marchés et déterminer, en amont même de l’action privée, si celle-ci sera bonne ou non pour l’économie.

Ce raisonnement est à l’opposé de ce que défend Israël Kirzner, élève de Hayek. Alan Greenspan, disciple d’Ayn Rand, explique aussi dans ses Mémoires pourquoi il est contre le principe du contrôle des concentrations. Pour ces auteurs, le rôle de l’action publique – dépourvue de qualité omnisciente – n’est pas de réguler la structure du marché, mais d’en lever toutes les barrières – souvent réglementaires – pour que la concurrence s’y déploie librement. Ces analyses peuvent donc aborder favorablement les « géants », dès lors qu’ils doivent leur situation à leurs mérites et évoluent sur des marchés où, du fait de la concurrence, leur position est sans cesse contestable.

Paradoxalement, c’est donc peut-être l’« ultralibéralisme » si conspué qui pourrait sauver les « champions » industriels.

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  • fabriquer des entreprises soutenues artificiellement qui n’ont aucun avenir concurrentiel , c’est terminé .. hop

  • Pas tout compris mais une commission qui s’occupe de l’ Europe sans penser mondialisation doit être supprimee d’urgence où on doit changer ses objectifs.

  • Une petite formation à la stratégie d’entreprise me semble indispensable,qu’ils s’occupent des oeufs et des fromages,les clients d’Alstom-Siemens sont des Etats,ils n’ont pas besoin de protection contre les monopoles, ils connaissent le sujet!!

    • @ garfield44
      la France a souscrit aux traités à la source de toute la réglementation européenne. La Commission européenne ne s’occupe pas d’abord des clients mais de ce qui se passe sur l’aire de son autorité.
      Et entre « connaître le sujet » et se soumettre aux règles, il y a un peu plus qu’une nuance.
      Avez-vous vu souvent l’autorité européenne désavouée en justice? Pas moi!

  • n’importe quoi sur la commission, c’est une plaisanterie ? Il eut fallu que ces gens se souviennent d’avoir interdit à Pechiney d’absorber Alcan : 4 ans plus tard ce fut Alcan qui absorba Pechiney sans que Bruxelles ne batte un cil. En résumé ces « commissionnaires » n’ont pas suffisamment de culture industrielle et économique pour traiter des sujets de cette importance, il serait temps que le parlement européen ait un droit de véto à propos de ce genre de grossière erreur qui va permettre à d’autres prédateurs internationaux de faire main basse sur la dépouille d’Alstom avec un Kron au summum de son incurie.

  • En effet, le problème n’est aujourd’hui pas la Commission, qui applique le droit.
    C’est le droit européen de la concurrence qu’il fa.
    http://que-faire.org/europe/2019/02/13/repenser-politique-concurrence/

  • En effet, le problème n’est aujourd’hui pas la Commission, qui applique le droit.
    C’est le droit européen de la concurrence qu’il faut changer.
    http://que-faire.org/europe/2019/02/13/repenser-politique-concurrence/

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