Par Bill Wirtz.
Les diplomates de l’agriculture à Bruxelles, travaillant en collaboration avec les États membres de l’UE et le Parlement européen, ont entériné des changements substantiels à la politique agricole commune de l’Union.
Dans les « négociations omnibus », les trois principales institutions de l’UE (le parlement, la commission et le conseil), ainsi que des représentants des producteurs, se sont mis d’accord sur des changements dans la politique agricole commune (PAC) qui accordent de nouveaux privilèges aux agriculteurs.
La proposition initiale du commissaire européen à l’agriculture, l’Irlandais Phil Hogan, était simplement un ajustement budgétaire de la PAC, qui mérite à peine d’être mentionné.
Cependant, certains États membres ainsi que plusieurs députés européens ont conclu un accord qui donnera le droit aux agriculteurs de former des cartels. Les politiciens européens avancent que ces cartels seraient plus efficaces pour rompre le pouvoir de négociation actuellement détenu par les supermarchés.
La légalisation des cartels pour organiser la rareté
C’est de loin l’aspect le plus controversé de la directive : les nouvelles règles prévoient la possibilité de négocier collectivement des conditions de partage au sein des contrats. Dans la pratique, ceci pourrait amener les agriculteurs à s’arranger sur les quantités de production afin de faire monter les prix d’achat des grandes surfaces et petits supermarchés.
La Commission européenne à Bruxelles s’en est même émue, un porte-parole a déclaré :
La Commission est préoccupée par les modifications du droit de la concurrence, approuvées par les co-législateurs, qui sont de nature substantielle et incluses sans évaluation d’impact
Non seulement les changements politiques majeurs proviennent plus souvent de la Commission européenne que du Parlement européen, mais les partisans de la concurrence à Berlaymont y voient une violation des règles du Marché unique. En effet, pour une Union européenne qui préconise systématiquement les vertus de la compétition économique, cette démarche est assez étrange.
La Commission, par exemple, affiche sur son site internet :
La politique de la concurrence joue un rôle clé dans le maintien de conditions équitables dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. C’est pourquoi le service de la concurrence de la Commission et les autorités nationales de la concurrence du réseau européen ont été très actifs ces dernières années.
Pourquoi une exception aux règles de la concurrence ?
Or il semble que les agriculteurs européens bénéficieront de la plus grande exception aux règles de concurrence de l’UE, ce qui accroîtra considérablement le pouvoir des producteurs.
Christian Verschueren, du secteur du commerce de détail, qui avait été systématiquement exclu du processus législatif lors des pourparlers omnibus, a déclaré :
Nous craignons que cette approche fasse augmenter artificiellement les prix pour les consommateurs et réduise leur choix. Ceci ne fera rien pour permettre aux agriculteurs de devenir plus compétitifs sur les marchés mondiaux ou renforcer leur position dans la chaîne d’approvisionnement.
Les détaillants sont la mauvaise cible. Moins de 5 % de l’offre des détaillants provient directement des agriculteurs (1). La plus grande partie est fabriquée par des producteurs d’aliments tels que Nestlé.
Les partisans des nouvelles règles se sont montrés peu impressionnés par la critique : « avec cet accord, les lignes ont finalement bougé », a déclaré l’eurodéputé du Parti populaire européen M. Michel Dantin, un intervenant clé dans les pourparlers :
Je me suis battu pendant un an et demi contre les ‘ayatollahs de la concurrence’ de la Commission européenne et les élogieux du statu quo dans les États membres.
La cartellisation nuit aux consommateurs que nous sommes tous et ne profite qu’à quelques-uns
La création de cartels sur le marché européen pourrait nuire aux consommateurs : à long terme, les producteurs pourraient s’entendre sur les prix et, pire encore, fixer des quantités de production qui favorisent leurs propres intérêts.
Reste à voir comment les autorités de la concurrence dans les différents États membres, en particulier celles de l’Allemagne et des pays nordiques qui ont exprimé leur scepticisme face aux changements de la PAC, répondront à ces évolutions.
Ce qui est encore plus navrant, c’est que cette législation sur les ententes risque d’entraîner une surenchère des nouvelles réglementations du marché. Comme les prix augmenteront artificiellement, le marché européen deviendra plus intéressant pour les importateurs étrangers — conduisant, comme par le passé, les producteurs européens à exiger de nouvelles taxes douanières. Cela a été le cas récemment pour les bicyclettes chinoises qui ont été frappées d’une taxe de 34,4% par la Commission européenne au début de l’année.
Tant la création d’ententes que la poursuite de l’imposition des taxes douanières rendent le marché unique européen moins compétitif et nuisent aux consommateurs.
Comme les prix à la consommation risquent fortement d’augmenter, les dirigeants de l’UE doivent se demander quels sont les intérêts qu’ils défendent réellement : nous somment tous des consommateurs et des producteurs d’une façon ou d’une autre.
Les interférences dans cette coopération volontaire des individus sont toujours nuisibles.
