Web TV Mélenchon : l’étonnant modèle économique

Le média, la web TV des insoumis, les amis de Mélenchon, promet un journalisme “citoyen et collaboratif”, sans cotisation pour ses adhérents. Vraiment ? Petit focus sur un modèle économique “provisoire” qui joue sur les mots…

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent chantent l'Internationale By: Rémi Noyon - CC BY 2.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Web TV Mélenchon : l’étonnant modèle économique

Publié le 13 décembre 2017
- A +

Par Guillaume Nicoulaud.

Pour devenir socio de Le Média, la future web-TV des amis de M. Mélenchon, vous devez :

  1. Acquérir un ou plusieurs titres de propriété de Le Média (5 euros l’unité)
  2. Régler une contribution destinée à « financer Le Média » (en fonction de vos revenus de 50, 80, 120 ou 200 euros).

 

C’est le paiement de ces deux sommes, appelé droit d’entrée, qui fait de vous un socio. Les conditions générales énoncent très clairement qu’aucune cotisation n’est demandée.

En contrepartie, vous promettent-ils, vous deviendrez propriétaire du nouveau média (selon la homepage) ou du moins d’une partie de celui-ci via l’association Le Media (selon la page socios, j’y reviens) et vous bénéficierez d’un certain nombre de « services exclusifs » comme par exemple le droit de publier un avis et de commenter les programmes ou plus prosaïquement celui d’avoir votre nom au générique d’un programme de votre choix.

À l’heure où j’écris ces lignes, Le Média revendique 9421 socios pour 1 117 972 euros récoltés. À vue de nez, ça fait plus de 9000 gogos qui se sont fait avoir. Explications.

 

Pas de cotisation ?

Chez Le Média, il n’y a pas de cotisation — promis, juré — mais il y a une contribution mensuelle.

C’est celle qu’on vous demande au titre des droits d’entrée pour « financer Le Média », celle que vous pouvez régler en une fois (les 50, 80, 120 ou 200 euros) ou en dix fois1 (soit 5, 8, 12 ou 20 euros). Il n’y a donc pas de cotisation mais une contribution au titre de l’année 2018. Je vous laisse apprécier la portée de cette subtile distinction sémantique.

Et après ? Eh bien il semble qu’aucune cotisation ne sera effectivement réclamée aux socios pour l’année 2019. En revanche, et les conditions générales sont tout à fait claires sur ce point :

« Le droit d’accès à ces services exclusifs fera l’objet, à compter de 2019, d’une participation financière dont les modalités seront plus tard déterminées par l’association. »

Toujours pas de cotisation, donc, mais une participation financière.

Bref, de toute évidence, Le Média joue sur les mots. Non seulement les socios devront bel et bien s’acquitter d’une cotisation tous les ans pour continuer à bénéficier de leurs « services exclusifs » mais la liste de ces derniers est modifiable à volonté et le montant des cotisations à partir de 2019 et parfaitement inconnu. Mais, me direz-vous, ils restent quand même propriétaires de Le Média.

 

Propriétaires ?

Eh bien non, au risque de décevoir ceux de nos amis insoumis qui ont souscrit à cette offre alléchante, ils ne sont propriétaires de rien du tout. Ces multiples de 5 euros qu’ils ont versé à l’association Le Média ne sont qu’un droit d’entrée qui, contrairement à ce qu’affirment les conditions générales, n’ont aucun rapport avec un titre de propriété.

De fait, si Le Média réalise des bénéfices, ils ne toucheront pas un centime — ce qui devrait les ravir — mais ils ne peuvent non plus vendre leurs titres2 et surtout, ces derniers ne leur donnent absolument aucun pouvoir de décision.

C’est absolument limpide dans les statuts de l’association : l’Assemblée générale n’est constituée que des membres fondateurs — Sophia Chikirou et Gérard Miller — et des socios cooptés par ces derniers (les membres correspondants). Le fait d’être socio ne donne absolument aucun pouvoir : votre seul droit consiste à pouvoir « soumettre des demandes au bureau » ; lequel n’est naturellement pas tenu d’y donner suite.

En d’autres termes, les heureux socios de Le Média ne sont propriétaires de rien du tout. Au mieux, s’ils sont cooptés par le bureau des fondateurs, pourront-ils donner leur avis lors des Assemblées générales à venir. Et encore, vu le niveau de verrouillage du machin, je crains fort que les délibérations aient une fâcheuse tendance à donner systématiquement raison aux fondateurs.

 

De la nature de Le Média

Le grand mystère, c’est la nature exacte de Le Média.

Je l’ai dit plus haut, la page socios affirme qu’en devenant socio « une partie du Média m’appartient via l’association « Le Média ». » J’ai déjà expliqué que pas du tout : verser un droit d’entrée à une association — fût-il nommé « action » — ne donne aucun droit de propriété mais ce qui est intéressant ici c’est ce que cette simple phrase suggère des relations entre l’association Le Média et Le Média lui-même.

De fait, comme on ne peut pas être propriétaire d’une association, cette histoire de « partie » suggère que l’association Le Média va être propriétaire d’une partie de Le Média et donc qu’il y aura d’autres propriétaires. Si j’ai raison, ça signifie que l’argent des socios, via l’association sur laquelle ils n’ont aucun contrôle, va servir à capitaliser une autre entité3. Or, si c’est bien le cas, on est en droit de se demander qui sont les autres propriétaires et surtout à hauteur de combien ils comptent capitaliser Le Média.

À ce stade, une prudence de chat s’impose et je n’irai pas plus loin.

Sur le web

  1. En dix fois parce que vous bénéficiez de deux mois gratuits pour toute souscription avant la fin de l’année 2017.
  2. Sauf si l’association décide de les racheter.
  3. Le propriétaire actuel de lemediatv.fr n’est autre que la société de Mme Chikirou qui jure que c’est provisoire. Dont acte.
Voir les commentaires (11)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (11)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
4
Sauvegarder cet article

La poussière de la bataille électorale est à présent retombée et, avec elle, certains yeux joyeusement fermés se sont rouverts aux réalités de terrain.

 

Ainsi donc, finalement, on se retrouve bien avec les trois blocs politiques qu’on pouvait prévoir une fois le premier tour passé (à savoir Rassemblement national, Nouveau front populaire et macronistes en nombre décroissant de bulletins). Cependant, ce second tour a fourni quelques surprises, puisque l’ordre initialement prévu a subi des tensions de surface (et on se retro... Poursuivre la lecture

"Il a mis une cible dans mon dos » dixit Yaël-Braun Pivet au sujet d’un tweet récent de Mélenchon dans lequel il écrivait qu’elle était partie « camper à Tel-Aviv ». La poésie made in Jean-Luc.

C’est un classique, la gauche se déchire. Au siècle dernier, le rapport de force se jouait entre gauche socialiste et communiste. La première voulait asphyxier la seconde, qui voulait garder une place chèrement acquise après la Seconde Guerre mondiale. Après le congrès d’Épinay, coup de maître de François Mitterrand, la gauche s’est unie jusqu’à... Poursuivre la lecture

La NUPES est née en mai 2022 du très bon score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, et sur les bases du programme insoumis. Avec une stratégie commune, la gauche se voyait majoritaire aux législatives et voguer ainsi vers l’élection de 2027. Pourtant, les tensions sont vives.

 

Un Parti socialiste divisé

Le Parti socialiste, mené par Olivier Faure, se pose la question de poursuivre le rythme imposé par Les Insoumis. S’ils s'accordent sur des sujets tels que les retraites, le rapport au travail ou les mesures sociales,... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles