Optimisation fiscale : qu’a-t-on encore le droit de faire en France ?

Vers une société où les bons citoyens seront ceux qui dénonceront leur voisin ?

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Optimisation fiscale : qu’a-t-on encore le droit de faire en France ?

Publié le 11 décembre 2017
- A +

Par Nicolas Perrin.

La multiplication des « niches fiscales » ne doit pas cacher une dangereuse dérive du Droit selon laquelle notre argent appartient d’abord à l’État.

Quelles sont les solutions vers lesquelles s’oriente l’État afin que les contribuables respectent les règles du jeu ? Vous avez pu constater que le contribuable qui se pense assez averti pour diminuer sa fiscalité en respectant les textes doit également exceller en herméneutique fiscale pour ne pas déroger à l’esprit de la loi.

Pour ne rien arranger, la jurisprudence fiscale n’est pas toujours limpide ni définitive. Nous sommes à mille lieues d’une législation simple et claire qui se bornerait à interdire un certain nombre de pratiques et où toutes les autres seraient autorisées. Cette situation fait bien sûr le grand bonheur des spécialistes du Droit.

Que ceux qui trouvent que la situation n’est pas encore assez complexe se rassurent : le législateur est au taquet pour rendre la situation encore plus sibylline.

Ainsi le 18 juillet 2013 le Sénat a-t-il validé une modification de la notion d’abus de droit qui ouvrait la porte à une insécurité juridique extrême. Il s’agissait de remplacer, dans l’article L64 du Livre des procédures fiscales, la partie :

« Ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé. »

Par les termes suivants :

« Ils ont pour motif essentiel d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales ».

Vous ne savez pas faire la distinction entre les motifs essentiellement fiscaux et les motifs non essentiellement fiscaux ? Aucun problème, le Sénat semble convaincu que l’administration, elle, saura (au besoin, elle recrutera sans doute une armée de psychologues pour sonder vos intentions).

Fort heureusement, le gouvernement a mis fin à la plaisanterie des ronds de cuir du palais du Luxembourg, paradis fiscal et social au sein de la République s’il en est.

Optimisation fiscale vs évasion : pas d’amalgame !

Quel exemple symbolique d’acteurs qui confondent volontiers optimisation fiscale et fraude fiscale, dès lors que ce ne sont pas eux qui tirent profit de la loi ! Il s’agit du même genre de confusion que font certains politiciens démagogues et nombre de médias très lourdement subventionnés à propos des Paradise papers, assimilant  nombre de riches contribuables qui ont optimisé leur fiscalité et fraudeurs.

En effet, le journal Le Monde précise que

contrairement aux ‘Panama Papers’, cette nouvelle enquête concerne moins le blanchiment d’argent sale, issu de la fraude fiscale et d’autres activités illicites (trafics d’armes, de drogue…), que des schémas légaux montés par des bataillons d’experts en optimisation fiscale. L’argent, ici, a le plus souvent été soustrait à l’impôt de façon légale ou aux frontières de la légalité, grâce aux failles du système fiscal international.

Comme le relève l’avocate Nathalie MP sur Contrepoints,

la réaction des écologistes de EELV est particulièrement amusante et révélatrice. Ils dénoncent et déplorent ‘la légalité des montages fiscaux’ employés. Donc c’est légal. Donc il n’y a pas d’affaire ‘Paradise Papers’. Donc la phrase du Monde est absurde, car si ces pratiques sont légales, on voit mal quelles sommes ont été ‘soustraites’ à l’impôt.

C’est à se demander s’il ne faudrait pas considérer qu’en France, votre patrimoine appartient d’abord à l’État, déplore-t-elle…

Saluons notre expert ès « comptabilité insincère » Michel Sapin, qui a tout de même eu le culot de venir dispenser une leçon de morale sur le plateau de France Info. Il est vrai qu’un spécialiste aussi chevronné, condamné en septembre 2016 à rembourser 100 000 € indûment perçus au titre de ses indemnités de maire, ne peut avoir qu’un avis éclairé sur les questions de probité.

Les mailles du filet anti-fraude

Dans un pays où l’État absorbe près de 50 % de la richesse créée, quoi de plus légitime que d’optimiser sa fiscalité en passant par des montages légaux ? Parfaitement légale, l’optimisation fiscale est d’ailleurs parfois explicitement voulue par l’État lui-même, au travers des wagons de dispositifs que nos dirigeants nous concèdent sous le nom méprisant de « niches fiscales ».

