À quoi servent les entreprises ?

Découvrez la pensée d’un des plus influents des économistes, Ronald Coase, qui a su expliquer le fonctionnement des entreprises dans sa fameuse théorie de la firme.

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À quoi servent les entreprises ?

Publié le 4 janvier 2018
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Par Jasmin Guénette.
Un article de l’Institut économique de Montréal

Ronald Coase est un économiste dont le nom est connu de très peu de gens. Et pourtant, bien qu’il ait publié un petit nombre d’articles scientifiques comparativement à ses collègues, il est probablement l’économiste qui a eu le plus d’influence sur la profession. Pourquoi cet économiste, qui aurait eu 106 ans cette semaine, a-t-il été si influent ? Parce qu’il est le premier à avoir réussi à répondre, de manière satisfaisante, à la question de savoir comment les entreprises fonctionnent.

Généralement, les économistes croyaient que les entreprises étaient des boîtes noires dans lesquelles des ressources entraient et desquelles des produits ressortaient. On comprenait difficilement pourquoi une entreprise décidait d’adopter une méthode de production plutôt qu’une autre. Par exemple, pourquoi embaucher les services d’une firme de comptables au lieu d’embaucher son propre comptable ?

Pendant plusieurs années, alors qu’il était étudiant à la London School of Economics, Coase a peaufiné sa réponse. Au cours des années 1930, il a longtemps labouré sur ce sujet avant d’en venir à publier, en 1937, la réponse. Dans son article The Nature of the Firm, Coase a répondu : ce sont les coûts de transaction.

Le rôle des coûts de transaction

Les coûts de transaction représentent les coûts engagés pour chaque type d’échange. On parle ici des coûts qu’entraîne la négociation des contrats et des termes associés à la supervision desdits contrats. Une firme peut ainsi préférer embaucher son propre comptable au lieu d’essayer de dépenser du temps et des ressources afin de solliciter des soumissionnaires, de découvrir le meilleur prix possible et d’évaluer la qualité du travail au quotidien. Si elle prend cette décision, c’est en raison des coûts de transaction.

En plus, les coûts de transaction affectent non seulement la structure des entreprises, mais aussi leur taille. S’il est trop coûteux pour une firme de négocier et superviser un contrat avec une autre firme quant à la prestation de certains services, il est préférable de produire ce service à l’intérieur de cette firme. Cependant, le contrecoup d’une telle décision est qu’on doit dépenser du temps et des ressources à faire quelque chose pour lequel on n’a pas nécessairement l’expertise.

Par exemple, un peintre qui est travailleur autonome et qui fait sa propre comptabilité doit réallouer du temps et des ressources vers l’activité de remplir ses feuilles de compte. Pendant qu’il fait cela, il n’est pas en train de peindre – la tâche dans laquelle il se spécialise et il excelle. Par conséquent, cet entrepreneur produit moins et on dit que la taille de sa firme est plus petite qu’elle pourrait l’être.

Si tout cela peut sembler évident aujourd’hui, il s’agissait d’une conclusion révolutionnaire à l’époque. Les entreprises choisissent la manière de produire en fonction des coûts de transaction. Alors qu’est-ce qui influence les coûts de transaction ?

Lorsqu’il a remporté le prix Nobel en 1991, Coase a affirmé que ce sont les lois et institutions d’une nation qui déterminent ces coûts de transaction.

Plus précisément, on parle de l’importance de bien définir les droits de propriété. Si la propriété est incertaine ou que le gouvernement peut punir une firme en aidant son principal rival, on augmente les coûts de transaction. Un État qui taxe une certaine activité augmente les coûts de transaction à l’égard de cette activité et incite les gens à changer leurs comportements et/ou à réduire la taille de leurs entreprises.

