La réforme de l’État, vraiment une révolution ?

Les annonces du gouvernement sur la fonction publique marquent une première étape dans la réforme de l’État. Elles sont révélatrices de son objectif : préserver l’État-Providence et ses structures.

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La réforme de l’État, vraiment une révolution ?

Publié le 8 février 2018
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Fin 2016, alors qu’il engageait sa campagne, Emmanuel Macron publiait Révolution. Depuis, la forme présidentielle a changé : le moi-soleil jupitérien a remplacé le président corrézien que poursuivaient les averses et qui attirait sur lui les tempêtes.

Des réformes ont été votées : enfin, elles accélèrent des mouvements engagés lentement lors des précédents mandats ! Pour autant, la « rupture » avec le modèle d’État providence, instrument de redistribution et de contrôle de la société, n’est pas venue.

En matière de réforme publique, Édouard Philippe avait d’ailleurs commencé par se perdre dans une intense modération technocratique. À l’Assemblée, en juillet, il déclarait : « Notre objectif n’est pas […] de baisser la dépense publique, mais de la maîtriser ». Ainsi, le budget de l’État ne prévoit une baisse que de 1 600 postes en 2018 (sur 2,4 millions, soit 0,07 %).

Des annonces intéressantes

Puis, le 1er février, le Premier ministre a fait quelques annonces intéressantes. La plupart s’inscrivent dans la continuité des projets trop timidement engagés jusqu’à maintenant : prime au mérite, incitation à la reconversion professionnelle, recours aux contractuels (tout cela rappelle l’esprit du rapport Silicani en 2008), etc.

Le gouvernement propose de les accélérer avec énergie, pour atteindre 120 000 suppressions de postes (5 % des effectifs de l’État, 2,2 % des fonctionnaires en général). C’est une dynamique salutaire qui s’engage : aucune baisse de la dépense publique n’est possible si le nombre de fonctionnaires ne baisse pas.

S’il faut s’en féliciter, il reste des pistes à explorer.

Services publics. D’abord, le gouvernement parle réforme de l’État, mais pas des services publics. Il se demande comment rationaliser l’utilisation des moyens (c’est déjà énorme !), mais pas comment transformer par là même les prestations que la collectivité rend aux citoyens.

Gérald Darmanin explique comment économiser quelques euros ; mais pas si, ni comment, les habitants des zones rurales bénéficieront demain de prestations de qualité. Il dit que des services seront restructurés, mais pas si, ni comment, certaines prestations pourraient être proposées par un secteur privé ou un univers numérique plus efficace et économe.

Le cœur des blocages

Ensuite, à ce jour, le gouvernement ne s’attaque pas au cœur des blocages : la caste des « grands corps » qui, passant de grandes directions publiques en grandes responsabilités privées, contrôlent de nombreuses décisions, dans une connivence silencieuse.

Un rapport de l’ENA de 2015 montrait que 76 % des inspecteurs des finances font un tour dans le privé (un tiers y reste), comme 45 % des auditeurs de la Cour des comptes (20 % y restent) et 38 % de ceux du Conseil d’État (11,5 % y restent), soit considérablement plus que leurs camarades de l’ENA.

Le gouvernement ne propose strictement rien de réel à leur sujet. La noblesse d’État reste protégée. Est-ce une pure coïncidence si le Président est inspecteur des finances et le Premier ministre conseiller d’État ?

Les annonces du gouvernement sur la fonction publique marquent une première étape dans la réforme de l’État. Elles sont révélatrices de son objectif : préserver l’État-Providence et ses structures.

Elles le sont également de sa méthode : avant d’être élu, Emmanuel Macron avait promis de «disrupter» : il l’a fait dans sa conquête du pouvoir ; mais dans son action gouvernementale, le changement est incrémental. Il faut dire qu’en astronomie la révolution de Jupiter prend 11,8 années…

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  • la 1ere chose à faire ..remettre a plat l’impôt …supprimer les niches fiscale…
    aussi que les dépenses publique ….
    réduire les députés et sénateurs très simple à faire ….2 députés et 2 sénateurs par département ..
    supprimer le conseil économique et social…aucun intérêt. …
    pour l’emploi mettre le taux d’entreprise à 15% l’impôt des sociétés.. .
    tout fonctionnaire se présentant député ou sénateur ou rejoindre le secteur privé doit démissionner. ..il faut choisir …les conflit d’intérêts. ..interdiction des hauts fonctionnaires de Bercy d’ouvrir un cabinet d’avocat …ou entreprises ..trop faciles …
    interdictions des préfets à la retraite de servir dans les entreprises privée. .carnet d’adresse y compris les fonctionnaires de la justice..

    • « tout fonctionnaire se présentant député ou sénateur ou rejoindre le secteur privé doit démissionner. »
      J’inverserais le sujet: »tout individu entrant dans la fonction publique devient de fait inéligible »

      • Il ne faut pas abuser mais peut-être faut-il limiter le nombre de fonctionnaires dans les élus (au pourcentage qu’il représentent) et surtout inscrire dans la constitution la limite d’âge (à moins de 70 ans en fin de mandat) et le nombre de deux mandats maximum autre que communal.

  • A propos de « caste des grands corps », il faut faire la part des choses.
    Nous sommes passés en quelques décennies de ce qu’on appelait la « mafia polytechnicienne » (Mines, Ponts-et-Chaussées voire Inspection des Finances), qui certes verrouillait un peu trop les postes de responsabilité prestigieux mais au moins était peuplée d’esprits rationnels et compétents, à un ramassis énarchique surtout expert en bavardage mais souvent incapable de comprendre la matière qu’il est chargé de contrôler (Conseil d’Etat, Cour des Comptes, Inspection des Finances, Industrie).

    Il est certes absurde de fermer le recrutement des « élites » par une logique de caste mais c’est encore plus consternant quand ladite caste n’est même pas capable de coopter des membres raisonnablement compétents.

    • Pour mc2,
      Le corporatisme est un mal franco-français dans les grosses boîtes, les collaborateurs embauchés par un chef de service sont à 80% issus de l’école d’où il a effectué ses études, ce n’est pas seulement une maladie (contagieuse) de X, Ponts, Mines ou encore ENA.

  • « objectif : préserver l’État-Providence »
    Un jour il faudra bien que le monde politique ait le courage de dire haut et fort qu’il est impossible de réduire les prélèvements obligatoires sans raboter la protection sociale, il en va de la compétitivité de toutes les entreprises Françaises privées.

    • « raboter » n’est pas le mot que j’aurais utilisé, j’aurais dit « rationaliser », ce qui est bien plus insupportable par tous ceux qui se goinfrent sur cette irrationalité.

    • « objectif : préserver l’État-Providence »
      Le problème c’est que « l’État-Providence », aujourd’hui n’est plus que pour nos très chers (au sens onéreux) élus et certains fonctionnaires.

  • Kansas beat de lou17 ..vous avez raison…merci …ils s’enrichissent sur le dos des citoyens…la vie est belle pour eux…
    ensuite tout élus. .conflit d’intérêts,abus bien sociaux enrichissement personnel…doit être inéligible à vie ..déchu de leur droit civique et administratif …ils doivent être exemplaire….
    trop facile de de critiquer la délinquance. .!!!

  • Kansas beat de lou17 ..vous avez raison…merci …

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