Violences à l’école : la belle direction que prend l’EdNat

La violence à l'école atteint des seuils inquiétants mais au vu des rapports de certains élus, on n'est pas prêt de sortir de l'ornière...
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Violences à l’école : la belle direction que prend l’EdNat

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 février 2018
- A +

Et s’il y avait quelque chose d’un peu pourri au Royaume de l’Ednat ? C’est en tout cas la question que semblent (enfin ?) se poser certains politiciens. Et là réside un danger puisqu’à chaque fois qu’un de ces êtres étranges se pose des questions, forte est la probabilité qu’il y réponde par une ânerie assez invraisemblable.

Cette fois encore, ça n’a pas loupé. Certes, lorsque le politicien est fraîchement élu, la gamelle est bien plus facile à prévoir et lorsque, de surcroît, il s’agit d’Aurore Bergé, cette politicienne dont le plan de carrière a été entièrement bâti sur le retournement de veste supersonique et le changement de bord politique par saut quantique, il était absolument certain que toute question posée aboutirait à une réponse effarante.

Et c’est donc avec consternation que nous lisons la réponse à la question « Comment restaurer la confiance entre les familles et l’institution scolaire ? » que se sont posée Aurore Bergé et Béatrice Descamps dans les conclusions de leur « mission flash » sur les relations école-parents.

Vingt-neuf pages n’étaient pas de trop pour déclencher l’hilarité sur un sujet pourtant aride et dont les tenants et aboutissants sont lourds de conséquences pour des millions de citoyens français, sans même évoquer l’avenir du pays que l’institution dont il est question est censée préparer. Grâce à la palpitante prose de la député, nous découvrons toute une tempête de nouveaux domaines où la créativité politicienne va pouvoir s’exprimer : depuis la création de médiateurs école-parents jusqu’à la réflexion sur (je cite) « l’architecture scolaire pour créer les conditions d’une mise en application rapide de l’espace parents » en passant par la « semaine du goût » ou la « rentrée en musique », tout est fait pour rendre hilarante la lecture de ce rapport.

Finalement, de l’exercice qui consistait à analyser les problèmes que rencontre l’institution scolaire et y apporter des solutions opérationnelles, tout semble avoir été fait pour le transformer en une sorte de pignolade olympique incluant sur la fin un furieux syndrome de canal carpien.

Si l’idée de base était de continuer à transformer avec application l’école en une espèce de grande garderie conviviale, écoconsciente et hyperinclusive, c’est réussi. Si l’idée était de s’atteler à résoudre les graves problèmes que l’institution rencontre, c’est un ratage chimiquement pur, parfait et qui peut assez sûrement servir d’étalon.

Sans surprise, la réaction des enseignants devant ce salmigondis de niaiseries ne s’est guère fait attendre : ils se sont payé la tête d’Aurore Bergé, en notant que d’eux ou d’elle, ce n’était pas eux qui étaient les plus détachés de la vie réelle.

Il faut dire qu’il y a comme un écart entre les bonnes intentions gluantes proposées par l’élue et cette fameuse réalité qu’un nombre croissant d’enseignants se paye en pleine poire lorsqu’ils doivent faire classe dans certains établissements.

Outre la chute du niveau général, que j’ai déjà évoquée (notamment dans ce billet), et qui n’en finit pas d’inquiéter un peu tout le monde à l’exception des turbopédagogues de l’institution elle-même, c’est aussi la question de la discipline minimale et nécessaire dans les établissements républicains d’enseignement qui revient de plus en plus souvent dans l’actualité.

Cela fait un moment que la « violence à l’école » n’est plus un thème réservé aux films d’auteurs et aux documentaires poignants d’une certaine catégorie de chaînes de télévision publique. Il a trouvé une place récurrente dans la rubrique « Chiens et élèves écrasés » de la plupart des journaux. On s’habitue apparemment à tout, même à l’insupportable ; tout est question de dose, je présume.

Alors, petites doses après petites doses, on ne s’étonnera même plus de l’introduction, discrète, planifiée et assumée, de la police directement dans certains établissements. L’excuse servie ici d’une présence policière pour rassurer en cas d’attaque terroriste est du même humour que les saillies de Bergé dans son rapport.

On ne s’étonnera pas plus de trouver un corps enseignant en grève ou en protestation devant l’accumulation de problèmes non réglés dans les établissements, à commencer par les bagarres, les insultes, les intimidations et bien plus encore. Si le cas défraye un peu la chronique actuellement (avec quelques petits mouvements académiques consécutifs histoire de donner le change), il ne faut pas perdre de vue que les cas similaires, un peu partout, sont légion ; comme on l’admet de guerre lasse, si le cas de ce lycée fait parler, c’est parce que les faits ont dépassé le seuil du tolérable : manifestement, les ateliers « Cuisine du Monde » et la « médiation parents-école dans une architecture adaptée » n’ont pas suffi à empêcher les us et coutumes de la Cité avoisinante de déborder dans l’établissement avec armes et bagages (littéralement).

