Faut-il honorer la mémoire des maréchaux de la Grande Guerre ?

Depuis son appropriation par la monarchie absolue, jusqu’à son intégration à la République, l’évolution du maréchalat raconte l’histoire d’une complexe relation entre le pouvoir politique et l’identité militaire.

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Sir Douglas Haig shaking hands with General Joffre By: National Library of Scotland - Flickr Commons

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Faut-il honorer la mémoire des maréchaux de la Grande Guerre ?

Publié le 9 novembre 2018
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Par Hervé Drévillon.
Un article de The Conversation

Faut-il honorer la mémoire des maréchaux de la Grande Guerre ? La charge symbolique de la célébration du centenaire de l’armistice fait resurgir des controverses qui opposent la gloire des chefs au sacrifice des soldats anonymes. En réalité, le problème soulevé par la programmation des cérémonies du 11 novembre tient moins à l’opposition entre les maréchaux et les citoyens appelés aux armes qu’à la nature même du maréchalat. C’est pour le comprendre que la Revue Historique des Armées a consacré son dernier numéro à la longue histoire des maréchaux.

Un héritage du Moyen Âge

Héritée du Moyen Âge, l’institution du maréchalat s’est développée sous la monarchie absolue pour des raisons politiques. Sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, la promotion de maréchaux huguenots, à l’image de Turenne, marqua l’intention de donner aux protestants du royaume et des puissances alliées de la France des gages de la volonté royale de faire de l’armée l’instrument de la raison d’État.

Comme l’illustre cette séquence, un maréchal est un soldat distingué pour ses vertus militaires par un pouvoir souverain guidé par des motivations politiques. Depuis son appropriation par la monarchie absolue, jusqu’à son intégration à la République, l’évolution du maréchalat raconte l’histoire d’une complexe relation entre le pouvoir politique et l’identité militaire. La domination de l’un sur l’autre et son contraire forment les deux pôles entre lesquels a évolué une relation dialectique.

« Un pauvre génie qui n’a jamais rien fait »

La soumission de l’identité militaire à l’autorité politique s’est souvent manifestée sur le mode du scandale, car l’élévation de certains à la dignité de maréchal sembla relever de l’arbitraire ou de l’intrigue. « Pourquoi leur donner cette dignité ? », s’interrogeait, en 1724, l’avocat Mathieu Marais face à la promotion de sept maréchaux parmi lesquels figuraient « M. de la Feuillade, qui a perdu la bataille de Turin, et M. de Grammont, pauvre génie qui n’a jamais rien fait ».

Le maréchal de Mac Mahon, duc de Magenta.

La promotion des maréchaux de la Grande Guerre souleva des interrogations similaires, lorsque Joffre, le premier d’entre eux, fut distingué en 1916 au moment où il était contesté, critiqué et même relégué.

À l’inverse, le parcours de certains maréchaux illustre la capacité de la gloire militaire à soumettre l’autorité politique. Pétain ne fut pas le seul à en tirer profit. Le XIXe siècle connut d’autres figures de maréchaux parvenus au sommet de l’État, à l’image de Soult, président du conseil sous la monarchie de Juillet ou de Mac Mahon élu président de la République en 1873.

La consolidation du régime républicain en 1879 fut marquée par la démission de ce dernier car, pour la jeune république, le maréchalat était une survivance de l’Empire et incarnait le risque d’une dérive césariste. C’est cette prévention qui avait déterminé les députés de la Convention, en 1793, à abolir la dignité de maréchal, avant son rétablissement par Napoléon.

« Sur mon honneur, mon Roi ne peut rien »

Toutefois, le péril césariste n’explique pas, à lui seul, la méfiance de la République à l’égard du maréchalat. Le titre de maréchal, en effet, n’est pas un grade mais une dignité, qui renvoie donc à une hiérarchie honorifique. Or l’honneur possède une dimension d’irréductibilité non seulement aux principes de la République mais aussi à toutes les lois de la morale et du droit.

