Faut-il lutter contre les fake news ?

Fake news : à quel point sommes-nous prêts à accorder notre confiance à un gouvernement pour qu’il détermine lui-même ce qui relève du vrai et du faux ?
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Faut-il lutter contre les fake news ?

Publié le 31 janvier 2019
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Par Élodie Keyah.

Comment de fausses informations diffusées de mauvaise foi parviennent-elles à proliférer aussi vite sur Internet ? Que suscitent-elles chez le lecteur pour attirer autant son attention ?

Les rumeurs, théories complotistes et attrape-clics aux titres sensationnalistes semblent reposer essentiellement sur le pathos. En effet, leur objet est précisément d’attirer le lecteur en faisant appel à ses émotions. Un tel phénomène, indissociable des passions suscitées chez les individus, ne peut se comprendre si on ne le rattache pas à la nature humaine.

Il convient alors de s’interroger sur le véritable danger : se trouve-t-il dans la prolifération de fausses informations polluant le débat public, ou dans le contrôle de celles-ci par une autorité étatique ?

Légiférer contre les émotions, est-ce utile ?

Au XVIe siècle, à l’issue du concile de Trente, les Inquisiteurs religieux instaurèrent une liste de livres interdits, notamment contre ceux s’opposant à leur propre conception de la Vérité : Le Prince de Machiavel, qui rompt avec les origines théocratiques du gouvernement et remet donc en cause la légitimité du pouvoir royal, fut inclus à l’Index dès 1559.

Dans un contexte de développement de l’imprimerie, et donc de multiplication des écrits, les autorités civiles et religieuses sont intervenues pour conférer des monopoles aux éditeurs et censurer des manuscrits, permettant ainsi un plus grand contrôle de l’information diffusée. Ainsi, un règlement de l’édition, promulgué en 1701, imposait l’approbation d’un censeur pour obtenir un privilège d’édition.

Le 17 septembre 1793, lors de la Deuxième Terreur, la Convention adopte la « Loi des suspects » réprimant les opposants politiques, notamment ceux qui « par leurs propos ou leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme et ennemis de la liberté ».

L’État contre la Vérité

Ce bref état des lieux historique démontre que le renforcement des pouvoirs de l’État en termes de contrôle de l’information n’a jamais eu pour objet la recherche de la Vérité, mais au contraire, la traque de tout propos susceptible de défier ou d’amenuiser son autorité.

Un tel constat nous pousse à nous interroger sur les fondements d’un gouvernement démocratique. Dans La Crise de la culture, Hannah Arendt affirme : « L’opinion, et non la Vérité, est la base indispensable de tout pouvoir. »

Si le gouvernement ne repose pas sur la Vérité, son objectif n’est donc pas tant la recherche de celle-ci, mais d’œuvrer au service de l’opinion l’ayant conduit jusqu’au pouvoir. Par ailleurs, nos élus ont-ils seulement déjà été à la hauteur de l’exigence de Vérité qui leur incombe à notre égard ? À savoir, l’honnêteté dans les motifs réels de leurs actions ?

À quel point sommes-nous prêts à accorder notre confiance à un gouvernement pour qu’il détermine lui-même ce qui relève du vrai et du faux ? Est-il seulement cohérent de lui confier une telle tâche au regard du contexte de défiance croissante de la population, laquelle se matérialise notamment par la multitude de théories du complot ?

Je terminerai ici par les propos de Françoise Seligmann tenus en 1961 : « Ne faites pas de complexe d’infériorité. Vous êtes capables de discerner le vrai du faux parmi les informations qu’on vous donne, à condition de suivre attentivement les événements et de ne pas vous contenter d’écouter toujours le même son de cloche. »

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  • Bonjour Elodie, et à tous et toutes,
    Vaste et complexe sujet, surtout si on mèle les fake news à la recherche de la Vérité et aux manipulations gouvernementales.
    1/ On ne peut d’après moi, évidemment pas faire confiance à un gouvernement si on cherche la vérité, mais au contraire, dansla mesure du possible, à une pluralité de sources contradictoire, et surtout, à l’esprit critique, élément indispensable, amha, à un citoyen qui se veut éclairé et libre.
    Je renfonce le bouchon, mais dire que le GD est fermé est une totale opinion, et non une constatation objective, que je retrouve trop souvent, a mon grand regret, sur ce site, fermer la parenthèse.
    2/ 40 ans de déséducation nationale (alors qu’une éducation nationale n’est censée avoir le soutien et la confiance du peuple que parce qu’elle est objective, et non pas l’espèce de manipulation politicarde qui sévit en France depuis 40 ans)
    3/ les gens croient bien ce qu’ils ont envie de croire, et ce qui renforce leurs croyance, ne serait ce que pour ne pas avoir tort. J’en veux pour preuve le mouvement des flat earthers, sidérant de bétise, de mauvaise foi, et symbole inquiétant de l’abrutissement, mais aussi du manque de confiance et du complotisme d’une parcelle de la population que l’on imaginerait plus éduquée. L’esprit critique poussé à son paroxysme, mais dans le mauvais sens. Autre exemple, toujours le même, le grand Débat fermé. Les gens veulent le croire, mais c’est faux…. Bref. Encore un autre exemple, « les gens » »pauvres » croient que si on rétabli l’ISF, ca règlera leurs problèmes. Fake news ?
    4/ AMHA, la réponse aux fake news, c’est la liberté. Pour reprendre le sujet de la terre plate, youtube est une remarquable plateforme (YT n’est pas libre, mais dans ce cas, si), d’échanges, « démonstrations » et « contre démonstrations », plus ou moins rigolos ou sidérants, entre les globalistes et les platistes. A ce propos, ca m’a permis de découvrir des esprits remarquables de culture, de didactisme, de précision, je vous conseille les vidéos d’Olivier Joseph.
    En conclusion, je suis d’accord avec votre conclusion, le vrai remède aux fake news et aux mensonges gouvernementaux, c’est la culture et l’esprit critique.
    Ce pays est foutu.

  • Lutter contre les fake news, ça revient à lutter contre le gouverne-ment, non?

  • des députés LREM veulent obliger les français à fournir une pièce d’identité pour pouvoir s’inscrire sur un réseau social ( mesure adopté par la Chine en 2017 )…..ce qu’ils veulent , c’est pouvoir traquer les internautes qui diffusent des vérités , ni plus ni moins ;

  • La Vérité n’existe pas, c’est un concept subjectif.

    Si vous admettez qu’il y a une Vérité vous ouvrez la porte à tous les petits dictateurs de la pensée qui utiliseront ce concept pour vous imposer leur vérité pour mieux vous asservir.

    • Une caractéristique de la vérité est qu’elle n’a pas besoin d’être imposée par quelqu’un. C’est le mensonge et la propagande qui ont besoin d’être imposés.

      • Le mensonge se définit par rapport à la vérité. On parle de Fake News mais le vrai sujet est la vérité. Si vous êtes contre les lois sur les fake news, vous êtes contre les lois qui définissent la vérité et le seul moyen de lutter contre ces lois est de refuser qu’il existe une Vérité absolue unique et universelle.

        • C’est amusant, j’ai envie de me servir de vos mots pour vous contredire 🙂
          Il y a « vérité » et « vérité ». Autant LA Vérité, elle n’existe pas, autant des vérités comme 2+2=4 ou untel est mort ou d’autres du même acabit restent des vérités indiscutables.
          Malheureusement, ce que nos gouvernements tentent de faire c’est de tordre ces petites vérités-là, c’est là le réel problème avec les « fake news ». La marche vers un relativisme absolu, où tout se vaut et plus rien n’a d’importance… Allez, je vais finir par une banalité : Orwell avait déjà tout compris et tout expliqué.

          • Outre que 2+2 ne font pas forcément 4, enfermer ce sujet dans un carcant de vérité absolue est une erreur. La mort, vaste sujet …

            A aucun moment je dis que « tout se vaut et que rien n’a d’importance », je dis seulement que la Vérité absolue n’existe pas. Cela n’a rien à voir.

            • Je ne faisais pas de parallèle entre ce que vous avez écrit et ce que le(s) gouvernement(s) cherche(nt) avec les « fake news », désolé pour le malentendu.
              2+2 font toujours 4, ne vous en déplaise (il y avait une petite vidéo géniale sur Youtube à ce sujet, d’ailleurs). Qu’on puisse écrire cela comme « 10 » en base 4, par exemple, c’est autre chose. Il y a des réalités immuables, notamment celles prouvées de manière scientifique. De toute façon, ils n’étaient que des exemples pris tout à fait au hasard.
              Il y a une grosse différence entre les petites vérités individuelles dont je parle et votre « Vérité absolue ». La manipulation est de faire croire qu’il n’y a pas de différence, justement.

        • « le seul moyen de lutter contre ces lois est de refuser qu’il existe une Vérité absolue unique et universelle. »
          Voilà qui me paraît complètement idiot. Pour lutter contre cette loi suffit de dire que ce n’est pas au gouvernement (ou au parlement, donc à un supposé consensus démocratique) de la définir !

          Au contraire d’ailleurs : si elle n’existe pas, qu’est-ce qu’on en a a faire que la loi définisse quelque chose qui n’existe pas ?

    • +1 entièrement d’accord, que je mets en parallèle, même si un poil différent, avec ce concept qui m’aide depuis des décennies à structurer ma pensée :
       » perception is reality « , traduit approximativement par ‘ la réalité (ici vérité) n’est que notre perception des choses’, donc autant de réalités que d’individus…

    • Si quelqu’un prétend imposer « sa » vérité c’est que ce n’est pas « la » vérité.

  • « Vérité en-deça des Pyrénées, erreur au-delà ». La phrase de Pascal est plus que jamais d’actualité

    • En démocratie, la vérité se cherche ensemble, par l’information et le débat. Ça c’est la théorie.
      Avec cette loi (et bien d’autres hélas…) l’Etat français montre son vrai visage. Tant qu’il n’y avait pas internet, il était facile de mener l’opinion. Maintenant, ce sera la méthode forte, qu’on se le dise!
      Et ce sont les mêmes qui nous bassinent avec « les heures les plus sombres »…

      • Exact, auparavant il contrôlait la diffusion des informations. Internet lui en a ôté le moyen, donc il cherche à le contrôler également, comme la Chine communiste!

  • Il y a deux types de news, les faits réels et les faits interprétés.tout fait interprété est une Fake news . Une loi pouvant être interprétée est une mauvaise loi.notre justice étant toujours interprétée il est normal qu’elle chasse du débat public tout ce qui peut la contredire.l’etat , c’est le droit avant tout et faire respecter ce droit, notre état ne peut donc pas accepter la contradiction sans s’autodetruire……tout commence et fini par la justice ..ou l’absence de justice ….

  • Très juste !
    L’Eglise catholique contrôlait ainsi les écrits en apposant les mentions « imprimi potest, nihil obstat, et imprimatur » (peut être imprimé, rien ne s’y oppose, et qu’il soit imprimé).
    Rien de nouveau sous le soleil.
    La répression des fake news vient des Etats et des médias de masse, car ils veulent garder la main sur l’opinion.
    C’est le caractère horizontal et interactif d’Internet qui a profondément libéré l’émergence d’opinions hors de contrôle.
    On observera que la chasse aux fake news intervient au fond tardivement, lorsque précisément les pouvoirs sont remis en cause par cette opinion incontrôlable.
    C’est une manière de dire que les individus ne sont pas capables de penser correctement.
    Prendre les gens pour des idiots, autrement dit.
    Jusqu’à cette remise en cause des pouvoirs, Internet était libre.
    Ceci explique cela.

  • Il ne faut pas de loi contre les fake news, sinon cela finit par aboutir à une vérité imposée. Pour reprendre l’idée souvent citée de le terre plate, est-ce important dans la vie courante? Jusqu’à preuve du contraire, ça n’a jamais empêché la terre de tourner!

  • Lutter contre les fake news d’Etat est une tâche herculéenne!

  • « Faut-il lutter contre les fake news ? »
    ça parait difficile France Inter France2 , France info, BFM, C8, etc …ne diffusent strictement que des « Fuck-News ».
    Va rien rester ! ?

  • que le gros des médias ne réagissent pas avec plus de verve à l’idée de la fake news.. c’est comme le monde scientifique qui ne réagit pas au principe de précaution…
    petit à petit….

  • La loi de 1881 supprimant la censure (a priori) et permettant de condamner les fausses nouvelles suffisait.
    Ce machin, limité pour l’instant aux périodes électorales, est une basse vengeance de Macron. Typiquement une loi de circonstance, qui hélas porte en elle une menace étatique contre la liberté de la presse.

  • Les commentaires sont fermés.

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