Brexit : les solutions au casse-tête britannique

De quelles options dispose la Grande-Bretagne, sinon en dehors, du moins désormais en marge de l’Union européenne ?

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Theresa May by EU2017EE Estonian Presidency (CC BY 2.0)

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Brexit : les solutions au casse-tête britannique

Publié le 1 novembre 2017
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Par Thierry Godefridi.

Theresa May n’aurait, selon d’aucuns, que deux solutions pour le Brexit : la mort subite ou la mort lente. Entourée qu’elle est de féroces mâles appétits, la partie paraît certes mal engagée pour elle, entre le marteau européen et l’enclume britannique.

De quelles options dispose la Grande-Bretagne, sinon en dehors, du moins désormais en marge de l’Union européenne ? Madame May aura-t-elle le courage politique et l’opiniâtreté de les assumer ? Faut-il rebrousser chemin (comme semblait le suggérer le Premier ministre de la République d’Irlande à propos du dossier Boeing) ou s’aventurer plus loin ?

Risquons un petit tour d’horizon au grand large avant de revisiter le Brexit.

La Chine et le yuan

« En 2050, deux siècles après les guerres de l’opium1, lesquelles plongèrent l’Empire du milieu dans une période de souffrance et de honte, la Chine se prépare à retrouver sa puissance et à remonter au sommet de sa gloire », affirmait la semaine dernière Xinhua, la plus grande et la plus ancienne des agences de presse officielles chinoises, en guise de conclusion du congrès du parti communiste chinois.

Ce propos cité par James Kynge dans le Financial Times du week-end était suivi du constat de ce dernier que la maîtrise chinoise des technologies de l’information (40% des transactions en ligne de par le monde, 11 fois le nombre des transactions américaines sur smartphones, etc. produisant quantités de données personnelles qu’il est aisé de centraliser, de partager entre instances étatiques et d’analyser) devrait permettre à la Chine de renforcer son système politique rigide à parti unique et à contrôle centralisé, en alliant une sorte de régime « technautoritaire » au libre-choix des acteurs économiques, pour autant qu’ils entreprennent, produisent, consomment et s’abstiennent de critiquer le régime, toute déviance étant susceptible d’être rapidement détectée par de puissants algorithmes.

D’ailleurs, jamais un chef d’entreprise, cadre ou employé chinois rencontré par l’auteur de cet article dans le cadre de ses activités commerciales n’a manifesté, même en aparté, que ce soit en Chine ou en Europe, le souhait d’un changement de régime, aussi corrompu que l’interlocuteur chinois puisse penser que le régime actuel soit.

Conforté de l’intérieur, le régime chinois projette aussi des ambitions hégémoniques vers l’extérieur. L’initiative « One Belt, One Road » (la « Nouvelle route de la soie » qui, d’après une estimation de CNN, devrait englober 68 pays représentant 4,4 milliards d’habitants et 62% du produit mondial brut) n’en est qu’une illustration.

« Easternisation », le livre phare de Gideon Rachman sur l’orientalisation du monde, reste d’une actualité d’autant plus brûlante qu’entre-temps la Chine achète du pétrole à la Russie dans sa devise, le yuan, et offre sur le Forex de Shanghai des contrats à terme sur le yuan garantis par l’or, en incitant certains (dans la foulée de la chaîne d’information américaine CNBC) à parler de « pétro-yuans ».

Les États-Unis

Certes, toute annonce de la disparition du dollar US comme principale monnaie de référence et de la perte par les États-Unis de leur rang de première puissance mondiale serait grandement prématurée (c’est la thèse du professeur d’université et actuel ministre belge des Finances Johan Van Overtveldt dans son livre A Giant Reborn : Why the US Will Dominate the 21st Century).

Mais, gageons qu’un Bretton Woods à rebours avec le rétablissement d’un étalon-or dans un système monétaire international bâti autour du yuan transformerait à coup sûr les règles du jeu dans le contexte d’inventivité et de laxisme monétaires prévalant aujourd’hui dans l’Occident.

L’euro, par nature multi-national et non fédéral, n’est-il pas, comme se plaît à le souligner Bruno Colmant dans son dernier livre, L’euro : Une utopie trahie ?, contrairement au dollar (et au yuan…), une monnaie sans référant autre qu’elle-même ?

L’Europe et la Russie

Cet aspect amène tout naturellement à aborder la situation particulière de l’Allemagne, tout à la fois le pilier de l’Union européenne et son maillon faible car si l’Allemagne détient une grande partie de la dette en euros grâce notamment à la grande productivité de son industrie, elles en deviennent l’une et l’autre hautement vulnérables à la faillite de l’une de leurs principales contreparties (l’Italie, la France…) et, partant, à une dislocation de l’euro qui ne ferait qu’aggraver le cataclysme financier et économique qui s’abattrait immanquablement sur l’Europe toute entière.

Quelle alternative resterait à l’Allemagne que d’embrasser une Russie à laquelle sa richesse en matières premières et les avancées technologiques garantissent une prospérité certaine, et ce, on l’a vu ci-avant, quelles que soient les sanctions dont l’Occident l’accablerait ? Une Russie avec laquelle l’Allemagne a une longue histoire d’alliances et de mésalliances, une Russie, enfin, qui, partageant plus de 4 000 km de frontière avec son client sub-sibérien, pourrait tôt ou tard lui préférer son voisin chrétien…

Le Japon et le reste de l’Asie

Que le Japon mue et s’émancipe, pas uniquement en raison des Abenomics (moins d’impôts, plus de consommation) et de la proximité des prochains J.O. de Tokyo (beau prétexte pour renouveler et développer les infrastructures), mais aussi en raison d’une certaine dépréciation du yen et de la volonté de remilitariser le pays (autre opportunité d’investissement) dans le cadre d’un pacte d’assistance mutuelle avec les Etats-Unis, l’Inde et l’Australie, ne pourrait que l’aider à redéployer et à moderniser son économie.

