Le fabuleux destin d’un mégot parisien

Retracez le parcours d’un mégot de cigarette depuis Paris jusqu’à l’océan.

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Mégots dans le caniveau by Rédaction Contrepoints

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Le fabuleux destin d’un mégot parisien

Publié le 23 juillet 2018
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Par Phoebe Ann Moses.

Sidérant ministère de l’Écologie ! Nicolas Hulot souhaite l’interdiction des pailles en plastique qui finissent dans le nez des tortues. Quant à Brune Poirson, sa Secrétaire d’État, se penche, elle, sur le sort des mégots de cigarettes. Jetés négligemment par des fumeurs inconscients, ils finiraient par tuer les poissons.

Le Monde raconte comment le mégot du fumeur parisien inconscient et pollueur finit par se retrouver au fond de l’océan (Atlantique, tout de même, pour faire une hypothèse favorable, soyons fair-play).

Si vous avez l’impression d’être dans le sketch de la chauve-souris de Jean-Marie Bigard, c’est normal… Attention, voici ce qui s’appelle un « enjeu écologique »…

L’aventure du mégot

Tout d’abord, il faut qu’un fumeur jette son mégot sur le trottoir. Malgré la verbalisation tous azimuts qui sévit sur les trottoirs de France et de Navarre, il reste en effet de téméraires mégots qui font de l’œil aux agents verbalisateurs.

Mais on va supposer que l’agent n’a pas surpris le fumeur en plein jet de mégot, et que le mégot va séjourner un peu sur le trottoir. Il attend alors sagement le passage de l’aspirateur de l’agent de nettoyage urbain.

Las, il peut arriver que l’aspirateur néglige des recoins, et alors là, c’est la liberté qui se profile pour le mégot ! Il se met à attendre désespérément la pluie qui le poussera dans le caniveau, espérant de toutes ses fibres nicotinées que la pluie libératrice arrivera avant le passage le lendemain de l’agent de nettoyage urbain.

Ses vœux sont exaucés : comme les aspirateurs urbains se mettent parfois en grève, la pluie arrive avant eux et le ruissellement des eaux entraîne le mégot vers le caniveau. Il doit franchir des grilles : on ne gagne pas si facilement sa liberté de flotter dans l’océan :

« Ces grilles réduisent fortement la concentration de déchets dans les eaux pluviales ou les rejets urbains de temps de pluie, mais laissent passer quantité de mégots », souligne Johnny Gasperi, maître de conférences au Laboratoire eau, environnement et systèmes urbains (LEESU, université Paris-Est-Créteil et École des Ponts ParisTech).

En tous cas, si les conditions s’y prêtent, le mégot va alors entamer une traversée des eaux jusqu’à la station d’épuration. La Station d’épuration est un peu au caniveau ce qu’est l’Étoile Noire au TIE Interceptor : impossible d’y échapper.

Et pourtant, si. Comme l’explique le maître de conférences au Laboratoire eau, environnement et systèmes urbains :

« Les stations font d’abord un dégrillage de l’eau pour évacuer tous les macrodéchets. » Et les mégots, ainsi que tous les autres détritus pêchés (résidus de plastique, cotons-tiges, etc.), finissent alors brûlés ou dans un centre d’enfouissement des déchets.

Les choses se compliquent en cas de grosse averse. « Lorsqu’une grande masse d’eau arrive, le surplus est stocké dans des cuves. Mais une fois ces ouvrages saturés, le trop-plein est directement déversé dans les cours d’eau. » À Paris, ces eaux non-traitées se retrouvent dans la Seine. Et les mégots avec.

Il faut donc que, parvenu à ce point de son aventure, le mégot cumule deux facteurs : échapper au dégrillage et subir une très forte averse.

Bon. Admettons.

Les eaux de pluie – chargées des détritus amassés – sont déversées dans les cours d’eau généralement sans être traitées.

Attention, c’est ici que le drame se joue :

Et une fois que les mégots plongent dans un cours d’eau, aucun filtre n’entrave leur course jusqu’à l’océan.

Ce mégot pollueur des océans

Il s’ensuit alors une terrible pollution : le mégot crée une sorte d’infusion de nicotine dans l’océan, de sorte que les poissons deviennent des fumeurs passifs comme l’indique l’intertitre du Monde :

Poissons et micro-organismes aquatiques, fumeurs passifs

Une étude européenne a prouvé que la teneur en nicotine de l’eau de l’océan est toxique pour les organismes aquatiques.

