Par Caroline Diard.
Un article de The Conversation
Depuis la remise au Premier ministre du rapport de la mission sur l’avenir du transport ferroviaire, dirigée par Jean‑Cyril Spinetta, l’insatisfaction gronde chez les cheminots, qui ont prévu une journée de mobilisation le 22 mars pour exprimer leur mécontentement.
Les rapporteurs préconisent en effet ni plus ni moins la fin du statut des cheminots : les nouveaux embauchés n’en bénéficieraient plus. Parmi les propositions phare du rapport figurent également la possibilité de recourir (de façon temporaire) à des procédures de départs volontaires, ainsi que la fin de l’avantageux régime de retraite. La remise de ce rapport a lieu quelques mois après que le président Macron a demandé à la SNCF, en juillet 2017, « d’aller plus loin sur les réformes, le statut, la mobilité, le régime de retraite », lors de l’inauguration de la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes.
S’attaquer au régime spécial de la SNCF, réformer le statut privilégié des cheminots, c’est combattre une forteresse. Et même si l’on accepte l’argument du rétablissement de l’équité, ce rapport interroge néanmoins sur le fond, et notamment sur la notion de régime spécial.
Qu’est qu’un régime spécial ?
Les régimes spéciaux concernent la protection sociale et la retraite. Le régime de sécurité sociale que nous connaissons a été créé par les ordonnances de 1945. Il est aujourd’hui encore constitué de 4 blocs :
- Le régime général ;
- Le régime agricole (Mutualité sociale agricole – MSA) ;
- Le régime des travailleurs non salariés et non agricoles (Régime social des indépendants – RSI) ;
- Les régimes spéciaux de salariés et de fonctionnaires.
Constitués avant la naissance de la Sécurité sociale, les régimes spéciaux ont été maintenus par le décret du 8 juin 1946, (aujourd’hui articles L 711-1 et R 711-1 du Code de la sécurité sociale). Ils se limitent à la protection d’une seule profession (par exemple régime des marins, des militaires) ou à une entreprise (SNCF, RATP…).
Au sein de ces régimes spéciaux de retraite, on distingue :
- Le régime spécial de la fonction publique (fonctionnaires civils et militaires) ;
- Le régime des entreprises et établissements publics ;
- Les autres régimes réunis autour d’une profession ou d’une entreprise.
Le régime de la SNCF
Il s’agit d’un régime spécial d’entreprise. Mis en place en 1909, il concerne 150 000 agents environ. Régime dérogatoire, il permet aux cheminots d’obtenir une pension dont le montant est calculé de la même manière que celle des fonctionnaires, en faisant la moyenne du salaire perçu lors des six derniers mois d’activité avec un taux de pension de 75 %. Pour les salariés du régime général, le calcul se fait sur la moyenne des 25 années les plus avantageuses de la carrière.
L’âge de départ à la retraite diffère également. Il est de 62 ans dans le régime général, alors qu’un agent « sédentaire » de la SNCF peut espérer prendre sa retraite entre 55 et 57 ans. Les agents « conducteurs » peuvent partir entre 52 et 57 ans. Le dernier rapport 2017 sur les retraités et les retraites établi par le service de statistiques du ministère des Affaires sociales (DREES) révèle une pension moyenne brute de 2 100 euros environ pour les cheminots, contre 1 376 euros pour les salariés du régime général.
Ce régime spécial a toutefois déjà été modifié. La réforme des retraites de 2008 a en effet entériné une hausse de la durée de cotisation, de 37,5 années à 41,5 années à partir de 2017. Enfin, le taux de cotisation augmenté, passant de 8,52 % de leur rémunération en 2017, à 10,95 % d’ici 2026.
La promesse de campagne : une brèche ouverte
Une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron était de supprimer les régimes spéciaux. Le rapport Spinetta ouvre la voie. Il s’agirait de réformer le régime de retraite et de remplacer progressivement les collaborateurs bénéficiaires d’un statut spécifique par des salariés de droit privé, comme cela a déjà été fait à La Poste et chez Orange. L’immunité est levée sur les privilèges souvent reprochés aux cheminots. De ce régime qu’avons-nous donc à garder ?
Emmanuel Macron a annoncé le report de sa réforme des retraites pour 2019. Pendant sa campagne présidentielle, il avait promis le remplacement des régimes spéciaux par un système universel de répartition, où un euro cotisé garantirait à tous les mêmes droits de pension.
Dans son discours à la Cour des comptes, lundi 22 janvier, c’est en tant que président de la République qu’il a réitéré cette volonté. La réforme « devra permettre de passer des 37 régimes actuels à un régime simplifié et lisible », a-t-il martelé, avant de vanter un « grand choc de lisibilité et de simplification ».