Dans L’esprit des lois, Montesquieu a décrit cette étonnante puissance :

L’honneur, se mêlant partout, entre dans toutes les façons de penser et toutes les manières de sentir, et dirige même les principes. Cet honneur bizarre fait que les vertus ne sont que ce qu’il veut.

L’honneur appelle l’individu à se conformer à une norme tout en l’érigeant en juge suprême de son application. C’est cette subtile dialectique de l’obéissance et de l’affirmation de soi qui en explique l’importance dans le monde militaire, si bien résumée par le maréchal Blaise de Montluc au XVIe siècle :

Nos vies et nos biens sont à nos rois, l’âme est à Dieu et l’honneur à nous ; car sur mon honneur, mon Roi ne peut rien.

L’honneur apparaît ainsi comme une forme de la « distinction de soi » définie par Bernard Lahire.

La méfiance des républicains

Au début des guerres de la Révolution française, la culture militaire de l’honneur apparut, aux yeux de certains, comme une entrave au principe d’unité et d’indivisibilité de la République. Puis l’appel au volontariat national et la levée en masse éloignèrent la crainte d’un repli corporatiste de l’armée.

Le maréchal Nicolas Jean de Dieu Soult, promu par Napoléon (peinture de Louis-Henri de Rudder).

 

 

Prenant appui sur la promotion d’un sens de l’honneur républicanisé, l’identité militaire se mua bientôt en un modèle de civisme. Et lorsqu’en 1802, Bonaparte institua la Légion d’honneur, il revendiqua l’héritage républicain en imposant aux légionnaires le serment de se dévouer à la conservation « des lois de la République ».

Toutefois, la proclamation de l’Empire modifia les termes du contrat politique ainsi noué. Napoléon exploita l’ambivalence de l’honneur en y réintégrant l’héritage corporatiste de l’Ancien Régime. Après 1815, cette inflexion permit à la monarchie restaurée de maintenir la Légion d’honneur et d’accueillir le ralliement d’anciens maréchaux d’Empire.

À nouveau, l’honneur attira la méfiance des républicains. C’est ainsi qu’en 1848, le général Cavaignac refusa l’élévation à la dignité de maréchal et proposa même sa suppression. Un article de la Revue des Deux Mondes commenta alors cette proposition en soulignant que « le général Cavaignac veut abolir le maréchalat sous prétexte que c’est une dignité. » Cavaignac reconnaissait ainsi que la force d’une telle distinction honorifique ne résidait pas dans le pouvoir organique ou fonctionnel d’un maréchal mais dans l’aura conférée par son titre. En instituant cette hiérarchie de la dignité, la République reconnaissait ainsi une forme de transcendance susceptible de la dépasser.

L’indispensable complément du sacrifice du soldat inconnu

Pourquoi, dès lors, l’abolition de 1793 ne fut-elle pas l’attitude constante de la République à l’égard du maréchalat ? Le sacrifice des soldats a besoin d’un autre type de reconnaissance que l’affliction et le recueillement, car l’expérience de la guerre ne se limite pas à l’épreuve de la soumission, de la souffrance et de la mort. La distinction honorifique du maréchalat est la consécration ultime du registre de l’honneur qui s’applique non seulement aux chefs mais à l’ensemble de la sphère militaire. Cette logique de la distinction individuelle permet à l’individu engagé dans la guerre, quel que soit son grade, de surmonter l’épreuve de la déshumanisation. La gloire n’est pas une vaine chimère, mais l’indispensable complément du sacrifice du soldat inconnu.

L’essence de l’honneur réside dans le principe de l’incarnation et non dans l’abstraction d’un hypothétique code, qui n’existe nulle part. Chaque maréchal incarne donc une singulière équation politique et militaire, comme le montrent les calculs et les débats qui ont accompagné chaque promotion de 1916 à 1923.

