Vladimir Poutine déjà vainqueur de la présidentielle ?

Vladimir Poutine semble avoir de bonnes chances d’être réélu.

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Putin happy wave by Jedimentat44(CC BY 2.0)

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Vladimir Poutine déjà vainqueur de la présidentielle ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 mars 2018
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Par Cyrille Bret1.
Un article de The Conversation

Depuis bientôt deux décennies, de nombreux observateurs en Europe et en Amérique du Nord répètent la même question : pourquoi Vladimir Poutine est-il élu et réélu mandat après mandat ? Ce 18 mars, alors que la tension monte entre Russie et Royaume-Uni concernant la mort de l’ancien agent Skripal, beaucoup observent le phénomène Poutine emplis de perplexité.

Le Président russe et son bilan sont loin d’être au-dessus des critiques, même du point de vue de l’électeur russe ordinaire : la vigueur des manifestations de l’hiver 2011-2012 en a attesté suite aux irrégularités aux élections législatives. Mais le Président candidat sera sans rival sérieux lors de cette élection. Reste à comprendre les raisons de cette victoire annoncée.

Poutine : les ressorts d’une popularité bien réelle

En ce qui concerne les taux de popularité et les intentions de vote, certains restent sceptiques : ne s’agirait-il pas d’une popularité organisée, comme l’étaient les scrutins soviétiques par le passé ?

L’institut Levada les a pourtant confirmés année après année. Il jouit d’une indépendance reconnue au-delà des frontières de la Russie. Il est d’ailleurs classé « agent de l’étranger » par l’administration russe. Aujourd’hui, ces sondages de Levada ne sont plus autorisés car ce statut interdit à Levada d’interférer avec le processus électoral. Néanmoins, les données disponibles indiquent un président à environ 65% des intentions de vote.

La popularité du Président a des ressorts puissants qui échappent parfois. C’est un ancien colonel du KGB. Il est, à ce titre, un membre de la communauté des « siloviki », les « hommes de force ». Autrement dit, un fonctionnaire des services de sécurité. Le KGB, devenu FSB depuis la fin de l’URSS, n’est pas seulement, pour les Russes, le service d’espionnage des romans de John Le Carré. C’est une institution centrale pour le fonctionnement de l’État russe. Pour les Occidentaux, cette origine professionnelle suscite la suspicion. Mais pour bien des électeurs russes, c’est un gage d’efficacité et de rigueur et de dévouement aux intérêts nationaux.

Dans cette popularité, la capacité du président russe à occuper la scène médiatique joue un rôle essentiel. Depuis plus de dix ans, il se montre capable de tenir son rôle et son rang dans des émissions télévisées le plaçant, des heures durant, dans un jeu de questions et réponses directes avec les téléspectateurs de toute la Fédération. Ces « conversations au coin du feu » version poutinienne entretiennent la réputation de proximité du Président.

Ainsi, l’émission Ligne directe réunit de très nombreux téléspectateurs sous la forme d’un marathon télévisuel. Et la mise en évidence du corps du Président, sa passion pour le judo et les sports de plein air renforcent son image d’homme fort et sain. Là encore, que les Européens et les Occidentaux ne s’y trompent pas : leur propre perception de l’interview du président Poutine par Oliver Stone ne reflète pas l’état de l’opinion russe.

Une opposition faible

Dans la compétition électorale, la candidature Poutine surclasse largement les autres. Les candidats communistes, d’abord Ziouganov et aujourd’hui Pavel Groudinine, ne font entendre que des thèmes compatibles avec les objectifs de grandeur nationale de la présidence Poutine.

Le candidat du Parti libéral démocrate de Russie (LDPR), Vladimir Jirinovksi, est lui aussi tonitruant en apparence mais intégré dans le système politique. Ses thèmes nationalistes à la frontière de la xénophobie ne peuvent présenter de véritable danger pour la candidature Poutine. De fait, ces deux candidatures ne rallient que 10% des intentions de vote à l’heure actuelle.

La faiblesse de l’opposition parlementaire et politique est structurelle. Elle est favorisée de plusieurs façons. D’une part, les médias d’État ont été réorganisés durant la décennie 2000. Les Occidentaux le savent en ce qui concerne les médias russes d’expression étrangère : à partir de 2008, ils ont été réorganisés autour de la holding à fonds publics Rossya Segodnia qui chapeaute les désormais fameuses RT et Sputnik.

D’autre part, les opposants véritablement alternatifs au système poutinien rencontrent des obstacles : le plus célèbre d’entre eux, l’avocat Alexei Navalny, avait organisé des manifestations importantes et est interdit de compétition électorale pour inéligibilité jusqu’en 2028 pour détournement de fonds. Quant à Xenia Sobtchak, fille de l’ancien maire de Saint-Pétersbourg, elle ne convainc pas comme « opposante de choc » et réunit 2% d’intentions de vote…

À mesure que le temps passe, les chances de l’opposition de se structurer en alternative véritable s’amenuisent : depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999, plusieurs générations de jeunes électeurs se sont formées et sont devenu des « générations Poutine », qu’elle le veuille ou non.

