Logements insalubres : la France frappée d’indignité

À Marseille, le 5 novembre dernier, l’effondrement de trois immeubles a entraîné la mort de huit personnes et l’évacuation de 1 352 autres. En 2018, en France, nous sommes en droit de nous demander comment, sans « catastrophe naturelle », nous avons pu en arriver là.

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Maisons en banlieue parisienne, immobilier logement (Crédits : Serge Nérac, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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Logements insalubres : la France frappée d’indignité

Publié le 7 décembre 2018
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Ces questions n’ont évidemment pas de réponses simples. Les facteurs ayant favorisé l’émergence de ces situations dramatiques sont nombreux. Le logement cher, la prédation opérée par certains vis-à-vis des plus fragiles incapables de trouver un toit autre que celui proposé par des marchands de sommeil, l’incapacité des pouvoirs publics, de tous bords et à tous les échelons, à prendre en charge ces situations, l’impuissance de la collectivité à réagir à temps : les critiques opérées après coup sont faciles et nombreuses, et cette liste est loin d’être exhaustive.

Il est certain que la réponse à apporter à nombre de situations d’exclusion ne peut pas être qu’économique ou comptable. Il est de même certain que le logement « ne peut pas tout ». Néanmoins, dans de nombreux cas, il peut beaucoup.

Les chiffres de l’indignité

Selon le 23ᵉ rapport de la Fondation Abbé Pierre, la France comptait 896 000 personnes sans domicile personnel. Sans abris, logés en habitation de fortune, en chambre d’hôtel ou de manière contrainte chez un tiers, les situations sont diverses mais un point commun les unit : l’absence de logement.

Selon les mêmes sources, 939 000 ménages – 2,1 millions de personnes – se trouveraient en situation de privation de confort, c’est-à-dire sans accès soit à l’eau courante, soit à une douche, soit à des WC intérieurs, soit à une cuisine, soit sans moyen de chauffage. Dans cette « catégorie » sont également recensés les logements aux façades dégradées. Les morts dues à l’insalubrité sont certainement à chercher dans ce recensement.

En 2015, le rapport Nicol chiffrait pour la seule ville de Marseille à près de 40 000 le nombre de logements « indignes ». Près de 100 000 personnes seraient ainsi touchées par l’insalubrité, pour la plupart au sein de copropriétés privées très dégradées. Au vu des chiffres précédemment énoncés, bien que la ville de Marseille semble gangrenée par l’insalubrité de ses logements, elle semble loin d’être la seule ville française touchée par le problème.

Selon la préfecture d’Île-de-France, ce serait ainsi plus de 170 000 logements qui seraient touchés d’insalubrité dans la région en 2018. Les arrêtés de péril régulièrement déposés par les municipalités ne venant que renforcer le constat amer opéré par nombres d’associations : à l’image d’une fraction de son parc de logement, la France peine à loger dans des conditions dignes une part significative de ces habitants.

Une question de moyens… et de volonté politique

Une fois encore, la réponse économique ne peut être l’unique réponse apportée à ces situations. Une fois encore, la production de logements abordables ne peut être l’unique solution pour résorber l’ensemble des problèmes pré-cités.

La mobilisation du système de protection sociale au sens large se doit d’être un objectif. Néanmoins, il paraît clair que la production et la rénovation massive des logements semble être une condition si ce n’est suffisante tout du moins nécessaire à la résorption de ces situations aux conséquences socio-économiques dramatiques. La question qui se pose alors est : en avons-nous les moyens ?

Pour éclairer cette question, concentrons-nous sur l’échelle francilienne pour laquelle nous disposons à la fois d’une estimation des besoins – 170 000 logements insalubres – et d’une idée des coûts de production de logements abordables. La question consiste à savoir combien coûterait la production ou « l’acquisition-amélioration » de 170 000 logements en Île-de-France, logements permettant de loger dans des conditions dignes et à des loyers acceptables les ménages aujourd’hui confrontés à l’insalubrité.

En 2017, l’ensemble des subventions publiques affectées à la production d’un logement social en zone A – zone comportant l’ensemble des grandes agglomérations françaises, hors Paris et quelques communes limitrophes – s’élevait à 9 700 euros par logement en moyenne, c’est-à-dire tous types de logements sociaux confondus, des moins onéreux – et donc les plus « subventionnés » – aux plus onéreux. Sur cet ensemble, 3 400 euros provenaient directement de l’État et 5 500 euros provenaient des collectivités locales.