Zut, les choses ne sont pas aussi faciles que le laissent penser les mignons rapports parlementaires qui se succèdent. Et flûte, la situation ne semble même pas être récente. Et crotte, ça commence à se voir même dans la presse.

Pas étonnant, dès lors, que le corps enseignant soit à ce point remonté contre l’élue et ses propositions ridicules. Pas étonnant qu’il réclame, comme à son habitude, des moyens, des sous et de l’argent pour arriver au bout du fléau qui s’étend doucement.

Cela posé, il existe malgré tout un angle mort. Il y a bel et bien une petite déconnexion des enseignants avec la réalité : la situation n’est pas survenue par hasard et ce qu’on observe actuellement est bien le résultat logique de décennies de dégradations systématiques de la discipline, de la relation entre parents, enseignants et établissements, de la perte progressive de repères de tous les acteurs auxquels on n’a pas cessé, pourtant, de demander leurs avis.

Cette dégradation n’est pas un hasard. Oh oui, bien évidemment, les élus sont directement responsables avec les tombereaux d’âneries qu’ils ont déversés à des fins électorales pour faire plaisir soit aux parents, soit aux enseignants, soit à un mélange de ceux-là, syndicalistes inclus.

Mais ce serait aller un peu vite en besogne d’oublier que ces politiciens furent élus et que les propositions idiotes qu’ils ont formulées, encore et encore, ont régulièrement répondu à des demandes formulées par les intéressés.

Autrement dit, le corps enseignant, duquel provient une grande masse d’électeurs qui ont consciencieusement ajouté leurs voix niaiseuses aux gauchistes, bobos et autres zumanistes zumides à la morale en bandoulière, se rend compte — enfin mais bien trop tard — que laxisme et bons sentiments par barils entiers ne suffiront jamais à créer un environnement favorable tant dans le domaine éducatif que partout ailleurs dans la société, que l’ordre et l’état de droit, ça nécessite un travail de fond particulièrement complexe et que bouleverser les équilibres hiérarchiques, ça porte souvent à conséquences néfastes (dont, au passage, on n’a pas fini de voir les effets).

Eh oui : mettre « l’élève au centre », c’est mignon, mais des effets de bords étaient à prévoir. Eh oui : faire la grève pour un oui ou un non, c’est sympatoche, mais ça finit par décrédibiliser celle qu’on devra faire lorsque le risque de se faire trouer la peau augmente trop vite. Eh oui : former (ou laisser former) des élèves au marxisme culturel, c’est rigolo jusqu’au jour où ces élèves, devenus profs à leur tour, tentent l’application de leur idéologie délétère en vraie grandeur avec des résultats catastrophiques qui se retournent contre eux. Eh oui : faire du pédagogisme, oublier d’apprendre à lire, écrire et compter aux gamins et former des semi-imbéciles, ça n’encourage guère à la discipline et au dépassement de soi.

Plusieurs décennies de ce régime, auquel on devra ajouter un délitement complet du policier et du judiciaire (dont les voies deviennent totalement impénétrables pour le commun des mortels), et vous avez la recette d’un pays qui trottine droit vers des problèmes épineux…

Problèmes épineux qu’on fait semblant de découvrir maintenant et qu’aucun rapport d’élu, aussi rigolo soit-il, ne veut vraiment résoudre.

Ce pays est foutu.
—-
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  • Nos enfants aussi sont foutus.

  • Soutenue par Juppé est le meilleur moyen d’être battue!

  • « Alors, petites doses après petites doses, on ne s’étonnera même plus de l’introduction, discrète, planifiée et assumée, de la police directement dans certains établissements. L’excuse servie ici d’une présence policière pour rassurer en cas d’attaque terroriste est du même humour que les saillies de Bergé dans son rapport. »
    Un policer municipal, non armé, pour rassurer. HAHAHHA ! En cas d’attaque terroriste, il rassurera les profs et les parents car il sera tué en premier, son uniforme faisant de lui une belle cible.
    De plus, ce n’est pas un policier qu’il faut dans les établissements scolaires : c’est un gardien de prison. Les élèves, connus comme le loup blanc, le disent assez souvent : « C’est la prison ici ! » Il est vrai qu’il leur faut suivre le règlement intérieur, oui, des règles. C’est trop dur !