Ainsi s’explique la difficulté d’honorer collectivement les maréchaux de la Grande Guerre car le principe de l’honneur étant de soumettre des valeurs à leur incarnation individuelle, il les assujettit aux appropriations de chacun. C’est ainsi que la faute d’un seul risque de jeter le discrédit sur la logique de l’honneur, qui a permis son élévation.

Pétain ne se contenta pas de trahir la République, mais aussi l’institution du maréchalat en exploitant la dignité dont il était censé être l’incarnation pour servir un dessein idéologique. Par cette double trahison, il a beaucoup fait pour condamner ses pairs à l’oubli et pour réactiver la circonspection républicaine à l’égard de la dignité de maréchal.

Ce n’est donc pas un hasard si, outre le verdict de condamnation à mort, la sanction qui lui fut infligée en 1945 fut de le frapper d’indignité nationale, une façon d’annuler la dignité acquise en 1918 et de restaurer l’institution du maréchalat en la débarrassant de la macule pétainiste.

Après 1945, quatre maréchaux furent distingués, dont un seul de son vivant (Juin) et trois à titre posthume (de Lattre et Leclerc en 1952, Koenig en 1984) limitant ainsi le risque d’un mésusage de cette capricieuse logique de l’honneur.

Hervé Drévillon, Directeur de l’Institut des Etudes sur la Guerre et la Paix, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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  • Les commémorations des grandes boucheries historiques sont une mascarade a la disposition ds presidents qui posent en petit peres des peoples

    • Alors… la commémoration d’une boucherie au moment où officiellement on est censé commémorer son arrêt, c’est plus fort qu’une mascarade je trouve.

  • longue démonstration pour arriver à dire que petain a trahi la république…sauf que trahir la république ne me semble important que pour la république, il a trahi des valeurs plus importantes que cela…il a transigé avec le diable.

    • et l’honneur… chacun a son opinion là dessus et l’histoire vous juge…
      il y a des codes d’honneur…
      à l’instar du patriotisme , l’honneur c’est ce que les autres vous accusent de manquer.

      • et on peut rappeler que cette polémique sur Pétain, détourne l’attention sur le sens de la commémoration de la guerre 14 18..

        en premier lieu la guerre 14 18 a été l’aboutissement du nationalisme à outrance.. la souffrance des poilus a été telle qu’elle empêche aussi de rappeler que …ils y sont souvent allés la fleur au fusil…
        la guerre n’est pas tombée dessus sur des peuple innocents.. du moins pas toujours..
        la guerre a été populaire…avant la guerre.

        oui après la guerre les poilus sont revenus souvent guéris de ça..mais à quel prix.
        que commérons nous? le sacrifice des poilus? qui les a sacrifié alors et à quoi?

        • la bête immonde assoiffée de sang est toujours en nous. elle attend.elle attend le bon moment pour qu’on jette au feu tous les principes moraux et notre « honneur !  » que nous ne retrouverons qu’au bout de l’horreur et des fleuves de sang. Et on commémorera à nouveau… on a pas eu de chance quand même..

        • « en premier lieu la guerre 14 18 a été l’aboutissement du nationalisme à outrance »
          On se sert souvent de la première guerre mondiale pour cracher sur le nationalisme, du coup il fallait que les empires centraux perdurent ?

          • je ne crache pas sur la nationalisme.. mais c’est le genre d’idée qui doit rester sous contrôle.. sommer avec modération.

            • et d’ailleurs vous êtes nationaliste vous? pouvez vous m’expliquer ce que ça signifie en pratique?
              vous aimez la France? c’est à dire?

    • N’oubliez pas pas qu’en 1940, toute la nation ou presque était derrière Pétain, de Gaulle était bien seul à contester l’armistice. On peut dire dès lors, que le maréchal joue le rôle de bouc émissaire au sens biblique du terme: chargé du péché collectif, il est bouté hors de la mémoire nationale.
      Il est toujours facile, après coup, de se draper dans la nbonne conscience, et l’histoire est écrite dans un certain but. Il ne faut jamais l’oublier.

