Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre
La société connectée : pour un nouvel écosystème numérique.
Le choc qu’occasionne la confrontation entre l’économie numérique et l’économie traditionnelle a complètement bouleversé et bouleversera encore bien plus le commerce, les structures institutionnelles ainsi que les grandes représentations qui ont façonné les sociétés occidentales. […] La société connectée ne se contente pas de faire un constat critique mais avance des pistes, des solutions possibles, pour que la rupture anthropologique que constitue le numérique se fasse au profit de l’humain – le consommateur aussi bien que le citoyen – et non pas contre lui.
Julien Cantoni, auteur de La société connectée, croit en la complémentarité de l’économie traditionnelle et de l’économie numérique, posant les fondements d’un nouvel écosystème, où les fonctions politique et sociale sont fortement impactées. Au-delà du constat et de la critique, l’essai esquisse les perspectives d’un changement implacable pour nos sociétés, aussi violent qu’inévitable.
Les grands principes de l’économie numérique.
S’il fallait retenir un ouvrage posant les bases de l’économie numérique, une des références majeures seraient certainement La longue traîne de Chris Anderson qui identifie les trois forces principales, moteurs de l’économie numérique : la démocratisation des moyens de production, de distribution, et enfin la connexion en temps réel de l’offre à la demande. Des ressources toujours plus accessibles, des équipements miniaturisés et peu coûteux, une appropriation des techniques et du management des entreprises par les particuliers… Autant de facteurs qui témoignent d’un basculement qui affecte aussi la distribution.
Les modes d’acquisition des produits n’ont cessé de se perfectionner et de se diversifier. Les sites marchands tout d’abord ont permis de développer un e-commerce qui n’a cessé de croître […], l’automatisation et le raccourcissement de la chaîne logistique lié à la démocratisation des moyens de production favorisent leur distribution à moindre coût.
La vraie révolution numérique, c’est en fait celle de la mise en réseaux des consommateurs, des particuliers et des entreprises, mais aussi la connexion des solutions logistiques aux solutions logicielles.
Illustrations concrètes de l’économie connectée : marketing, finance, production, distribution… Un seul maître mot : le crowdfunding.
C’est à travers la mutation des infrastructures opérée sur l’ensemble de l’économie, y compris sur les PME que l’économie connectée effectue sa métamorphose. Les plateformes collaboratives sont un élément central de cette évolution. Elles proposent tantôt des infrastructures de réseau en ligne (cloud computing), la mise en ligne de documents ou de vidéos (knowledge as a service), ou encore du conseil online et offline aux entreprises (consulting as a service). Ce mouvement profite également aux PME qui peuvent acquérir, à la demande, des équipements jusque là réservés aux grands groupes mondiaux, le tout dans un contexte de baisse généralisée des tarifs, à l’image d’Amazon, toujours plus compétitif dans ses frais et délais de livraison. D’un point de vue social, les plateformes peuvent accélérer la suppression de nombreux emplois administratifs, dans un mouvement de débureaucratisation. Et bien que ces emplois ne soient pas totalement remplacés, ils seront en partie compensés, par des emplois plus qualifiés et par plus de mobilité professionnelle.
Plusieurs initiatives de crowdfunding public se sont montrées très efficaces dans la réhabilitation des politiques publiques ; d’autres stimulent la vie démocratique grâce à l’élaboration collaborative du processus législatif.
La révolution numérique change les choses à double titre : techniquement, elle facilite l’expression et la prise en compte d’opinions diverses et variées de façon très efficace. Mais surtout, elle habitue les citoyens à agir au quotidien, à donner leur avis, à ne pas rester dans des cadres très hiérarchisés […] La demande de prise en compte de tout un chacun est ravivée, alors même que le personnel politique, censé être le plus qualifié, s’enferme dans des querelles stériles.
Dans un avenir très proche, la crédibilité d’un gouvernement reposera immanquablement sur son aptitude à identifier les sujets à soumettre, dans le cadre d’un processus participatif, référendaire ou parlementaire. Il en va de la vitalité démocratique d’un État, de son autorité, et enfin de la stabilité de ses institutions.
Développement de la personne : éducation, travail, pensée pragmatique et complexe, à l’ère connectée.
Les mutations profondes induites par la puissance numérique soulèvent des enjeux qui concernent tout autant les systèmes éducatifs, que la formation professionnelle ou universitaire. Les citoyens devront par ailleurs se préserver de nouvelles menaces, comme l’intensité informationnelle, dont les risques additionnels au numérique sont une des expressions.
Cela demandera à ce que de nouveaux codes sociaux se mettent en place pour ne pas submerger son entourage de sollicitation numérique.
Pour Julien Cantoni, le système éducatif gagnera à promouvoir l’enseignement technique, sans intermédiation « technicienne ». Pour gagner en caractère opérationnel, à travers un mentorat hérité du patronage des confréries, la transition sera nécessaire, d’un peer-to-peer virtuel, au pair à pair naturel. Ces considérations morales et philosophiques transformeront notre société,
et les méthodes agiles, le travail collaboratif sont là pour nous montrer que ces apports produisent des effets concrets dans notre vie de tous les jours, au travail comme dans notre vie privée.
“la crédibilité d’un gouvernement reposera immanquablement sur son aptitude à identifier les sujets à soumettre, dans le cadre d’un processus participatif, référendaire ou parlementaire”
J’admire votre optimisme. En France, la crédibilité d’un gouvernement repose sur la crédulité des gouvernés, et je ne vois pas ça changer dans un avenir proche, hélas !
Qualifié le personnel politique? La réalité à démontré le contraire! Ils sont incompétents et incapables, en plus d’être ignorants et corrompus! L’économie étant à la base de tout c’est dans ce domaine, et concrètement, qu’ils devraient être qualifiés.
Plus nous évoluons, plus nous nous différencions, et plus nous intégrons ce dont nous dépendons pour nous en affranchir… et nous retrouver dépendants à un autre niveau.
De même, la révolution numérique ne peut que secouer les ordres existants… pour qu’ils soient remplacés par d’autres. Du coup la transition peut être dure pour les anciens pouvoirs et exaltante pour les nouveaux.
Ces fausses révolutions, qui font tout changer pour que rien ne change, nous rappellent le sort des serfs jadis sous la coupe d’un seigneur qui pouvait être remplacé sans qu’eux-mêmes changent de condition.
De même, pour les citoyens/consommateurs d’aujourd’hui, les révolutions des pouvoirs qui font rage se passent au-dessus de leurs têtes et ils en subissent les ravages.
Cependant, tout indique qu’au sein des populations une évolution s’opère en profondeur et sans violence, car les mises en réseau accroissent l’intelligence de connaissances et de solidarités spontanément partagées.
L’auteur s’en fait l’écho malgré lui : il commence son article par la déclaration d’une révolution digne de la Terreur (« le changement sera implacable (…) aussi violent qu’inévitable ») et il le finit par un hymne au « mentorat hérité du patronage des confréries » complété par un « pair à pair naturel ». Donc dans les hautes sphères de la révolution numérique, ce sera la guerre, et nous en bas on sera tous frères… Pourquoi pas : laissons leur la guerre et qu’ils nous laissent la paix, avec la liberté qui va avec, pour savoir comment vivre mieux avec cette nouvelle technologie.