  • Les parents des élèves à problème (type NTM), ne sont jamais disponibles pour faire un suivi commun EN-parents.
    Par contre, les parents qui demandent sont ceux des fédérations issues des rangs de la gauche bien-pensante, formés aux méthodes pédagogiques des associations membres de la CAPE et toutes bien-pensantes (de gauche et de pédagogisme engagé).
    Ce sont ces parents d’élèves qui veulent à tout prix entrer dans le jeu pour introduire leurs idées plus profondément.
    Quant aux enseignants, qui sont très majoritairement de gauche et bien-pensants, ils sont confrontés à une situation qui les accule au déni (du fait de la disruption subie d’avec leurs idées). Leurs principaux représentants sont des combattants de la gauche modernisatrice qui veut façonner l’homme pour le rendre bon…
    (sic)

  • qui est capable de donner une définition de la mission de service public de l’éducation nationale?
    Et une définition qui permette de dire mission accomplie!

    ce doit être un truc comme soumettre tous les enfants à enseignement conforme aux directives pédagogiques nationales. autrement dit rien n’empêche que ce soit une horreur tant dans la mise en pratique que dans les buts.

  • Ayant un pied dans l’enseignement et électeur de la circonscription de Mme Aurore Bergé j’ai été l’heureux destinataire par mail de ce rapport et de ce qui l’accompagne. Quelle chance ! j’ai déjà commenté ce sujet sur le billet de Nathalie MP.
    L’idée centrale du rapport en question c’est : « L’éloignement sociologique constaté entre enseignants, le plus souvent issus des classes les plus favorisées de la population et les familles les plus modestes »
    Les parents des enfants « à problèmes » (euphémisme) ne viennent pas à l’école non pas parce qu’ils sont « démissionnaires » mais « licenciés » (sic) par l’école « du fait de conditions de vie précaires » et « qui se sentent illégitimes à l’école n’ayant pas de diplôme à faire valoir ou d’emploi… ». C’est connu c’est la faute à l’école et aux enseignants. D’où la proposition n°7 : « Annexer au projet d’école ou d’établissement une charte sur « l’égale dignité » des acteurs éducatifs rédigée par l’ensemble des membres de la communauté éducative. » et la proposition n°23 : « sensibiliser les futurs enseignants à certaines réalités sociologiques (diversité des modèles éducatifs, caractère composite de l’échec scolaire, mythe de la « démission parentale », etc.) » Les bras m’en tombent ! Les enseignants sont déjà gavés par une prose affirmant l’égale dignité des « acteurs éducatifs » (définition vaste et vague) et se « cognent » tous les jours la réalité sociologique !!
    Aussi les auteures recommandent d’éviter les remarques « désobligeantes voire stigmatisantes » (en clair toute remarque négative) pour l’élève de ne plus « convoquer » les parents « licenciés » ce qui les place en situation d’accusés mais « les impliquer en tant qu’éducateurs » et proposent sans rire (proposition n°16) « des rencontres organisées autour de prétextes inclusifs, de rituels positifs, comme la semaine du goût, la « rentrée en musique » ou le spectacle de fin d’année. » (proposition n°16) voire de « nouer des liens avec les parents les plus « éloignés » de l’école en les rencontrant à leur domicile, selon des modalités adaptées. »….Tous les groupes politiques à l’unanimité ont souligné « l’excellence » de ce rapport qui aurait pu être produit (dixit les présidents de groupe) par chacun d’entre eux ! Pauvre pays !

    • Dommage que les profs des classes de bac pro du 9.3 n’aient pas pensé à de telles solutions qui, à l’évidence, se révéleront miraculeuses.

      Par ailleurs.
      La police de la pensée étant omniprésente et dotée de moyens musclés et légaux de répression, il est devenu dangereux d’exprimer la réalité telle qu’elle est.
      Mais enfin, comment parler du problème de la violence à l’école en occultant un des paramètres qui la structure fondamentalement (j’ai encore 2 enfants scolarisés).
      Cherchez dans votre mémoire, dans votre vécu, les classes d’avant le drame (comme dirait l’humoriste), même dans les banlieues ouvrières, étaient-elles identiques à celles que nous connaissons aujourd’hui ?
      Entre l’école que certains ont connue au moment de leur scolarisation dans les 70/80 et l’école d’aujourd’hui, n’y a-t-il eu aucun autre changement que celui d’une propagation de la gangrène socialisante (sachant que le problème auquel je fais référence trouve aussi son origine, en grande partie, dans la mise en œuvre de l’idéologie socialisante) ?

      La réalité et la vérité cachées, tordues, réprimées ne peuvent conduire qu’à une seule chose, des débats stériles, stéréotypés et dupliqués, tels qu’on en connait depuis 40 ans et, simultanément, une descente toujours plus profonde aux enfers.

  • L ‘affiche bleue ci dessus est à la fois comique et absurde les gens avaient le choix entre voter aurore ou crépuscule mais …..
    ah ! on me dit que c’ est une personne dans ce cas c’est élire ou mandater qui convient quoique c’ est discutable il est impossible de les révoquer en cours de mandat bon je pardonne c’ est une confusion confortable communément admise par presque tlm
    MORILLE Alain

  • faire exploser le mammouth en donnant à chaque enfant un « chèque-éducation » que le parent pourrait utiliser à son choix dans telle ou telle école. Bien entendu on devrait contrôler que les fonds ainsi attribués soient bien utilisés pour l’éducation et pas pour acheter une machine à laver……

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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