      • Derrière Pétain plus qu’a moitié gâteux, manipulé apr toute une caste de politicard presque tous issus de la gauche du front popu…
        Pétain a été le premier à réaliser que le seul matériel irremplaçable de l’armée étayent les hommes…
        Ses prédécesseurs en étaient restés aux guerres de l’empire et à ses charges héroïques malheureusement abrégées par les mitrailleuses allemandes.
        Je tiens pour responsable principal de ces boucheries la général André, ministre de la guerre ,qui ,avec la complicité des francs maçons a désorganisé l’armée française, a négligé son équipement en mitrailleuses, en uniformes de campagne et surtout en artillerie moyenne et lourde, surtout que grâce à la ridicule affaire Dreyfus les allemand n’ignoraient rien de notre glorieux 75

      • Exact. Une belle entourloupe d’ailleurs, que ce « Régime de Vichy ». Ce n’est ni plus ni moins que la 3è République, amputé de la moitié du pays, totalement traumatisé par l’échec total du système Républicain (duquel découle l’échec de l’Armée).

  • et puis zur d’abord réflechir à honorerla mémoire…
    ona

    • le choix non? ce que je vois d’abord et avant tout est une injonction.. « nous honorons aujourd’hui la mémoire de… » non pas moi nécessairement..et ne confondez pas mon respect pour les morts avec vos honorifactions dénuées de sens.

  • contentons nous d’honorer la mémoire de ceux qui étaient dans l’enfer de la guerre , les soldats . Eux seul méritent notre attention . les traîtres ne s’honorent pas , ils doivent tomber dans l’oubli .

    • j’irais plus loin , la majorité de ces hauts gradés, victorieux ou pas, bien planqués, ont beaucoup de sang sur les mains, pourquoi les honorer ?

    • non désolé d’etre impopulaire, mais les soldats et le peuple sont en partie responsable de cette boucherie…les soldats ont certes payé très cher et sont revenus sages en disant la der des der…
      que commémore on ?

  • Juste pour info, quelqu’un a les chiffres de combien ça coute tout cet honneur, ces commémorations et tout ce qui y est lié ?
    Parce que, autant je suis d’accord qu’il ne faut pas oublier, autant je préfèrerai que ce non oubli ne vienne pas du fait que je ne suis pas prêt de ne pas me souvenir de combien j’ai mis de pognon dans ces trucs.

  • Pétain a été à une époque le supérieur du général De Gaulle, et partageait avec lui l’idée que la guerre moderne se ferait avec des chars et de l’aviation, idée que les politiques n’ont pas suivi.
    Néanmoins je voudrais laisser place à celui qui l’a combattu par tous les moyens, De Gaulle (conférence de presse du 29 mars 1949):

     » Aujourd’hui, il y a un vieillard dans un fort ; un vieillard dont moi et beaucoup d’autres reconnaissons qu’il a rendu jadis de grands services à la France. Nous ne l’oublions pas et nous ne devons pas l’oublier. Je l’ai dit à Verdun même. Pourquoi ce vieillard mourrait-il sans qu’il ait pu revoir un arbre ou une pelouse ? Je ne crois pas que ce soit une très grande chose que de l’y condamner. Voilà ma conviction. Je crois que le moment est venu de faire le nécessaire. Il faut laisser mourir entouré d’une certaine dignité un homme qui a porté à certains moments la gloire de la France et qui, pour s’être terriblement trompé, n’en est pas moins à l’heure qu’il est un vieillard inoffensif. « 

    • excellente citation de De Gaulle qui sonne juste comme bien souvent.

    • Faire de Pétain un soutien des conceptions modernes de la guerre portées par de Gaulle, entre autres, est très exagéré. C’est oublier que le maréchal, auréolé d’une gloire qu’il entretenait avec soin, a été pendant l’entre deux guerres un politique influent, notamment pour ce qui est de définir la politique militaire de la France. Pour qui veut bien se pencher sur son rôle d’alors, force est de constater qu’il est catastrophique. Pétain est resté arcbouté sur des conceptions dépassées (le front continu). Il l’a dit, écrit et mis noir sur blanc dans la doctrine militaire de l’époque. En cela il est grandement coupable de la débâcle de juin 1940 pour avoir enfermé l’armée française dans des schémas ineptes.

