La réforme Blanquer, mythes et réalités

S’il n’y prend garde, au lieu de libérer, le ministre pourrait être en train de perpétuer le monopole asphyxiant de la rue de Grenelle.

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Jean-Michel Blanquer par René Le Honzec

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La réforme Blanquer, mythes et réalités

Publié le 22 février 2018
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Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

La semaine passée a été celle du triomphe pour Jean-Michel Blanquer. La réforme du bac a été saluée, son émission de télévision un succès et Le Point l’a même intronisé « vice-président » ! Le ministre de l’Éducation nationale est plébiscité et les projets qu’il porte applaudis.

Les défis restent toutefois immenses : les mesures annoncées, bienvenues, ne peuvent constituer qu’une toute première étape à une vraie réforme. Plus encore, s’il n’y prend garde, au lieu de libérer, le ministre pourrait être en train de perpétuer le monopole asphyxiant de la rue de Grenelle.

Un bilan symboliquement fort

Son bilan est, à ce jour, symboliquement fort. Par son discours, il marque une rupture franche (et salutaire !) avec le précédent quinquennat : valorisation de la transmission (y compris latin et grec), de l’autorité (interdiction des portables), de l’effort scolaire.

Par ses mesures, il introduit des nouveautés, comme le dédoublement des classes de CP. Le tout sans heurt : alors qu’au ministère, de nombreux fonctionnaires s’attendaient à une tornade, ils constatent que le ministre avance avec une extrême prudence et une tactique de sioux. La droite proteste car, pour accroître les moyens par ici, il faut bien les retirer par là ; mais elle n’a rien à proposer.

Si les buts poursuivis sont mobilisateurs, ces premières étapes ne peuvent être que les prémisses d’une réforme. Le toilettage du bac est bienvenu, mais les vrais problèmes portent sur les seize années d’éducation en amont. Plusieurs dispositifs sont intéressants mais la mise en œuvre pratique est parfois décevante : par exemple, le dispositif « devoirs faits » se limite à une poignée d’heures hebdomadaires, en grands groupes.

Une démocratie qui prétend prévenir plutôt qu’elle ne corrige, qui régule la liberté plutôt qu’elle ne sanctionne les abus

L’éducation frémit, mais on est loin de la révolution.

D’abord, le fonctionnement du ministère reste profondément centralisateur. Annoncer une dictée quotidienne en CP est populaire (sans être structurel) mais contradictoire avec le discours favorable à l’autonomie (dont on ne voit toujours aucun indice). Ensuite, et c’est plus inquiétant, les réformes en cours pourraient porter un coup sévère à la liberté scolaire – déjà fragile.

Candidats libres. L’instauration du baccalauréat en contrôle continu pose un premier défi. En l’état, les établissements privés (hors contrat) ne savent pas si leurs élèves pourront se présenter en candidats libres, ni comment. Qu’adviendra-t-il de tous les modes de scolarisation alternatifs (établissement privé, cours à la maison, etc.) s’ils doivent demain être homologués par la très conservatrice et monopolistique Éducation nationale ?

Écoles hors contrat

Le second défi vient du Sénat qui envisage de considérablement renforcer les conditions d’ouverture des écoles hors contrat (en France, une école ne peut prétendre au « contrat » qu’après cinq années d’existence).

Ce projet, qui bénéfice du silence du gouvernement, reprend un texte déjà présenté par Najat Vallaud-Belkacem (et censuré par le Conseil constitutionnel pour « atteinte disproportionnée à la liberté constitutionnelle d’enseignement »).

Son objectif, plutôt inavoué, est de réguler l’ouverture des écoles musulmanes, pour lutter contre celles aux mains des extrémistes, sans l’assumer publiquement.

Mais la solution pratique est asphyxiante pour toutes les autres. C’est un signe supplémentaire d’une démocratie qui prétend prévenir plutôt qu’elle ne corrige, qui régule la liberté plutôt qu’elle ne sanctionne les abus. Son effet sera évident : renforcer les barrières à l’entrée et le monopole de l’Éducation nationale.

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  • Et oui, les réformes Macron c’est beaucoup de com… sans corriger les problèmes de fond

  • A la lecture de ce papier bien ficelé on comprend bien que malgré la comm et un certain nombre de décisions qui vont dans le bons sens, Blanquer n’empêchera pas le mammouth de continuer à se précipiter dans le mur. Comme tout ce qui est initié par Macron on reste dans la comm et l’homéopathie…

  • Une réforme, c’est ce genre de truc d’état providentiellement obèse qui pousse le bouchon encore plus loin en ce qui concerne l’endoctrinement (écologie crasse, état omnipotent, religion dans le sens du poil, féminisme opportuniste, patriotisme aveugle, etc.)? Bref, le changement c’est pareil.

    A quel moment sera t-il question d’un retour au libre arbitre?

  • Le problème fondamental c’est la fascination des français pour le centralisme et le mythe égalitaire, tout le reste découle de cela…

    • @ Laurent
      Oui, Contrepoints et ses lecteurs-commentateurs sont « centralistes » et les Français, majoritairement « égalitaristes », en plus, détestent que d’autres jouissent de faveurs qui ne les concernent pas mais adorent bénéficier de privilèges dont tout le monde ne profite pas (les « statuts » spéciaux, e.a.).

      Ainsi « l’état » devient « Macron » comme sous Louis XIV!

      C’est Folklorique! Et ça se retrouve aussi sur le plan international où la France veut être considérée comme un pays à statut supérieur aux autres: ses performances actuelles ne justifient pas ce désir!

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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