Le syndicalisme est-il soluble dans le macronisme ?

La mobilisation n'était pas au rendez-vous ce premier mai, et le syndicalisme semble avoir pris un coup dans l'aile. Tant mieux, mais cela ne suffira pas à sauver le pays.
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Les syndicats verrouillent leur financement By: Blandine Le Cain - CC BY 2.0

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Le syndicalisme est-il soluble dans le macronisme ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 mai 2018
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♩ Joli, joli mois de mai, ♬ il faut être content ♩ car c’est la fête du printemps ♬, tralalilalère et ne pas oublier entre deux galères ♫ que c’est toujours la grève à la SNCF… Ou presque.

Le premier mai vient de passer et avec lui, les indéboulonnables défilés de syndicalistes et autres partis politiques plus ou moins vivants. Cependant, cette année aura été l’occasion d’une petite surprise.

Ici, je ne parle pas de l’absence renouvelée de cette convergence des luttes qui n’a existé que dans les rêves humides des collectivistes les plus aveugles : les luttes intersectionnelles antidiscriminatoires contre le sexisme et les phobies générationnelles, ça va deux minutes mais ça ne permet vraiment pas de déterminer sereinement qui va s’occuper des banderoles, des pancartes, des stands capitalistes de t-shirts floqués d’un Guevera romantique, de la buvette ou des grillades véganes inclusives de merguez à base de tofu.

Non, ici, je veux évoquer le constat dressé par une presse aussi unanime que lorsqu’il s’est agi de parler du dentifrice aux croquettes du couple Macron (aux goûts décidément bizarres) : très clairement, les traditionnelles manifestations de ce 1er mai 2018 ne furent pas aussi imposantes qu’on aurait pu s’y attendre après un mois de grève perlée à la SNCF.

À tel point que les commentateurs en ont été réduits à noter la divergence des luttes, pendant que Jean-Luc Mélenchon postulait une « jonction des forces » partout où on pouvait l’entendre. Manifestement, le quinoa, mal nettoyé, ne provoque pas seulement des troubles intestinaux.

Et plus qu’une divergence, c’est bel et bien la faiblesse de la mobilisation qui ressort de ces défilés qui motivent de moins en moins de monde. Même pour les organes officiels du Peupledegoche comme Libération, il devient compliqué de cacher les rangs clairsemés des manifestants et on oscille entre une titraille hardie à plusieurs milliers de manifestants et un corps d’article à quelques centaines tout en devant concéder des chiffres policiers autour de 4.200 pendant que le parti de Jean-Luc en annonce crânement six fois plus.

Du reste, au sein même des syndicats, on sent des dissensions comme par exemple à FO, entre les réformistes et les inoxydables « trotsko-anarchistes », ce qui n’aide évidemment pas à former des rangs serrés lorsqu’il s’agit de faire des démonstrations musclées pour réclamer de nouveaux avantages ici ou là.

… Si l’on ajoute ces problèmes internes aux problèmes externes, plus importants, que subissent ces syndicats, on comprend que la tendance générale n’est pas au renforcement de ces organisations de désorganisation du travail en France.

Eh oui : entre les réseaux sociaux qui permettent aux Français d’exprimer leur ras-le-bol des blocages et autres scléroses mortifères que le pays subit, la présence de nombreux ponts dans ce mois d’avril et de mai qui ont été copieusement sabotés par les mouvements d’humeur d’une certaine catégorie de personnels ni volant ni roulant, et la difficile addition des jours de congés concomitants aux jours de grève qui ne seront pas payés, tout ceci finit par peser quelque peu négativement sur le moral de ceux qui avaient choisi de ne pas travailler.

Petit-à-petit, la grève s’essouffle. N’ayant jamais eu le soutien populaire et ne bénéficiant guère d’une propagande favorable des médias, le trafic ferroviaire semble retrouver des couleurs au point de recommencer à lire des titres comme « trafic quasi-normal » (ce qui, en France, se traduit par un retour aux pannes habituelles, des trains normalement annulés et des retards largement dans les clous). Côté Air France, ce sont les syndicats de la compagnie-sœur, KLM, qui commencent à montrer les crocs ce qui donne une bonne idée du niveau d’agacement qui règne à ce sujet.

Bref, il semble bien que la donne ait changé : peut-être le pays pourrait ne plus être à la solde des syndicalistes !

