Dette : que peuvent enseigner les pays européens à la France ?

La dette allemande recule de 78€ par seconde. Ce résultat est le fruit de réformes structurelles et d’une culture budgétaire dont la France devrait prendre de sérieuses leçons.

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Dette : que peuvent enseigner les pays européens à la France ?

Publié le 24 janvier 2018
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Par Paul Josse.
Un article de l’Iref-Europe

Loin des solutions artificielles de Julien Dray, le gouvernement allemand a remanié depuis 2014 ses priorités budgétaires mais a également réduit son poids sur les contribuables. En conséquence, l’Allemagne a moins de fonctionnaires, une fiscalité moins spoliatrice et un niveau de dépenses sociales plus faible qu’en France.

Ainsi, la dette de la France est, au sens de Maastricht, de 98,1 % du PIB au dernier trimestre 2017, soit de 32 000 euros par habitant, contre 68,1 % pour l’Allemagne, ou 23 800 euros par habitant.

L’écart est conséquent : 30 points de PIB. Le graphique ci-dessous montre que la dette brute a presque quintuplé en France entre 1978 et 2016 pour passer de 21,2 % à 96,3 %. En ce qui concerne l’Allemagne (courbe en rouge), la dette a gagné 30 points de PIB entre 1995 (année la plus ancienne disponible) et 2011 mais qu’elle en a perdu 20 en seulement quatre ans, entre 2012 et 2016.

Évolution des dettes brutes (sens de Maastricht) des administrations publiques APU de 1978 à 2016 (% du PIB)

Source : France : comptes nationaux annuels base 2010 recensés par l’INSEE. Allemagne : statistiques Eurostat.

Que se passe-t-il dans les autres pays de l’Union européenne ? Observons leurs résultats en matière de gestion de déficit et de dette.

Comparaison européenne des dettes et des déficits

En points de PIB, la France est le 7e pays le plus endetté de l’Union européenne, pas loin des quatre qui ont dû recourir à l’aide financière de l’UE : la Grèce (179 points de PIB), le Portugal (130 points de PIB), Chypre (108  points de PIB) et l’Espagne (99  points de PIB).

La France est également l’un des pays dont la dette évolue le plus à la hausse entre 2015 et 2016 (+0,7 points du PIB) comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous.

Variation de la dette publique entre 2015 et 2016 en EU (en point de PIB)

Source : données des perspectives de la Cour des comptes et des statistiques sur les finances publiques d’Eurostat.

Qu’en est-il des déficits ?

Malheureusement, ce n’est guère mieux. La France a moins réduit son déficit en 2016 (-0,2 point) que l’ensemble des pays de l’UE (-0,7 point). Notre pays est désormais l’un des derniers, avec l’Espagne qui a le déficit le plus élevé de l’UE, à ne pas respecter la règle des 3 points  PIB fixé par le traité de Maastricht. Quant à l’Allemagne, elle réalise depuis 2014 des soldes budgétaires excédentaires croissants. Et les Pays-Bas ont réduit leur déficit de 2,5 points de PIB, ils ont désormais un solde positif.

Soldes publics en 2015 et 2016 en UE (en points de PIB)

Source : données des perspectives de la Cour des comptes et des statistiques sur les finances publiques d’Eurostat.

Pourquoi la France est si mal classée

Nos voisins européens ont bien compris que leurs déficits élevés alourdissaient leur dette et ont entamé des réformes de l’État et de libéralisation de l’économie. La France est un mauvais élève dans ces matières-là pour au moins trois raisons :
• tout d’abord un manque de courage politique pour mener d’un bout à l’autre une réforme, certes difficile, mais nécessaire. Mieux vaut être insincère dans ses prévisions que de faire face aux coalitions dans la rue !
• par conséquent, la France ne sait réduire ses déficits qu’en augmentant les impôts. Par exemple en 2011, la Cour des comptes a relevé une réduction importante du déficit de -1,7 points du PIB, mais au prix de « très importantes mesures de hausse des prélèvements obligatoires ».
• le déficit est surtout structurel. Il est de 2,5 points de PIB en 2016 pour un déficit effectif de 3,4 points de PIB. Ainsi, spolier dans ce sens les entreprises et les particuliers ne peut avoir pour effet qu’une résorption lente du déficit car la croissance sera faible (comme on le voit aujourd’hui).

