Par Laurent Pahpy.
Un article de l’Iref-Europe
Un débat qui a été lancé en 2014 par les jeunes du Parti libéral-radical et de l’Union démocratique du centre. Leur indignation est légitime : à l’heure d’internet, comment justifier que le contribuable soit forcé de débourser 451 francs par an (386 euros) quand il ne regarde ou n’écoute pas forcément les médias d’État ?
Cette redevance prélève chaque année 1,3 milliard de francs chez les contribuables suisses. Ce montant est redistribué pour partie à certaines radios et télévisions locales, mais la quasi-totalité, environ 95 %, subventionne la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SRG SSR).
Naissance de l’initiative No Billag
Cette dernière retransmet 24 chaînes nationales et locales, dans les quatre langues du pays (français, italien, allemand et romanche). Elle tire ses revenus pour les trois quarts de la redevance et, pour le reste, de la publicité.
Face à cette taxe, l’initiative No Billag, du nom de l’entreprise chargée de prélever la redevance, a vu le jour. L’objectif : inscrire dans la constitution que la Confédération garantit l’indépendance et l’autonomie des radios et télévisions et qu’elle ne peut subventionner aucune chaîne.
Ceci reviendrait à privatiser totalement le financement de la SRG SSR et des chaînes locales. Le comité No Billag est parvenu, tant bien que mal, à récolter dans le temps requis plus de 112 000 signatures à travers tout le pays. Le Parlement, chargé d’émettre un avis consultatif, a voté contre à une très large majorité et n’a pas proposé de contre-projet. Le débat est donc lancé pour le référendum.
La crainte d’un « désert audiovisuel »
Les opposants à cette initiative craignent que sans cette contribution forcée, l’entreprise publique ne fasse faillite. Cela créerait un « désert audiovisuel », disent les opposants à la réforme, où régneraient les « fausses nouvelles » ce qui soumettrait les Suisses aux influences étrangères et mettrait à mal la cohésion nationale.[3]
Ce n’est pas l’avis de Frédéric Jollien, porte-parole de No Billag, pour qui « la diffusion de la Coupe du monde de football ou des Jeux olympiques par la SRG SSR ne sont pas des nécessités d’État. On a le droit de ne pas aimer le football et de ne pas vouloir payer pour sa retransmission ». Il soutient que sans redevance, la liberté de choix serait rétablie, car les ressources ainsi libérées alimenteraient une plus grande diversité d’offres médiatiques.
La SRG SSR ne ferait pas faillite, elle devrait simplement se financer comme les médias privés, avec de la publicité, des jeux ou des abonnements. En plus de dénoncer les salaires excessifs des dirigeants de SRG SSR, alors que les plus précaires sont forcés de payer la redevance, les défenseurs du No Billag revendiquent le droit de s’informer de la manière qu’ils le souhaitent.
« On est face à un rouleau compresseur »
La votation aura lieu le 4 mars prochain. Il faudra une double majorité, celle du peuple et des cantons pour qu’elle soit acceptée. « On est face à un rouleau compresseur, l’immense majorité de la classe politique et la SRG SSR, juge et partie, se battent contre nous » dénonce Frédéric Jollien. Même le Parti libéral-radical a renoncé à défendre cette libéralisation des médias d’État alors que c’est sa branche jeune qui est à l’origine de la votation.
Il est peu probable que l’initiative aboutisse puisqu’en moyenne seule une initiative sur dix est approuvée, mais elle aura au moins eu le mérite de poser la question du rôle de l’État dans l’industrie des médias. Tout espoir n’est toutefois pas perdu puisque selon un récent sondage, 57 % des moins de 65 ans sont en faveur de l’initiative.[4]
Et si on privatisait la télévision publique ?
Peut-être aurons-nous un jour, nous aussi, en France, un débat sur la place de l’État dans les médias, l’information et la culture. Le chef de l’État, Emmanuel Macron, a récemment dénoncé, à juste titre, la gestion calamiteuse de France Télévisions et Radio France. Ces mêmes médias avaient déjà été sévèrement épinglés par l’IREF en 2015 et la Cour des comptes en 2016.
Il serait bon, comme en Suisse, d’interroger d’abord la légitimité des subventions publiques pour les journaux papier et celle du financement forcé de certaines chaînes de radios et de télévisions d’État. De l’autre côté du lac Léman, contrairement à la France, la presse écrite vit déjà sans subvention directe et les journaux n’ont pas disparu pour autant.
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