Les travaux de Coase ont engendré une révolution parmi les économistes. En novembre dernier, je parlais de Douglass North (un autre lauréat du prix Nobel en économie) et comment ce dernier expliquait que ce sont les institutions qui déterminent la richesse d’une nation. Le concept sur lequel North s’est appuyé, c’est celui des coûts de transaction. En fait, North et Coase se sont alimentés intellectuellement l’un de l’autre au cours de leurs longues carrières. Les deux ont développé un discours qui priorise un environnement légal qui minimise le plus possible les coûts de transaction en établissant des droits de propriété stables, des taxes légères et l’absence de réglementations qui restreignent la concurrence.

Coase a contribué à la science économique sur plusieurs fronts, mais si on doit se concentrer sur l’un d’entre eux, le concept des coûts de transaction est le plus important. Ce concept peut sembler bien aride pour plusieurs, mais il est le pilier le plus important pour comprendre l’importance d’une société libre et d’un État peu interventionniste pour le développement économique.

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  • En France l’entreprise est une vache à lait taxée à raison inverse de sa taille, plus elle est petite et plus elle paye ! L’état favorise la création d’entreprises pour mieux les croquer mon enfant ?

    L’entreprise française privée est tellement assujettie qu’elle en devient publique dans la mesure où tout le monde peut y mettre son nez au détriment par exemple des secrets de fabrication afin qu’il puissent être copiés sans vergogne y compris par la concurrence étrangère à main d’œuvre à bas coût pour mieux l’anéantir !

  • Cela me rappelle ce que disait Bastiat dans un de ses pamphlets : « les trois tares en économie sont : l’interventionisme, le dirigisme et le socialisme » tout est résumé ! Et donc liés aux coûts de transaction. Je crois que nous sommes bien engoncé dans le constructivisme. Et pour résumer ce socialisme qui mieux que Bastiat :
    « La chimère du jour est d’enrichir toutes les classes aux dépens les unes des autres ; c’est de généraliser la Spoliation sous prétexte de l’organiser. Or, la spoliation légale peut s’exercer d’une multitude infinie de manières ; de la multitude infinie de plans d’organisation : tarifs, protection, primes, subventions, encouragements, impôt progressif, instruction gratuite, droits au travail, droit au profit, droit au salaire, droit à l’assistance, droit aux instruments de travail, gratuité du crédit, ect. Et c’est l’ensemble de tous ces plans, en ce qu’ils ont de commun, la spoliation légale, qui prend le nom de socialisme. »

    Français réveillez-vous !!!

  • À quoi servent les entreprises ?

    Pfeeeeuuuuuuhhhh.

    À rien sinon à être taxées, retaxées et surtaxées. Ils ont tout compris les sots cialauds…

  • L’entreprise a comme but de recruter du personnel pour réaliser des produits ou des services. L’état par ses lois contraignantes et inhibétrices de liberté d’actions de ces entreprises les obligent à licencier leur personnel pour répondre à ces contraintes soit disantes sociales: le social tue le social

    • Et moi qui pensait que le but du entreprise était de faire du profit.

      • Réflexion faite, et après lecture d un article de Pascal Salin je ne pense plus que le profit soit l unique but de l entreprise. Le chef d entreprise peut poursuivre d autres buts que celui là. Il est libre. Je me suis un peu emballé sur votre commentaire, et il m a permit de remettre en question une certitude. Merci ?

        • @ AerosolKid

          Oui et non! Je situe vers 1980, le passage de l’industrie de la main des « Capitaines d’industrie » (en gros, des « ingénieurs » – Dassault, Reanault, Citroën … en France -) vers celles de « managers » qui visaient une rentabilité rapide et maximale pour le compte des C.A. des sociétés.

          Là, le but a changé: on est passé du souci « de la belle ouvrage » au souci du bénéfice!

          Mais aucune DS Citroën actuelle ne connaitra plus le sort international de la mythique DS 19 de 1955!

          • pour faire de la belle ouvrage durablement, il faut durablement gagner de l’ argent..
            que sont devenus les panhard, simca..voir citroen?

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