      • Et pourtant (source Wikipedia) :
         » Général en chef de l’Armée française (il le reste jusqu’au 9 février 1931), il estime en 1919 à 6 875 le nombre de chars nécessaires à la défense du territoire (3 075 chars en régiment de première ligne, 3 000 chars en réserve à la disposition du commandant en chef et 800 chars pour le remplacement des unités endommagées).

        Il écrit : « C’est lourd, mais l’avenir est au maximum d’hommes sous la cuirasse ».

        De 1919 à 1929, avec la présence d’un ami au poste de chef d’état-major des armées (le général Buat jusqu’en 1923, puis après sa mort le général Debeney), il s’oppose à la construction de fortifications défensives, préconisant au contraire la constitution d’un puissant corps de bataille mécanisé capable de porter le combat le plus loin possible sur le territoire ennemi dès les premiers jours de la guerre. Il parvient à rester l’instigateur principal de la stratégie, obtenant, en juin 1922, la démission du maréchal Joffre de la présidence de la Commission d’étude de l’organisation de la défense du territoire créée quinze jours plus tôt, et s’opposant, lors de la séance du Conseil supérieur de la guerre du 15 décembre 1925, à la construction d’une ligne défensive continue. Il y prône des môles défensifs sur les voies d’invasion.

        Lors de la séance du 19 mars 1926, et contre l’avis de Foch, qui estime que Pétain donne à tort aux chars une importance capitale, il préconise et obtient l’étude de trois prototypes de chars (léger, moyen et lourd).

        Il doit, cependant, finir par s’incliner et accepter la construction de la ligne Maginot, lorsque André Maginot, alors ministre de la Guerre, déclare, lors du débat parlementaire du 28 décembre 1929 : « ce n’est pas Pétain qui commande, mais le ministre de la guerre  »
        et aussi:
         » À partir de l’affectation de Charles de Gaulle au 33e régiment d’infanterie commandé par Philippe Pétain, le destin des deux hommes s’est régulièrement croisé.
        Charles de Gaulle est affecté à ce régiment le 9 octobre 1912 à sa sortie de Saint-Cyr avec un grade de sous-lieutenant ; Pétain en est le colonel.

        En 1922, il apporte son soutien à Charles de Gaulle quand celui-ci entre en conflit avec ses supérieurs, dont il conteste la vision stratégique trop liée à la planification défensive et compartimentée du terrain. « 

      • Profondément défaitiste avec l’âge, il a manqué de persévérance et s’est dispersé dans des directions totalement opposées entre elles.
        Mais comment ne pas tourner en bourrique quand en 7 ans, de 1932 à 1939, la France a connu pas moins de 19 gouvernements, 11 présidents du conseil, 8 ministres des finances, 7 ministres des affaires étrangères et 8 ministres de la guerre…
        En fin de compte, c’était devenu un vieux con, un ‘dessus de cheminée’ comme a dit Laval (heureusement que ce dernier n’a pas échappé à la justice), un écran de fumée qui a permis à bien des salopards de se planquer, puisque le ‘principal’ responsable des crimes de l’occupation attirait tous les regards…

        • A votre aise mais ce n’est pas du tout l’analyse de Gérard St Martin, St-Cyrien, colonel des blindés et docteur en Histoire, qui a étudié la question (L’arme blindée française, éditions Economica). Je possède aussi une édition originale d’un ouvrage très influent à l’époque, « Une invasion est-elle encore possible ? », question à laquelle l’auteur, le général Chauvineau, répond par la négative, fort de sa confiance dans le feu défensif et la ligne continue. L’ouvrage commence par une préface de 17 pages du Maréchal Pétain qui est on ne peut plus claire sur ses conceptions doctrinales surannées. C’est sans doute facile d’être aussi dur 100 ans après mais c’est un fait : Pétain a couvert de son autorité une doctrine militaire dépassée. D’autres, dont de Gaulle, ont été plus clairvoyants, mais que faire contre le prestige du Maréchal (il fut rapidement le seul du fait de sa santé de fer) ?

