Par Louis Malbète.
Un article de Trop Libre
“Nous avons besoin de plus de rapprochements bancaires. […] J’aimerais voir des fusions dans les douze mois. Je suis une personne optimiste” déclarait le 7 novembre dernier la présidente du comité de supervision des banques européennes Danièle Nouy lors d’un colloque sur la supervision bancaire à Francfort.
L’annonce n’est pas passée inaperçue puisqu’elle reflète une volonté du superviseur d’encourager les fusions-acquisitions dans le secteur bancaire européen, alors même que celles-ci sont parfois vues comme dangereuses pour la stabilité de la zone euro, car renforçant d’autant plus le caractère systémique de certaines grosses institutions bancaires.
Un secteur cyclique
Le secteur des fusions-acquisitions en Europe fonctionne de manière relativement cyclique, comme visible sur le graphique ci-dessous1 :
Variation du nombre d’opérations de M&A bancaires en Europe
On remarque alors que les concentrations dans le secteur bancaire s’opèrent très majoritairement pendant les phases de bien-être économique, et chutent drastiquement en intensité pendant les crises financières, ce qui semble jusque là tout à fait logique.
L’effet de la réglementation européenne
Cependant, la période qui a suivi la crise des subprimes de 2008 est légèrement différente puisque l’ajout de nouvelles réglementations et contraintes pesant sur les banques, mises en place par le régulateur européen depuis la crise, freinait jusqu’ici la reprise des concentrations dans le secteur bancaire en Europe.
La forte augmentation des nécessités en fonds propres imposée par Bâle III à travers son augmentation du ratio de fonds propres minimum par rapport aux actifs pondérés des risques (RWA) avait déjà eu un impact conséquent : il avait limité la possibilité par les banques d’utiliser des fonds propres pour la réalisation d’opérations de fusions-acquisitions.
Conjuguons ceci à l’environnement de taux très bas imposé par la BCE à travers ses opérations de refinancement et son assouplissement quantitatif (qui a d’autant plus limité les marges et rendements possibles à travers les activités de marché) ; ajoutons le contrôle strict par la Commission européenne des opérations de concentration au titre du droit de la concurrence ; et nous obtenons autant de contraintes qui pesaient sur la reprise des fusions-acquisitions dans le secteur bancaire dans la zone Euro.
Encouragement des opérations de concentration
Néanmoins, l’environnement devient aujourd’hui plus favorable à la reprise des fusions-acquisitions entre les banques européennes.
Premièrement, car la BCE devrait très probablement relever ses taux et entrer dans une période de décélération progressive de son assouplissement quantitatif dans le courant de l’année 2018, ce qui lève partiellement un des obstacles présentés ci-dessus.
Deuxièmement, et c’est sans doute là le point le plus important, cette annonce de Danièle Nouy traduit une volonté du superviseur bancaire européen d’encourager ces opérations de concentrations, ce qui est tout sauf anecdotique.
L’idée sous-jacente ici est d’encourager l’émergence d’établissements bancaires paneuropéens dans un secteur pour l’instant dominé par des institutions somme toute très “nationales” (BNP Paribas et la Société Générale en France, Banco Santander en Espagne, DeutscheBank en Allemagne et RaboBank aux Pays-Bas, etc…).
Une bonne nouvelle pour le secteur bancaire
Des rumeurs circulent déjà quant à ces futures concentrations, mentionnant notamment des velléités de BNP Paribas ou du Crédit Agricole sur la banque allemande Commerzbank.
L’émergence de plus grosses institutions bancaires dans la zone Euro, en plus d’être une bonne nouvelle sur le plan symbolique pour l’idée européenne, renforcerait supposément la compétitivité de notre secteur bancaire face aux mastodontes américains, ou encore face au dynamismes des établissements concurrents issus des pays émergents.
Cependant, la question se pose du risque systémique qui serait porté par de telles banques, qui serait nécessairement accru du fait de leur caractère paneuropéen. C’est là tout l’objet du débat qui devrait avoir lieu au sein des autorités européennes de régulation bancaire dans les mois à venir, et dont l’issue s’avèrera cruciale.
Malgré tout, si l’on peut raisonnablement s’attendre à une nouvelle vague de concentrations dans le secteur bancaire européen, il convient de préciser que ces dernières ne se réaliseront pas du jour au lendemain, et se feront progressivement, laissant ainsi aux autorités régulatrices le temps de s’adapter et de réagir au nouvel environnement qui s’offre ici.
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- Patrick Beiter et al., “Les fusions-acquisitions dans le secteur bancaire européen après la crise”, Revue d’économie financière 2013/2 (N°110), pp.63-78. ↩
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