Poutine, le Président de la prospérité

Si les observateurs occidentaux ont en tête la crise économique qui a plongé la Russie dans la récession depuis 2014, les électeurs russes ont, eux, en mémoire la décennie 2000 et la croissance importante de l’économie durant cette période. Ainsi, la croissance russe a été constamment autour de 7% par an entre 1999 et 2008.

On peut contester la solidité de cette croissance : elle est en large partie due au rattrapage par rapport à la décennie 1990 ; elle dépend de facteurs exogènes et notamment des exportations de minerais et d’hydrocarbures ; et elle est fragile, comme l’ont montré les deux retournements brutaux de 2008 et 2014.

Toutefois, les électeurs russes ont des attentes à l’égard de ce « Président de la prospérité » : ils lui sont reconnaissants d’avoir limité la visibilité des oligarques mais ils souhaitent une réduction des inégalités. Ils reconnaissent qu’il a maîtrisé la crise récente du rouble mais s’inquiètent de leurs prestations sociales dont le niveau est encore limité.

La restauration du statut international et la lutte contre le terrorisme

Enfin, les électeurs russes ont été sensibles au redressement de l’image de la Russie sur la scène internationale. Depuis l’ère Eltsine marquée pour l’électeur russe par l’humiliation internationale, les présidences Poutine ont représenté un tournant.

Depuis les années 2000, la Russie s’est réaffirmée sur la scène internationale : en créant avec le Brésil, l’Inde et la Chine l’organisation des BRICs et en structurant avec la Chine l’Organisation de Coopération de Shangaï.

Elle a aussi de plus en plus fait pièce à l’influence américaine en s’opposant à sa présence en Asie centrale, en Europe et au Moyen-Orient. La contestation du bouclier antimissile, le renforcement de la présence militaire russe dans la Baltique, le plan de modernisation des forces armées lancé en 2009, la guerre en Géorgie (2008), la guerre en Ukraine et l’intervention en Syrie sont autant de réaffirmations des intérêts russes, de la puissance russe et de la capacité à se projeter à l’extérieur. Là encore, ce qui inquiète les Occidentaux est précisément ce qui renforce la candidature Poutine à l’intérieur du pays.

Le 18 mars 2018, jour anniversaire du « rattachement » de la Crimée à la Fédération de Russie et premier tour des élections présidentielles russes, les Européens ne devront pas s’étonner de la réélection d’un candidat qu’ils adorent détester.

A lire aussi : Le disque de Vladimir Poutine est-il rayé ?

Sur le web-Article publié sous licence Creative CommonsThe Conversation

  1. Maître de conférences, Sciences Po – USPC, Cyrille Bret dirige le site Eurasiaprospective.
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  • pas d’opposition , mais aussi un poutine qui ne s’en laisse pas compter , ne se laisse pas manipuler , n’ai pas tenu en laisse comme certains dirigeants européens que je n’ai même pas besoin de nommer …..et ce type aime viscéralement son pays….. et les russes le savent ;

    • Oui Poutine est sans doute ce qu’il y a de mieux pour la Russie actuellement. Après la chute du communisme et les années Eltsine, les russes éprouvent le besoin de se reconstruire une identité. Quoi de plus normal ! Sur bien des aspects Poutine est une sorte de De gaulle à la russe. Le plus dur sera de gérer « l’après », on a vu le résultat en France.

      • Sauf que cela ne lui donne pas le droit d’attaquer les pays voisins pour rétablir l’Empire Russe: Géorgie, Ukraine. De plus c’est un type corrompu jusqu’à la moelle, le chef de la mafia russe.

        • Oui bon on peut discuter du renforcement de la zone d’influence de la Russie, de certaines méthodes du régime mais comme pour toute chose il faut faire la balance bénéfices / inconvénients, de manière global, dans le contexte actuel. C’est comme ça le monde réel !

          • et puis on a ce réflexe de penser bloc est et bloc ouest,avec les méchants bolcheviks et les gentils capitalistes..on y voit une dictature sans vraiment se rendre compte qu’on ne vit meme pas en démocratie dans notre propre pays (restrictions des libertés de plus en plus sévère,mode de scrutin et matraquage fiscal de tous bords)

        • Cher Monsieur, vous semblez vous égarer, l’injure salit plus la bouche que l’oreille……
          (ou, quelqu’un aurait-il piraté votre noble pseudo??)

        • On vous a peut-être aussi caché que c’est la Président Géorgien (aujourd’hui en ƒuite) qui a ouvert le ƒeu contre la Russie?