Mais du fait de son modèle social (que chaque pays nous envie mais qu’aucun ne copie) et des gabegies budgétaires, qu’elles soient réalisées dans une perspective clientéliste ou dans un objectif purement festif, l’État français doit faire entrer de l’argent dans les caisses. Il est donc en recherche permanente de solutions en vue de s’assurer qu’un minimum des euros qui devraient lui revenir légalement ne lui échappent pas.

L’État s’oriente-t-il vers un système fiscal (et social) qui mettrait tout le monde à égalité en supprimant l’ensemble des exceptions fiscales et des privilèges sociaux ? Vous vous en doutez, cela n’est pas la direction que l’on prend…

En 2018, le nombre de « niches fiscales » passera de 451 à 457…

Par ailleurs, en septembre 2017, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) indiquait que 100 nouveaux inspecteurs allaient rejoindre les rangs des 1 500 inspecteurs de l’URSSAF d’ici 2018.

Outre ce renforcement de ses équipes physiques, l’État mise également sur l’informatique. Ainsi au mois de novembre le gouvernement a-t-il autorisé Bercy à expérimenter pour une durée de deux ans le croisement de plusieurs fichiers regroupant des données personnelles afin de traquer la fraude fiscale des particuliers.

Seront regroupées les informations « du référentiel des personnes physiques et morales, celui des occurrences fiscales et des adresses, le fichier des comptes bancaires, le compte fiscal des particuliers, la base nationale des données patrimoniales, le fichier des contrats de capitalisation et d’assurance-vie », relève Numerama. D’autres administrations, nationales ou étrangères, seront également sollicitées (notamment les organismes sociaux).

Pour ce qui concerne les entreprises, la loi de finance rectificative du 29 décembre 2016, dans son article 14, prévoit un nouveau type de contrôle fiscal pour les entreprises qui porte le doux nom d’ « examen de comptabilité ». L’originalité de ce dispositif de contrôle fiscal est qu’il se déroule à distance, sans qu’un agent du fisc ne se déplace dans les locaux de l’entité concernée.

Enfin, l’État rémunère à titre expérimental depuis novembre 2016, et ce pour deux ans, les informateurs de cas de fraude fiscale internationale. Dans le même genre, depuis mars 2017, les Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) sont désormais rémunérés pour indiquer à la HADOPI l’identité des internautes qui téléchargent illégalement.

Vers une société où les bons citoyens seront ceux qui dénonceront leur voisin ? L’avenir s’annonce radieux !

Pour plus d’informations, c’est ici.

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  • le règne de l’arbitraire…dans les paradise papers ceux qui auraient du être dénoncés sont les députés pour avoir conçu des lois qu’ils dénoncent après coup… désormais..avec le procès d’intention, ils seront couverts et il s’agira pour le contribuable de démontrer son innocence.

    • Mettons en place un principe de responsabilité : toute loi devra d’abord etre appliquée par les députés / sénateurs et par l’Etat pendant une période d’essai stricte. Genre plusieurs mois.
      Et à l’issue de cette période, elle sera applicable au reste de la population.

  • ceux qui font les lois sont les premiers qui ne les respectent pas ex: Cahuzac et d’autres …faite ce que je dis mais pas ce que je fais !!!
    A partir du moment qu’une loi est confiscatoire vous rechercher de la contourner…voir les impôts. .direct ou indirect…
    quand à ce petit Mr sapin ..quels sont ces résultats sur le PIB et les dépenses publique..
    le resultat parle pour lui !!!

  • On connait la devise de Bercy : « Si ça bouge, taxez-le. Si ça continue à bouger, régulez-le. Si ça s’arrête de bouger, subventionnez-le. »

    • bonjour orldiabolo
      C’est même de R Reagan;
      « Government’s view of the economy could be summed up in a few short phrases: If it moves, tax it. If it keeps moving, regulate it. And if it stops moving, subsidize it. »

    • A Bercy, la dernière partie se dit « Si ça s’arrête de bouger, confisquez-le avant que ça ne reparte et s’échappe. »

  • Les français se sont fait une spécialité dans la délation et ce depuis les années dites de l’occupation.
    ceux qu’on appelle avec un certain mépris des « balances »vont même peut-être bientôt s’en glorifier !
    Bref on légalise se qui était considéré comme ignoble il n’y a pas si longtemps ..pauvre pays !!

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