Ces subventions publiques représentent 7 % du financement global d’une opération de production de logement social, le reste émanant des fonds propres des organismes HLM et surtout de l’emprunt (81 % du financement total). L’effort public à consentir pour la production de 170 000 logements abordables en Île-de-France, permettant de résorber en grande partie les situations d’indignité des logements de la région, s’élèverait donc à 1,6 milliard d’euros – soit 0,2 % du PIB régional.

Élargie à l’échelle nationale et sur la base d’un besoin de production de l’ordre de 1 million de logements, cette (courte) analyse porterait l’effort national à consentir à 9,7 milliards d’euros – soit moins de 2 milliards d’euros pendant cinq ans (0,1 % du PIB français).

Bien évidemment, la question de la disponibilité foncière et de la capacité des pouvoirs publics à mobiliser l’ensemble des acteurs est centrale. De même que les procédures d’accompagnement des publics les plus fragiles. Néanmoins, le caractère insurmontable de la tâche ne semble pas sauter aux yeux.

Dès lors, la question de la volonté politique à résoudre ces situations semble prendre le pas sur la question des moyens à allouer à leur résolution.

Sur le web – Article publié sous licence Creative commonsThe Conversation

  1. Économiste au département analyses et prévision de l’OFCE, Sciences Po – USPC
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  • cela dure depuis des années , et maintenant , l’on crie au scandale , si l’immeuble n’était pas écroulé, tout les politiques à Marseiile de gauche , de droite, les extrêmes droite gauche …pas de vague …l’hypocrisie politique tant quil n’y avait pas de drame ,
    tout le monde à FERMER SA GUEULE !!! Honte à ces politiques ,quand il se regarde dans la glace , bande de salopards !!! Et tout est comme çà en France …VISITER la France , vous verrez la misère Et vous les Parisiens en 2018 vos bidonvilles .. autour de Paris !!! vos immeubles délabrées !!!

  • Bonjour,
    Vous oubliez un coté du problème, cela fait 40 ans que l’on tape sur le petit propriétaire foncier qui achetait un ou deux appartements pour compléter sa retraite.
    A force de lois de contraintes de réglementations de plus en plus lourdes, de droits de plus en plus nombreux des locataires au détriment des propriétaires et de taxation de plus en plus lourdes de ceux-ci, ils n’ont plus les moyens d’entretenir les logements dont ils disposent et de disposer de ceux-ci à leur guise,ils n’en sont plus véritablement propriétaire, l’état décide le montant des loyers, les oblige à dépenser au delà de leur moyen avec une rentabilité nulle voire négative. donc ils laissent aller.
    Un économiste suédois, je crois, a dit il existe deux moyens pour détruire une ville : le bombardement et l’encadrement des loyers. nous y sommes ce qui se passe est révoltant effectivement mais sans issus dans ce pays collectiviste.

    • Plus les moyens ou plus la volonté. Sachant que la loi ne protège que le locataire, pourquoi faire des efforts dans des travaux, c’est prendre un risque supplémentaire. Et pour les locataires peu solvables, trouver un logement est extrêmement difficile, ils doivent donc faire beaucoup de concessions pour trouver qqn qui veut bien leur louer malgré le risque. Si les locataires étaient facilement expulsables, la « prime de risque » de prendre un locataire pauvre serait bien plus faible, rassurant le propriétaire quant aux loyers impayés. Comme toujours les lois de protection des locataires pénalisent en 1er les plus faibles.

  • « demander comment, sans « catastrophe naturelle », nous avons pu en arriver là » : par le vieillissement des quartiers d’immeubles à structure maçonnerie ( pour les verticaux ) – bois ( pour les horizontales ) et les mouvements du sol, les immeubles finissent par s’appuyer les uns sur les autres. La leçon à tirer, c’est que, lorsqu’un immeuble devient insalubre par la destruction de la structure bois ( humidité, mérule ) il est indispensable de rétablir immédiatement une continuité du chaînage d’immeuble à immeuble, pour éviter le jeu de cartes qui s’est passé à Marseille. Toute prise d’un arrêté d’insalubrité devrait s’accompagner d’une immédiate analyse de la stabilité de la structure et de la réalisation de mesures conservatoires nécessaires pour garantir la stabilité, non-seulement de l’immeuble en question, mais également des immeubles voisins.

  • @ Francois 56 , vous avez raison sur toute la ligne .. la loi sur la PRECAUTION , fait plus de mal que de bien dans un seul but financier ,
    toutes les lois depuis ce jour est confiscatoire , et ce n’est pas fini seul compte
    ce que l’on peut en tirer de fric…
    Quand vous voyer les conflits d’interets financiers qui durent 15 ans voir 20 ans pour obtenir une décision de justice…Rechercher celui qui juge , pensera comme vous pour obtenir un jugement favorable !!