Vous vous demandez probablement comment on sait que la teneur toxique dans l’océan est bien la même que celle proposée dans l’étude. Les chercheurs ont étudié la question.

Un seul mégot de cigarette peut suffire à décimer la moitié d’une population de poissons nageant dans un litre d’eau.

Évidemment, les résultats de l’étude semblent moins probants que prévu puisqu’on lit, après seulement sept lignes, que :

les analyses menées, dont la liste a été établie sur la base de la bibliographie scientifique réalisée, n’ont pas permis de boucler le bilan de masse de façon aussi satisfaisante qu’espérée, mettant ainsi en avant la complexité de la matrice étudiée.

Mais ce n’est pas grave : puisqu’on a décidé que la réalité devrait coller à la théorie (fumeuse) pré-établie, les chiffres, on s’en fiche ! La science est maintenant affaire d’espoir, comme cela est indiqué…

Tiens et puis tant qu’à faire, l’étude a aussi pensé à tester la toxicité des mégots sur les vers de terre. Et comme les bougres ne voulaient pas mourir à J+7 dans une terre avec 0,6% de mégots, ni même dans une terre avec 1,6% de mégots, on les a ensevelis dans une terre à… 25% de mégots, ce qui a, ô surprise, bien tué 100% des vers de terre. Vous serez sans doute aussi surpris d’apprendre que les laitues poussent moins vite dans un substrat de mégots.

C’est sûr, avec ce genre d’étude, le grand public sera convaincu de la nécessité d’éradiquer les fumeurs et leur mégots, pour le plus grand bonheur des tortues et de chercheurs bien subventionnés.

NB : cet article n’a pas pour vocation à encourager le jet sauvage, trop machinal et puni par la loi, du mégot de cigarette sur le sol. Merci de l’avoir compris.

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  • Les mégots avec filtre, cela fait des déchets qu’il faut traiter, donc des impôts.
    Autrefois, seuls les snobs fumaient des cigarettes avec filtre. Le problème des déchets se posait moins. Si les autres fumeurs jetaient leur mégots par terre, ces derniers pouvaient être ramassés par des miséreux en vue de s’en rouler une cigarette. Sinon, le passage des véhicules ou des piétons, ou les éléments naturels, les désagrégeaient, et leur élimination n’était plus un souci.
    Je ne comprends pas pourquoi on s’embête avec un tel problème, alors qu’il suffirait d’interdire la vente des cigarettes avec filtre, d’autant que leur moindre nocivité par rapport à celles sans filtre n’est pas démontrée.

  • Mes filtres sont en carton, c est biodégradable.

  • Les écologistes ne veulent pas mégoter sur les moyens…

  • Ne mégotons (…) pas sur le ridicule de ces études Champignacs.
    Bientôt, ces scientifiques vont hululer sur les arbres lorsqu’on le leur demandera. Ce sera chouette ❗

  • Indépendamment des délires sanitaires des organismes internationaux, il faut tout de même dénoncer l’irrespect des fumeurs qui jettent leurs mégots n’importe où, en ville, à la plage, dans la nature, ou même, expérience personnelle, directement dans le jardin des gens chez qui ils sont invités. Je suis moi-même fumeur, et je ne jette jamais un seul mégot par terre, depuis le jour où j’ai pris conscience de la quantité de déchets que cela représente, et que l’on observe facilement sur le bord des routes, à l’entrée des bouches d’égouts, ou dans son propre jardin, le jour où l’on refait une parterre de fleurs.

    Ce n’est pas compliqué d’avoir une petite boite à mégots sur soi, et de la vider dans une poubelle ultérieurement. Ces mégots sont tout simplement crades, et il y a du travail à faire pour que les individus cessent de jeter leurs déchets par la fenêtre, du mégot à l’emballage de Macdo.

    • Je fume régulièrement un ou deux cigarillos le week-end (jamais en semaine) en me baladant dans le parc urbain près de chez moi. Je jette le mégot (sans filtre évidemment sur un cigarillo) dans les bosquets où il se confond bien vite avec les feuilles mortes sans risque d’y mettre le feu (un cigarillo s’éteint très vite si on ne tire pas dessus) . Je ne le ferai évidemment pas avec un mégot de cigarette. Vive le cigarillo.

