Chômage, maquiller ou changer la réalité

Un pays où le taux de chômage n’est plus repassé sous la barre des 4,5 % de la population active depuis 1978 ne peut pas faire l’économie de comparatifs, même quand ses résultats ne font pas plaisir.

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thermomètre credits calina olavarria (licence creative commons)

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Chômage, maquiller ou changer la réalité

Publié le 9 février 2018
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Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari

Nombre d’indicateurs et de classements internationaux pointent le mauvais rang de la France en matière de marché de travail. Même s’ils sont loin d’être parfaits, leur convergence montre la réalité de la situation. Et plutôt que d’atténuer l’impact négatif de cette mauvaise performance, les autorités politiques devraient mener une véritable réforme.

Connu sous le nom de Doing business, le rapport annuel de la Banque mondiale classe 190 pays en fonction de la facilité qu’il y a d’y faire des affaires. Comme tout indicateur comparatif, il suscite un grand nombre de critiques, en l’occurrence d’autant plus importantes que cet indicateur a été dès le début un gros succès. Ces critiques n’ont pas laissé l’indicateur indemne.

Il est clair que tous les benchmarks présentent un inconvénient majeur, celui de passer sous silence tout ce qui n’est pas ou difficilement mesurable. Il est cependant regrettable que sous la pression de certains pays mal classés, dont la France, un domaine d’un indicateur fondamental ait été abandonné.

Au début, personne n’était content

Comme l’explique Siméon Djankov, créateur du projet Doing Business en 2003, l’étude est extrêmement populaire. À ce jour, dans sa quinzième édition, les données de la Banque mondiale auraient été citées dans plus de 3000 articles académiques et plus de 7000 documents de travail en économie et en sciences sociales.

Le rapport semble avoir une influence importante sur les décideurs politiques. Djankov témoigne de sa surprise de constater à quel point ceux-ci prêtent attention au classement de leur pays. Il relate qu’au début personne n’était content. Les autorités publiques jugeaient avoir été mal classées alors que le secteur privé jugeait la situation pire.

Reste qu’après des réactions parfois très vives de la part d’un certain nombre de gouvernement, la réaction a souvent été : « tentons d’améliorer notre rang ». Mais pas toujours.

À ce jour, la régulation du marché du travail n’entre plus dans la moyenne des scores réalisés à partir des 10 autres domaines qui incluent la création d’entreprise, l’obtention des permis de construire, l’obtention d’un prêt, etc. Elle figurait bien dans l’indicateur à l’origine, mais a été retirée en 2012 sous la pression de pays comme la France.

Un problème français

Cette exclusion est pour Djankov injustifiable. Ce domaine devrait, selon lui, être réintégré par la Banque mondiale au calcul global. Son approche fait des émules. À la fin de l’année dernière, le Lithuanian Free Market Institute (LFMI) a décidé de relancer ce volet qui avait disparu de l’indicateur, en le rebaptisant Indice de flexibilité de l’emploi 2018.

Sans grande surprise, la France arrive dernière parmi les 41 pays de l’OCDE classés. D’autres indicateurs, comme celui du Forum économique mondial, confirment ce résultat. Dans l’édition 2017-2018 de leur Global Competitiveness Forum, le marché du travail français est en 56e position sur 137 pays avec un classement en 133e position pour ce qui est des possibilités d’embauche et de licenciement.

Du côté des instances européennes, même constat : dans leurs prévisions sur le taux de chômage en 2018 (9,3%) et 2019 (8,9%), seuls Chypre, l’Italie, l’Espagne et la Grèce pourraient faire pire. On le voit, les indicateurs convergent. Tout le monde sait que le marché du travail est un point noir en France, y compris le gouvernement actuel qui y a consacré sa toute première grande réforme.

Casser le thermomètre

Au-delà du jugement que l’on peut porter sur ces tentatives de casser le thermomètre quand il n’indique pas les bons résultats, il est clair que les indicateurs doivent toujours être analysés avec beaucoup de prudence. Ils sont, en effet, le fruit d’une vision extrêmement simplifiée de la réalité et surtout ils ne tiennent pas compte de ce qui n’est pas mesurable.

Or, on aurait tort de penser que ce qui n’est pas mesurable n’existe pas. Le marché noir prospère dans nombre de pays et, pourtant, il est bien difficile de le mesurer. Il n’empêche que depuis les travaux de Hernando de Soto sur l’économie informelle, cette dimension a fait l’objet d’études et d’analyses pour en comprendre la logique et trouver les moyens de la rendre formelle.

Plus généralement, tout ce qui n’entre pas dans un échange monétaire est difficile à mesurer et cela n’en diminue pas pour autant l’importance. Au sein de communautés associatives, caritatives, familiales et autres, les échanges sont pléthore et on ne saurait sous-estimer leur importance.

J’irai plus loin en affirmant qu’il faut toujours veiller à l’impact de la mesure comparative sur l’existence de ces communautés. Car lorsque la mesure a un objectif politique, elle peut évidemment leur bénéficier ou leur nuire.

Un taux de chômage qui n’est pas repassé sous les 4,5% depuis 1978

La chose n’est pas facile. Il y a une sorte de tension entre le besoin de mesurer les choses et l’impossibilité de quantifier des dimensions essentielles de la vie. Il n’en demeure pas moins que dans le cas du marché du travail, il est difficile de justifier l’absence de baromètre performant. Un pays où le taux de chômage n’est plus repassé sous la barre des 4,5 % de la population active depuis 1978 ne peut pas faire l’économie de comparatifs, même quand ses résultats ne font pas plaisir.

Espérons que la réforme du marché du travail en cours permettra de changer la donne. Elle pourrait permettre à la France d’abandonner sa position de mauvais élève. Si c’est le cas il est tout à fait possible que le volet « marché du travail » soit réintégré à l’indicateur de la Banque mondiale.

Ce baromètre retrouverait tout son sens et, surtout, un nombre significatif de chômeurs auraient enfin l’opportunité de retrouver un emploi… Une bonne nouvelle dans un pays qui prône l’égalité et la fraternité, mais organise depuis trop longtemps la dualité du marché du travail.

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  • Excellent article ! Et le développement du travail au noir qui ne peut se mesurer est devenu tout un pan significatif de l’économie française. Mes connaissances (artisans) se plaignent même que la demande en travail en noir est trop importante car elle ne leur permet pas de donner des rémunérations suffisantes (en fiche de paye) à leurs employés ou apprentis.

  • d’aprés  » Le Monde  » il y aurait eu 566 000 travailleurs détachés sur le térritoire français en 2017 ; Plus d’un demi million ; c’est donc qu’il y a du travail dans ce pays ; mais qu’il n’y a pas grand chose de fait pour le rendre plus attractif pour les petites et moyennes entreprises au vu du montant des charges sociales pour les entrepreneurs ;

    • Il sera intéressant de noter que bcp de travailleur détachés… sont francais.

      En fait, le problème de travailleur détaché c’est que cela crée un dumping social : les règles ne sont pas les mêmes pour tous.

      Bien sur, dans une théorie libéral, on dirait qu’il faut harmoniser (vers le bas) en supprimant tout les « freins » : suppression du SMIC, suppression des charges (donc de la sécurité social, du chômage, de la retraite, ect…) .

      En fait, ce que vous nous dites, c’est que moins les entreprises payent plus elles pourrons embaucher. Notez que si je payais 0€ par mois mes employés je pourrai embaucher la terre entière.

      En fait, loin de l’idéologie, le problème est de savoir dans quelle cadre économique voulons-nous faire la concurrence. Il n’est en rien difficile de recourir aux esclaves, mais peut-être pouvons nous être intelligent et dire qu’il faut interdire cette pratique (la liberté des uns peut entraver la liberté des autres donc de l’ensemble).

  • « Un pays où le taux de chômage n’est plus repassé sous la barre des 4,5 % de la population active depuis 1978… Espérons que la réforme du marché du travail en cours permettra de changer la donne. »
    Voilà un vœux pieux et agaçant, tant il est lassant de continuer à lire cette doxa qui essaye de faire croire que c’est en réformant le marché du travail que l’on résoudra le problème du chômage en France. S’il y a une amélioration ça ne sera qu’à la marge parce que le seul levier d’amélioration sérieux c’est la baisse drastique de la dépense publique et donc des impôts et taxes qui fera démarrer l’investissement des entreprises qui alors et alors seulement embaucheront en CDI… Le reste est de l’enfumage…

  • Sauf que l’on sait déjà que rien ne sera fait, puisqu’il est hors de question de réduire les dépenses et les impôts d’après notre président socialiste!

  • Je pense que la chômage est un indicateur obsolète. Il faudrait plutôt un indicateur sur les salaires.

    En effet, on peut être théoriquement « embauché » à 0€/mois et ainsi dire qu’on a le plein emploi.

    Ce que les gens entendent par « avoir un emploi » c’est « avoir un salaire » donc la vrai chose à mesurer c’est la quantité d’argent gagné par chacun.

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