  • Bonjour
    D’après ce que j’ai compris, c’est un immeuble appartenant à la ville de Marseille qui n’était plus hors d’eau (1/3 du toit manquant) depuis longtemps.
    La solution, laisser les acteurs privés agir sans réglementations délirantes, autant sur le foncier que sur les normes du bâti. Abolir le permis de construire, le propriétaire doit être ‘maitre chez lui’.

    • @ gillib
      Oui aux propriétaires privés plus qu’aux « officiels » mais le permis de construire contribue à l’urbanisme qui est bien une prérogative publique. Le public fait les règles, pas le commerce, et le privé s’adapte aux règles. C’est la logique!

      • C’est la logique … qui a conduit à la situation actuelle. Ils font pareil au Luxembourg ?

        • Non.
          Lors de la construction du bloc de Hamilius, ils ont du contourner un immeuble lors du creusement du parking, 35 m, une paille. Ils ont du renforcer les fondations avec des tirants dans le grès. Impressionnant.
          3 copropriétaires ne voulaient pas vendre. Le droit de propriété, dans ce cas, a été respecté.

        • @ MichelO
          Non! En France, le public construit et crée des cités: il est cul et chemise avec les constructeurs: c’est du business! Au Luxembourg, le public n’intervient pas dans les affaires! Il donne des règles, c’est tout! Autour de chez moi, le public loue le terrain (trop cher, à l’achat) avec un bail emphytéotique ce qui permet de construire une maison qu’on peut revendre, mais vous ne serez pas propriétaires du sol! Le logement est trop cher et c’est une formule pour permettre l’accessibilité au logement. Ce qui ne préjuge pas de ce qu’il peut advenir dans l’avenir, d’ailleurs!
          Mais ici, l’état, pas pauvre, aide les citoyens et ne les pressent pas comme des citrons! Ce doit être surréaliste pour un Français! Je sais! J’ai quand-même vécu +/- 16 ans en France!

  • Nb : çà fait 40 ans maintenant que nous importons des pauvres pour soutenir la croissance par la consommation sponsorise par le contribuable..
    je me permet respectueusement de faire remarquer que çà ne risque pas d’améliorer l’habitat social qui de rénovations dispendieuses en politique de la la ville fantaisistes sur le dos des contribuables, claquent un pognon de dingue , pour rien car il faut y revenir tous les 5 ans, on est loin d’arriver au bout!

    • @ claude henry de chasne
      Pourquoi? Vous importez des pauvres, vous? Ça coûte combien?
      Et non, évidemment, la croissance se fait par la production, pas par la consommation, idée utopique de gauche des années Mitterrand que les Français ont bien réélu, que je sache!
      Donc ces relents de xénophobie bien française et de socialisme qui ne l’est pas moins, me confirme dans mes opinions!

  • 100% d’accord avec François56 et CHDC.

    Se faire traiter en vache à lait n’incite pas les propriétaires à investir.

    De plus, la protection légale des locataires au point que les propriétaires sont traités en Koulaks, renforce une inégalité devant le logement, avec d’un coté les privilégiés en CDI ou avec caution bancaire, et les péons pour qui se loger devient un parcours du combattant.
    Si l’on pouvait virer un mauvais payeur rapidement et à peu de frais, les propriétaires pourraient peut-être prendre plus de risques avec les populations moins fortunées.

    Et bien sûr, la croissance de la pauvreté, importée et autre, entraîne mécaniquement l’émergence d’une offre adaptée: chère, pourrie, mafieuse.

  • vous etes propriétaires mais vous n’avez aucun droit le seul est de payer .Si vous avez un locataire mauvais payeur aucun de le virer!! et ceux qui squatte impossible de les virer même la justice est de leur côté !!! invraisemblable …. Vous etes obligé de contourner la loi , pour récupérer votre bien !!
    Vour parter en vacances 8 jours a votre retours votre bien est squatté ..

  • Et la cerise sur le gâteau ce sont ces immeubles construit en béton , quelle est leur durée de vie ?

  • Absolument d’accord avec François56 au sujet des petits propriétaires fonciers dont je suis mais j’entretiens mes biens immobilier. Après passage des syndics, travaux, IR, CSG ont peu dire que les loyers me permettent d’entretenir notre patrimoine national.
    J’exagère un peu mais à peine. Heureusement que j’ai ma petite retraite par capitalisation pour arrondir les fins de mois (travail à l’étranger).

  • Ils n’ont pas de toit ❓ Qu’ils logent au Maurice ou au Ritz ❗

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