      • le problème n’est pas que le truc jeté soit biodégradable ou pas, c’est juste une question d’éducation,on ne jete pas ses ordures n’importe ou..donc même si c’est un reste de cigarillo ça ne se fait pas …..y’a un vrai problème en France sur ce point.

  • Une solution : fumer la pipe.

  • Etudes confiées sans doute à Gilles Eric Séralini

  • qui a mesuré la quantité de nicotine dans l’eu de rivière, ca éviterais de spéculer sur, la quantité de mégots jétés, le taux de mégots survivants et la capacité de contamination des dits mégots.

    sans blague, qui a mesuré, c’est pas dur, on prend un échantillon, on filtre un peut, et on appelle un labo compétent.

  • Désormais la Reine de Lutèce peut se prévaloir d’avoir bouté le mégot hors de ses murs.

    Plus sérieusement, merci pour cet article qui ne mégote contre le mensonge institutionnel.

  • Il ne s’agit pas « d’éradiquer les fumeurs et leurs mégots », et on s’en fout des aspects polluants sur les océans, vrais ou faux, ce qui compte c’est qu’un mégot par terre, dans la rue ou dans la nature, c’est simplement dégueulasse. Aux fumeurs d’être plus responsables et de mettre leurs mégots dans des cendriers portables (genre boîte en fer fermée) ou dans une poubelle, et de ne pas polluer (visuellement d’abord) les autres avec leur merde.

  • Ca fait des études sur les mégots et leur pollution qui tue les poissons, mais la pollution effective, qui rend Paris crade et pleine de rats, on n’en parle pas, et on ne fait pas d’étude.

    • Je préfère un million de rats à Paris qu’une seule Anne. Le rat est un animal très intelligent. Et il est très utile, car il consomme une bonne part des déchets qu’on retrouve dans les égouts. Reste à savoir ce qu’il fait des mégots. S’il n’en fait rien, alors oui, le fumeur négligent doit s’amender…

    • Ps : et si le rat quitte son égout pour remonter à la surface, c’est qu’il y trouve aussi de quoi becquetter. Alors à qui la faute ?

      • @Guido Brasletti
        Bonjour,
        Je suis d’accord avec vous sur le fait que les fumeurs qui jettent leurs mégots par terre sont les premiers responsables.
        La mairie de Paris est préoccupée par d’autres soucis plus importants, semble-t-il, que la propreté de la ville et la prolifération des rats. Peut-être se bougera-t-elle quand la peste reviendra entre ses portes.
        Le rat est un animal intelligent. Il ne fait rien avec les mégots. Son odorat lui permet de savoir que c’est mauvais pour sa santé.
        quand je vois l’état des salles de classes dans l’établissement scolaire où j’ai travaillé ces deux dernières années, je me dis que la génération qui arrive ne saura pas mieux jeter ses détritus dans une poubelle. Leur faire nettoyer la cour n’aura pas eu un grand impact sur la propreté des locaux.
        Dans les parcs publics, par exemple, on voit des bouteilles en plastique ou en verre, des sacs en papier et autres emballages dans les pelouses, à moins de deux mètres d’une poubelle à moitié remplie.
        Le terme « pollution » est comme les termes « solidarité », « égalité », « social », ils nous sont rabâchés tellement de fois qu’on ne les entend plus, et qu’au final, on ne se sent plus concerné.
        Perso, j’attends l’illuminé qui nous sortira que le soleil pollue aussi.

  • les cons ça ose tout…heureusement que le ridicule ne tue pas ..hélas!!!

  • Il n’y a pas que les fumeurs qui nous empoisonnent…
    Les pét.asses qui balancent leurs détritus de salade par la fenêtre si ce n’est les poils de leurs clébards, comment dire … ❓
    Alors ne mégotons pas sur les mégots… Après le crottodrome, le mégotdrome…

    Oui, les français n’ont aucun savoir vivre en général. Alors un mégot jeté dans la bouche d’égout, vu ce qui précède, ou est le mal?
    Ces polytocards d’écologistes, on s’en cogne.

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