Le souhait du gouvernement est désormais de mettre en place des consultations citoyennes dans le but d’intégrer la société civile aux débats, pour éviter les manifestations. L’idée est donc d’aller beaucoup plus loin que la réforme de 2010. Cette réforme, qui a mis en place un recul progressif de l’âge de départ à la retraite, avait en effet provoqué la mobilisation de plusieurs millions de manifestants pendant plusieurs jours.
Le mois de mars sera donc celui de tous les dangers. Les syndicats, particulièrement bien représentés à la SNCF, devraient réussir à mobiliser contre la fin d’un régime spécifique très avantageux.
Caroline Diard, Professeur associé en Management des Ressources Humaines et Droit – Laboratoire Métis, École de Management de Normandie – UGEI
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Article incomplet qui ne précise pas la situation des professions libérales Macron vise clairement leurs cagnottes) ni ne précise que l’assiette est souvent différente entre régime général et régime spécial (avec ou hors prime). Sans parler de la préfon et du RAFP.
Transformons au moins que tous les salariés soient à la même enseigne, quelle que soit la nature de l’employeur.
A noter que ce sont les plus virulents partisans de l’égalité, la gauche et ses syndicats, qui défendent véhémentement les privilèges des régimes spéciaux! Bon, mais ce sont des français et de gauche en plus!
Juste un point de détail:
“Il s’agit d’un régime spécial d’entreprise. Mis en place en 1909, …”
La SNCF a été fondée en 1938.
Ce régime a bien été créé en 1909.
Je suis prêt à leur conserver certains avantages mais il faut qu’il y ait des contreparties comme interdiction de faire grève, par exemple. Mais on ne peut pas à la fois avoir des avantages monstrueux et ne pas avoir de contrepartie en face pour être au service du public…
Sachant que ce sont les contribuables qui paient la moitié (au moins) des pensions de ce régime, le passage de 37 à 41 annuités siginifie que les impôts vont encore augementer.
Bonsoir,
Voltaire écrivait ceci, dans “£e Mondain”,
“Certes, un miracle est bon, mais, soulager son Æ’rère,
“Mais tirer son ami du sein de la misère,
“Mais, Ã ses ennemis, pardonner leurs vertus,
“C’est plus grand qu’un miracle, et ça ne se Æ’ait plus”.
Il y a 20 ans,
Monsieur Spinetta a tendu un traquenard mémorable au transporteur national, Air France, en décidant UNILATÉRALEMENT de réduire d’office “les scandaleuses rémunérations” des pilotes de ligne ; pourtant régulièrement enregistrées dans leurs contrats d’embauche.
C’est plus que disgracieux.
C’était TOTALEMENT ILLÉGAL.
Voir art. 1134 c.civil
L’article 1135 précise, en plus, qu’il est interdit d’autoriser la révision unilatérale d’un contrat.
Et toute la jurisprudence, depuis le célèbre Arrêt “Canal de Craponne” a rejeté la révision judiciaire de contrats rédigés sans ambiguïté.
Evidemment, son piège a ƒonctionné, les intéressés ont dénoncé la brutalité du procédé en cessant le travail.
Monsieur Spinetta s’est alors lancé dans des Philippiques de Vierge (Marianne) effarouchée en accusant les pilotes de couler volontairement la Coupe du Monde de Æ’ootball, en bloquant le transport des supporters étrangers.
Il va donc Æ’alloir beaucoup de vertu aux Syndicats ((s’il les consulte…)) pour négocier, en conÆ’iance avec Monsieur Spinetta, quelles que soient les qualités de son projet.
Certes. Et alors? Ce n’est que la conséquence d’un droit du travail rigide et étouffant, ne permettant aucune concession même si une entreprise est en train de couler et, en même temps, les effets d’un capitalisme de connivence qui permet à ceux qui en profitent, de s’affranchir des règlements. Le système français à l’état pur.
L’autre solution aurait été de couper tout lien avec l’Etat français puis de laisser la boite s’enfoncer dans les déficits ensuite de la déclarer en faillite, de virer tout le personnel , de faire racheter les restes par un repreneur étranger (si on en trouve un) qui aurait réembauché une partie du personnel mais à un salaire nettement inférieur avec un contrat de travail type compagnie low cost. Cela aurait moins coûté au contribuable.
Détourner l’attention vers M. Spinetta ne réduit en rien la gabegie de la SNCF, un scandale pour le contribuable et l’usager. Vous parlez de légalité du maintien des contrats, mais un contrat qui engage l’argent du contribuable ou celui de l’usager prisonnier d’un monopole sans lui demander son avis est illégitime par construction. Je n’ai aucune sympathie pour Spinetta, mais j’en ai encore moins pour les maîtres-chanteurs que sont les pilotes d’Air France et les cheminots.
A une époque, quand il y avait un plan social chez Air France concernant les personnels au sol, les syndicats de pilotes le signaient.