Cela a bien entendu des conséquences. La Commission européenne de mai 2017 relevait que le solde public conjoncturel de la France se serait ainsi creusé de 0,1 point de PIB par an en moyenne au cours des cinq dernières années. Ce même solde public est stable partout dans l’Union européenne. Depuis 2002, la France a passé 12 ans sous la surveillance de la Commission européenne pour déficit excessif, la Grèce 11 ans, l’Allemagne 7 ans, la Belgique 5 ans et la Suède n’y a jamais été.

Nombre d’années passées en procédure pour déficit excessif (PDE) depuis 2002

Source : données des perspectives de la Cour des comptes et des statistiques sur les finances publiques d’Eurostat.

Enfin, la France a continuellement augmenté le montant de sa dette et a creusé un écart de 7 points  de PIB avec la moyenne de la zone euro. Cet écart l’empêche de bénéficier de conditions d’emprunt aussi favorables que l’Allemagne.

Sur ce point, la Cour des comptes a signalé des irrégularités dans les montants des primes à l’émission que l’Agence France Trésor -AFT- (service qui place la dette de la France sur les marchés financiers) a perçue en 2015 (22,7 milliards d’euros) et 2016 (20,6 milliards d’euros). L’AFT a réémis depuis 2015 une grande quantité d’émissions anciennes d’une dizaine d’années tout en conservant les anciens taux de marché plus élevés que ceux des souches émises aujourd’hui. Les investisseurs achètent donc des titres émis à un prix supérieur à leur valeur nominale et la dette semble alors ne pas augmenter autant que prévu. Cet artifice fait croire à un désendettement mais augmente les coûts de la dette.

Conclusion

La France aurait la capacité de réformer l’État, de réduire son déficit en respectant la règle de l’équilibre budgétaire et de réduire le montant de sa dette. Cependant ses dépenses ne seront pas stabilisées pour 2018 d’après la Cour des comptes qui cible en outre « la progression continue de la masse salariale publique » et des dépenses de retraites. La plus grosse réforme sera donc d’abord celle de la culture de l’État providence.

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  • Faut il rappeler que l’Allemagne a fait la réunification qui a coûté grosso modo 2000 milliards d’euros.

  • L’Allemagne a exactement les mêmes dépenses administratives que la France (poids de la fonction publique), autour de 33% du PIB.
    Le reste, les dépenses de santé et dépenses sociales, sont gérées en Allemagne par des mutuelles de branche, réglementées, et ne rentrent pas dans la comptabilité publique comme en France. Elles n’en restent pas moins des dépenses.
    Les vraix raisons du décalage de la dette est ailleurs : 1,5 enfant par femme contre 2 en France, soit 25% d’écart, ça représente énormément de dépenses sociales et éducatives, d’autant que l’école commence à 5 ans ici, en Allemagne.
    Les dépenses militaires ne sont pas non plus les mêmes, et les investissements des années 90 à l’est portent désormais leurs fruits. Les entreprises allemandes sont omniprésentes chez les emergeants à l’est, proximité oblige.
    Enfin, les raisons structurelles : une industrie, des élites, une finance, une urbanisation, moins centralisés qu’en France, et placé sur le marché du haut de gamme sont mieux placés pour affronter la concurrence et bénéficier de la croissance…
    Bref, même si ça fait du bien de vomir sur l’administration, tout ça n’a pas grand chose avoir avec l’état comme sous entendu dans cet article.

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