          • Les mensonges des communistes nostalgiques de l’URSS qui de plus sont ignorants de ce qui se passait en Géorgie et répètent bêtement les excuses bidons des tueurs du Kremlin. Qui a signé un pacte avec Hitler, attaqué la Pologne dans le dos et les 3 pays baltes, massacré leurs élites, attaqué la Finlande en 1940, réprimé les révoltes en Allemagne de l’est, Pologne, Hongrie, envahi la Tchéchoslovaquie, l’Afghanistan.
            La Géorgie le fut uniquement parce que Poutine veut rétablir l’Empire Russe. Il ne s’en cache pas et ne cesse de le dire et répéter. Mais les idiots n’écoutent pas ou préfèrent ne pas le savoir!

  • Des informations passées sous silence de la presse occidentale : Des brigades des forces spéciales Ukrainiennes sont postées dans les lieux où se réunisse la population d’origine Russe et devant les bureaux de vote interdisant l’accès… Joli pour un pays qui frappe à la porte de l’UE !

    • Bonjour,
      Personne ne peut vraiment se dire étonné, quand on voit les « gentils » miliciens de Secteur Droit défiler fièrement dans les rues.
      Et les « honnêtes » députés à la Rada (si, si, il y en a qui ne sont accusés d’aucun trafic criminel) voter à coups de poings presque chaque semaine.

    • Vous n’êtes pas obligé de répéter bêtement la propagande calomnieuse de Moscou!
      Je suis étonné de voir dans une revue libérale les lecteurs soutenir un dictateur, ancien colonel du KGB.

      • « Je suis étonné de voir dans une revue libérale les lecteurs soutenir un dictateur, ancien colonel du KGB. »


        @Virgile : La Trump-mania des lecteurs, que je ne vous ai jamais vu critiquer, aurait pourtant déjà dû vous alerter sur leur libéralisme à géométrie variable. Bien que Trump n’est pas un dictateur (et ne peut pas le devenir en l’état actuel des choses), il ne cache jamais son faible pour les régimes autoritaires.

        • Vous pouvez me dire ce que Trump vient foutre dans cette affaire? Il s’agit de Poutine, et de ce que le colonel du KGB continue de faire comme il en a pris l’habitude du bon temps de l’URSS où il s’occupait de traquer les dissidents!
          Question mania il semble que la votre pour un dictateur est claire.

      • C’est le pire des chefs d’Etat qu’on puisse imaginer pour la Russie, à l’exception de tous les autres.

  • Alexeï Navalny a été interdit d’élection peut-être avec un motif bidon… Mais comme le reste de l’opposition il ne représente qu’environ moins de 15% à Moscou dans les 8% à Peterbourg et moins de 1% dans le la Fédération de Russie.
    À mon avis (qui n’engage que moi) il est mieux à l’extérieur des castes au pouvoir car ses reportages déclenchent des enquêtes judiciaires et presque à lui seul, il joue le rôle de notre « Canard déchaîné » !

  • Forcément ses adversaires sont assassinés. Il ne parvient pas à se débarrasser de sa mentalité de colonel du KGB.

  • La démocratie occidentale qui se résume à une majorité d’imbéciles s’arrogeant le droit de commander une minorité d’intelligents n’est pas non plus la panacée des libertés. Alors pourquoi critiquer Poutine qui a une Opposition en face de lui?

  • Bonjour,
    Malgré Napooléon, les Russes adorent la France, la langue ƒrançaise… depuis des centaines d’années ; lui ont même donné Anna Iaroslavna, Reine des Francs de 1051 à 1060. En 1814 Alexandre 1° ƒut un vainqueur qualifié de « plus généreux des souverains ».
    MAIS la France n’a pas seulement été relevée par les U.s.A. après deux guerres mondiales, elle leur doit 80% de ses dépenses militaires ((inutiles)) en « Indochine ». Et aujourd’hui ils équipent toujours nos combattants, en £ybie, au Sahel…..
    Alors, comme disait le ƒondateur d’I.B.M., « Ce sont des services qui se paient ». Nous voilà réduits, par « Servitude volontaire » (ETIENNE de £a Boétie, 1574) à singer la haine viscérale de l’establishment u.s. contre nos voisins de l’Est qui ne nous menacent pas du tout…!
    Il ƒaudrait sérieusement réƒléchir à une question de base : Les dictateurs cubains, chiliens, coréens, l’apartheid en Aƒrique du Sud…… auraient-ils pu opprimer si longtemps des millions d’hommes, si La Superpuissance n’avait tout verrouillé, menacé, blocus, etc? Empêchant de toutes ses ƒorces les élections au Viêt Nam convenues à la Conƒérence de Genève en 1954, Imposant le retour du Shah en Iran contre le vote populaire, Pinochet au Chili…..
    Pas vraiment besoin de s’étonner que l’Europe ne soit bientôt plus qu’un sac de nœuds, un panier de crabes, un nœud de vipères. £es marchands de canons commencent même à trouver le temps long.

    • Quand Poutine dévoile ses nouvelles armes? Vous ne vous sentez pas grotesque de sortir ce genre de poncifs débiles?

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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