          Je vous invite également à vous rendre au Musée des Blindés de Saumur et à vous faire expliquer la différence entre un char français B1bis, solide, certes mais lourd, lent, sans radio et avec 2 hommes débordés en tourelle, conçu pour accompagner la marche de l’infanterie, et un panzer allemand. L’équipement d’une armée se construit bien longtemps avant la guerre et est le fuit d’une doctrine d’emploi. Pétain était largement le père de celle de l’armée française. On a vu le résultat en 1940.

          • N’ai je pas écrit qu’il faisait tout et son contraire ? préfacer un livre sur la défense en ligne d’une part, puis faire débloquer des crédits pour fabriquer des milliers de chars, dont plusieurs, comme vous le soulignez, n’ont pas dépassé le stade de prototype.

            Voici une autre approche du sujet par le général Conquet, l »énigme des blindés » :
            https://books.google.fr/books?id=nUYgT1QDSDwC&pg=PA29#v=onepage&q&f=false

            Je ne remet pas en cause votre approche, je dis que toute médaille a deux faces, et les deux ont une existence réelle…
            Que alors dire de Pétain qui en avait bien plus que deux ?

            • Construire des chars est une chose, de fait l’armée française dispose de plus de chars que l’armée allemande en 1940, mais disposer de divisions blindées modernes en est une autre. A cause d’une doctrine d’emploi inadéquate :
              – nos chars ne sont pas conçus pour la bataille qui vient mais pour se trainer au pas des fantassins; ils sont lents, n’ont que 2 hommes en tourelle (le chef de char est en burn out permanent, obligé de pointer la tourelle alors que le panzer dispose d’un pointeur);
              – nos rares divisions blindées (DCR) sont si récentes que les hommes ne savent pas les manier et les autres chars sont éparpillés en petits groupes dans les grandes unités d’infanterie ou pire dans les divisions « pétrole-picotin » de cavalerie;
              – il n’y a aucune logistique de soutien pour des unités blindés et nos malheureux chars finissent souvent abandonnés, en panne sèche, ce qui est embêtant pour un engin dont l’arme principale est le moteur.
              Il me semble que l’origine de tout ça est à rechercher dans la doctrine militaire qui a sous tendu l’ensemble. Hors le principal responsable de celle ci, mais non le seul, est le Maréchal Pétain, le seul des »héros » de 14-18 qui ait une influence politique notable après guerre.
              J’ai écris « héros » car j’ai bien peur de vouloir aussi modérer son rôle dans la bataille de Verdun au profit du général de Castelnau, qui n’a jamais été nommé Maréchal et est le grand oublié de l’Histoire de la Grande Guerre. Il est vrai qu’il était royaliste.

  • La dignité, c’est avant tout de risquer sa peau pour ce qu’on défend. Celle du soldat de première classe vaut donc mille fois celle de maréchal, au moins, si l’on se fie aux statistiques des peaux laissées dans l’affaire.

    • Je parierai un ou deux kopecks que les seuls maréchaux morts au feu devaient avoir le grade de ‘maréchal des logis »…

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Par Antoine-Baptiste Filippi[1. Antoine-Baptiste Filippi est chercheur au Labiana, CNRS- LISA ; CNRS-ISTA, laboratoire de philologie du politique. Auteur de La Corse, terre de droit ou Essai sur le libéralisme latin (Mimésis philosophie, Prix Morris Ghezzi 2019). Co-auteur de l’ouvrage Napoléon, le politique, la puissance, la grandeur (édition Giovanangeli / l’Artilleur), à paraître en juin.].

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