Pour plus d’informations, c’est ici
Bonjour,
Je n’ai rien contre les cartels ni les ententes, dans la mesure où ils sont volontaires. La législation sur la concurrence est contre productive. Il ne faut pas de législation.
De même pour les taxes d’importations. Les produits d’importations payant les mêmes taxes que les autres.
Certes, mais il faudrait laisser la liberté de les contourner.
L’exemple des fromages et vins blanc suisses est édifiante.
Devenus médiocre, la qualité est remontée quand les importations ont été nettement moins taxées.
Le vrai sujet, c’est qu’il y a agriculture et agriculture.
D’un côté la production industrielle de l’Allemagne ou des Pays Bas, de bas coût de de médiocre qualité, de l’autre de très (trop?) nombreuses exploitations familiales comme en Roumanie ou en France avec des produits de qualité variable allant de très bon à médiocre (petite exploitation ne signifie pas forcément qualité).
En tant que consommateur, je veux avoir le choix entre production de qualité, plus chère, ou production industrielle, moins chère (si je privilégie mon iphone à ma nourriture).
@ Gerald555
« Le vrai sujet, c’est qu’il y a agriculture et agriculture. »
Puis, l’opposition:
« la production industrielle de l’Allemagne ou des Pays Bas, de bas coût de de médiocre qualité, de l’autre de très (trop?) nombreuses exploitations familiales comme en Roumanie ou en France avec des produits de qualité variable »
C’est faire hypocritement abstraction de toutes les campagnes actuelles, dans les pub mais bien plus dans les émissions, à la télé française, privée comme publique, d’une promotion des produits français, fabriqués en France par des Français pour une qualité chauvinement et implicitement « meilleure »: réflexe nationaliste irrationnel tendant clairement à influencer le marché français vers des produits nationaux: tout contrevenant commettra une faute « morale » (« condamnable » depuis les « paradise papers », comme on sait): le nationalisme est ce que, dès le début, ce qui est aujourd’hui l’Union Européenne, a combattu pour éviter la guerre et rapprocher les Européens! L’article parle de la P.A.C., strictement européenne et dont la France à largement profité, sans, hélas, assez se moderniser: qu’Elle s’en prenne à elle-même avant d’accuser « l’Europe » qu’elle a co-fondée!
Un Emmental français ne vaudra jamais un Emmental Suisse! Et je n’ai pas oublié la fraude de L.Cruse sur les vins de Bordeaux de 1973 ni celui des « vins de la lune »!
Les agriculteurs doivent retrouver du pouvoir dans les négociations commerciales avec les GMS….Sinon ils vont crever, comme les producteurs de lait actuellement dans une situation ubuesque….Le prix du lait baisse à la production, les couts augmentent pour les producteurs, et on manque de beurre…
Après comme dit Gerald555 le consommateur choisit ce qu’il veut manger….
En tant qu’éleveur de porcs en France et ailleurs, je propose une qualité d’animaux standard,avec un cahier des charges simple et clair, mes volumes me permettent de sortir de France et d’Europe et mon souhait serait que la commission retire Totalement son groin de mes affaire, tant au niveau technique (qualité) que commercial (embargo)…..
A part pour le lait et peut-être quelques autres produits de peu de poids dans le panier de la ménagère, la matière première compte pour si peu dans le prix de vente final que le consommateur ne devrait pas voir grand-chose. Le problème se situe à mon avis entre les producteurs et leurs acheteurs.
Y a t il réellement un problème ?
Les coûts à la production ne dépendent pas du circuit de distribution du produit mais de l’art et la manière de produire . Les bénéfices de chaque intervenant sont par contre dépendant du client final , vous et moi. On ne peut pas produire à n’importe quel prix si aucun bénéfice n’est possible avec moins de 1000 vaches on a 1000 vaches ou on fait autre chose. Si vendre mille litre de lait permet de faire des bénéfices en dessous on vend autre chose.produire du lait n’est pas une obligation ni d’en vendre à n’importe quel prix.
Votre réponse suppose que le prix de vente au consommateur soit relié au prix d’achat au producteur. Or il y a entre deux des bagarres entre monopoles et des stratégies de dumping ou de contrainte qui font que les prix ne fonctionnent pas suivant le jeu de l’offre et de la demande. Prenez le beurre, objet d’une pénurie artificielle due à une lutte entre distributeurs et groupes laitiers, la pénurie devrait dans un marché libre être remplacée par une hausse des prix au consommateur, répercutée quasi-intégralement sur les prix payés à l’éleveur laitier. Le résultat en est loin !
@ MichelO
Dans votre raisonnement vous excluez toute concurrence internationale: il n’y a pénurie ni de beurre ni de lait dans l’U.E.! Donc aucune raison d’en augmenter le prix-fournisseur! Laissez faire le marché si vous êtes libéral!
En Europe, les prix du beurre ont grimpé de 70% en 8 mois. Ca me paraît une excellente raison d’en voir augmenter le prix fournisseur, si le commerce en est libre, plutôt que de voir les prix fournisseur stagner et la pénurie apparaître artificiellement (devrais-je dire soviétiquement ?) dans les magasins.