Oh, bien sûr, ne nous avançons pas trop : on ne sait vraiment pas ce que vont donner les prochains mouvements syndicaux, ni la suite de la grève perlée que continuent d’organiser les phalanges de grille-merguez enragés de la SNCF. Tout juste peut-on espérer que perdurera la tendance actuelle, qui marque réellement un affaiblissement sensible des paléo-collectivistes et anarcho-syndicalistes obstinément coincés dans un autre siècle. Ceci serait une excellente nouvelle pour un pays qui n’a toujours pas compris que le marxisme est une ruine de l’âme et du portefeuille, que le communisme n’a jamais réussi à produire autre chose que du sang et des larmes dans des quantités affolantes et que nos syndicats n’ont jamais réussi à dépasser l’une et l’autre idéologies.

Et si cela devait se confirmer, on devrait alors accorder à Macron d’avoir pu sinon dissoudre au moins rendre soluble dans la République le syndicalisme complètement calcifié dont nous avons hérité depuis mai 1968, justement.

Cependant, avant d’accorder ce point mémorable à l’actuel président, il lui faudra pour réformer durablement le pays plus qu’une baisse de régime dans la gréviculture compulsive du pays : après les syndicats, le second blocage du pays qu’il devra affronter est celui, bien plus dur, de l’État profond, conglomérat caché composé de l’administration et de toute la ribambelle de fromages républicains formés en strates depuis des décennies et qui constituent le système nerveux réel de l’État républicain. Si cet État profond refuse de bouger, il sait y faire lorsqu’il déploie force mauvaise foi, excès de zèle ou flemmite paralysante que chaque citoyen aura pu expérimenter au moins une fois dans sa vie.

En clair, sans l’assentiment de cette composante ou, à défaut, si Macron ne parvient pas à en briser les résistances, la victoire potentiellement obtenue sur les syndicats ne servira à rien.

Enfin, si l’on ne peut que se réjouir d’une diminution de l’influence néfaste des syndicats dans le pays, on devra constater que ça ne semble pas suffire à Macron pour engager des réformes structurelles et profondes. L’actuelle réforme de la SNCF semble extrêmement timide. Les reculades sur la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes inquiètent sur son manque criant de détermination.

Mais surtout, tout indique que les façons de penser, le paradigme même dans lequel le président et son gouvernement s’inscrivent résolument n’ont, eux, absolument pas changé : comme en témoigne avec une précision terrifiante les petits jeux comptables déjà sur les rails concernant la gestion du passif monstrueux de la SNCF, il n’est pas encore acté que l’État, ce n’est pas autre chose que tous les citoyens, que la richesse n’est pas créée par les diktats gouvernementaux et qu’une dette finira toujours sur le contribuable.

Décidément, il y a encore du méga-pain sur la giga-planche.


—-
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  • Anéantir les syndicats n’est pas la solution. Il ne faut pas oublier que le droit syndical est une avancée libérale. Le risque étant que faute d’intercesseur, il ne reste que la radicalité. L’urgence est de réformer profondément le système syndical tel qu’il a été dévoyé par les communistes à la sortie de la guerre.

    La suppression de toute subvention, et un financement uniquement par des cotisations de salariés, obligeraient ces structures à être réellement au service de ces derniers.

    Il ne faut pas oublier que les communistes étaient contre le droit syndical lorsqu’il a été voté. Ils n’ont eu de cesse que de le saborder et y ont parfaitement réussi.

    • « le droit syndical est une avancée libérale »
      Les abus de ce droit, non.

      Sinon, ok avec tout le reste bien évidemment.

      • Peut-on parler d’abus du droit d’entreprendre ?

        Depuis quand utiliser un droit est un abus ? S’ils veulent faire grève c’est leur droit non ?

        • Dans un monopole ❓ D’état de surcroît ❓

          • @ MichelC
            Oui, l’état offre une belle garantie a priori: il ne risque pas trop la faillite et promet la carrière « à vie ». Il a donc le droit de pouvoir compter sur le service qu’il paie, en rendant une « concertation » annuelle avec le personnel, obligatoire, contre un travail quotidien garanti, en théorie, dans son contrat vis-à-vis des clients-citoyens-usagers!

            C’est son rôle de patron responsable. Il y a bien d’autres métiers où la grève pourrait être prohibée, avec exceptions (salaires non payés, par exemple: il n’est pas insignifiant que ce soit les chauffeurs de loco, ou les pilotes d’avions pour Air France qui paralysent les autres!).

        • Si seulement il y avait un abus du droit d’entreprendre en France. Les Français ne se bousculent pas au portillon pour devenir entrepreneurs. Ils attendent que boulot et richesse tombent du ciel plutôt que de les créer.
          Vous portez la faute sur les entrepreneurs, avez vous essayé d’entreprendre en France? (Si vous ne faites pas partie de la solution, vous faites partie du problème)

        • Qui parle d’utiliser un droit ? Empêcher les non-grévistes de travailler, leur faire subir des pressions, c’est un abus du droit de grève. Saboter des installations, c’est un abus aussi.

  • On ne peut pas mettre de + aux articles eux-mêmes, sur ce site ?

  • sans l’assentiment de cette composante ou, à défaut, si Macron ne parvient pas à en briser les résistances, la victoire potentiellement obtenue sur les syndicats ne servira à rien.

    C’est tout l’enjeu du conflit en cours à la SNCF. En effet, les concessions qui ont déjà été faites (en particulier le maintien des droits-z-acquis pour les salariés actuellement en poste) et celles qui vont être faites pour en sortir (en particulier la reprise de la dette) ne changeront pas grand chose pour la SNCF elle-même. L’enjeu du conflit est ailleurs.

    Si Macron recule sur cette réforme, alors l’Etat profond a de beaux jours devant lui et ce pays est foutu, comme dirait l’auteur.

    A l’inverse, si Macron parvient à faire passer sa réforme malgré l’opposition des syndicats, alors il envoir un signal très fort à ceux qui font partie de l’Etat profond: je vais changer les choses et personne n’est à l’abri. C’est une lutte pour le pouvoir.

    • Si Macron recule, tout est foutu. Si Macron tient bon, rien n’est sauvé.

      • en somme, tout est foutu 🙂

        mais nous avons l’habitude sur contrepoints, cela fait depuis sa création que tout est foutu. 🙂

        Ne pensez-vous que le vrai problème, ne réside pas dans la raréfaction des ressources annoncés ? En effet, l’économie à souvent négliger ce point important.

        • Pour le dire autrement, Macron tient le pays au bord du vide et attiré par lui, s’il cède, le pays tombe dans le vide, s’il tient bon, il tient toujours le pays au bord du vide.
          La solution est évidemment de se diriger vers un endroit qui ne serait pas au bord du vide. Avec la question des ressources, vous laissez entendre qu’un tel endroit n’existerait pas forcément. Un bien pauvre argument pour ne pas bouger et ne pas aller voir…

        • Doit-on parler de la raréfaction des ressources ou bien de la surpopulation ?
          A l’origine de bien des pb (ecologie, nouriture, etc.), ne serait-ce pas cette population mondiale qui croit à vitesse grand V ?
          Quant à l’origine de l’article, et bien on rêve de syndicats non politisés et corporatistes, avec un vernis de connaissances économiques s’occupant vraiment des besoins des salariés…

    • @ fm06
      Oui, au « pif », c’est ce que je subodore! E.Macron ne réforme pas radicalement mais il fait des « brèches » dans les mauvaises habitudes, +/- consacrées, plus du tout adaptées au monde actuel.
      Une « brèche » a pour fonction de s’élargir jusqu’à fendre le mur! Si c’est cela, ce qu’il envisage, son action sera durable! (et « continuable », quasi naturelle), idem pour l’I.S.F.

      • S’il ne fait qu’une brèche alors que les conditions ne seront jamais aussi favorables, comment croire qu’il l’élargira plus tard ?

  • C’est une longue chaine de solubilité. Les syndicats, qui n’ont plus rien à voir avec leurs « belles » années et qui, de plus, ne se supportent pas entre eux, vont effectivement sombrer. Dans le Macronisme, parce que c’est le rigolo qui est aux commandes actuellement. Et le Macronisme va sombrer dans l’européenisme, puisque c’est le schéma qui patiemment se déroule depuis pas mal de décennies. Maintenant, un grand reset venu de l’extérieur (les US amènent une partie de leurs régiments de cavalerie en plus en europe) étant en cours, il est probable que l’on passe directement à la solubilité générale…

    • @ vitevu

      Et alors?

      Comme si la France souverainiste pouvait encore s’isoler du monde!

      Elle (l’état) est trop pauvre pour ce faire et trop participante en distribuant ses leçons à l’univers pour ça! Sa fiabilité économique et la différence entre discours et action sont telles que sa fiabilité prend l’eau, évidemment!

      Il n’y a plus d’intimité nationale! La France participe à bien trop de cénacles pour qu’on lui laisse dire n’importe quoi! « Elle, vierge théorique se croyant trop parfaite et donneuse de leçons, reçoit des leçons tous les jours lui signifiant qu’on n’attend plus son opinion pour se forger la sienne! ».
      Le mythe français qui a enfanté le chauvinisme national disparait doucement face à la réalité cruelle d’une croissance active, durable ou pas, permettant aux autres pays d’exprimer clairement leur désaccord, face à leur partenaire trop conservateur qui n’est pas bien du tout! La transition sera sans doute dure et chère! C’est le prix à payer pour revenir devant, sur la scène mondiale, prétention que la France chérit depuis longtemps!

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