Quant aux autres pays asiatiques, disposant de diasporas chinoises plus ou moins nombreuses et industrieuses, ils n’auront, à en voir l’exemple du Pakistan, bientôt plus à se préoccuper des caprices du dollar américain pour rembourser les dettes qu’ils auront contractées en vue d’adapter leurs infrastructures à leur expansion démographique.

La Grande-Bretagne après le Brexit

La Grande-Bretagne a pris de l’avance sur le train. A l’époque, elle s’était montrée plus conciliante au sujet de Hong Kong qu’au sujet des Malouines. Récemment, elle a fait appel à la Chine pour construire de nouvelles centrales nucléaires, les exploiter et les surveiller, domaines sensibles et stratégiques s’il en est, a fortiori au temps de l’IoT (Internet of Things).

Pourquoi s’arrêterait-elle en si bon chemin et n’emprunterait-elle pas à la Chine, la technologie et les moyens destinés à moderniser ses infrastructures et à rendre son industrie hyper-compétitive, de façon à compenser le handicap commercial que représenteraient les droits à l’entrée sur le marché unique européen (dans l’hypothèse d’un « Brexit dur »), voire à lui permettre de fournir à l’Europe de l’énergie si le gaz russe n’y suffisait pas après que le Vieux Continent soit passé au tout solaire, tout éolien ?

En compensation de quoi, la Globale-Bretagne, dont la communauté chinoise compte déjà pour près d’un pour cent de la population, procurera aux Chinois les plus avertis, d’où qu’ils viennent et quels qu’en soient leurs motifs, une oasis de stabilité financière et de modération fiscale et sociale, s’appuyant sur une tradition d’état de droit et une expertise avérée en matière d’offshore ainsi que dans le trading de monnaies de référence et de l’or. Il y a bien plus de deux solutions au casse-tête britannique, encore faudrait-il que l’imagination et l’équanimité soient au pouvoir et le bouffon hirsute qui sert au Royaume-Uni de ministre des Affaires étrangères, mis au placard.

Sur le web

  1. Les guerres de l’opium opposèrent au XIXe siècle la Chine de la dynastie Qing qui entendait interdire son commerce à plusieurs pays occidentaux – Royaume-Uni, France, États-Unis, Russie – qui souhaitaient le continuer.
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  • La Chine est déjà en effet un partenaire intérêssant mais si la GB importe ses talents,elle n ‘en est pas encore à exporter vers elle. Or l’équilibre des échanges est important. C est peut être son savoir faire à la City que May peut exporter mais les high fliers sont plutôt hostiles au gouvernement car la restructuration va couter des milliers de jobs au pire et au meilleur des expatriations forcees.

    La City est bien inquiète et elle est allée voir Barnier en masse il y a qq semaines

    Ses banques delocalisent. Le Français à la tête du Stock Exchange n a pu réaliser sa fusion avec un important groupe similaire ce qui aurait amorti le choc avec le changement de cap. La City est affaiblie. Et en plus les passport rights disparaissent….

    ,

    • @ bawden
      Ben oui! Évidemment, le « brexit » va coûter au Royaume -Uni, au moins 75 000 emplois comme dit récemment par la banque nationale britannique.

      Et Paris n’est pas la seule solution comme tête de pont de la Grande Bretagne en Europe, Frankfurt, Amsterdam et Luxembourg sont des candidats sérieux et intéressants et déjà préparées à les accueillir! (d’autres aussi peut-être), avec déjà des résultats positifs. Mais une traversée du désert britannique est inévitable: au moins les 2 ans de négociations avec des périodes ensuite, probables.

      Le brexit n’est en rien le « gros lot » des commentateurs de Contrepoints à la veille du référendum! Et l’U.E. n’a rien perdu avec le U.K., ce pays membre opportuniste, un pied dedans, un pied dehors, suivant ses seuls intérêts et ceux de son cousin et tuteur U.S.!

      • Paris est la seule à ne pas faire le moins du monde crédible en tant que place de repli. Et si l’UE n’a encore rien perdu, le Brexit n’est pas effectif et ça ressemble donc au « pas vendu, pas perdu » des boursicoteurs.
        Ce Brexit ressemble pour le moment à un raisonnement à la française, où l’UE se moque de perdre si les Anglais perdent, eux, plus gros. Il est beaucoup trop tôt pour savoir qui se sortira le mieux de la traversée du désert, mais je me garderais bien de penser que l’UE n’y laissera pas bien des plumes, si elle ne veut pas comprendre les règles du commerce et du libre-échange…

        • @ MichelO
          D’accord: rien n’est fait!
          L’ U.E. y perdra incontestablement en « puissance ». Elle doit négocier au mieux de ses intérêts, bien sûr, mais doit aussi veiller à ce qu’une sortie d’un pays membre de l’€zone et de l’U.E. ne soit « séduisante »!

          Th.May a déjà quitté son attitude dure: il y a des raisons à cela!

          Il n’est pas question, ici d’une fugue d’adolescent, mais de rompre des liens à bénéfices partagés: les deux y perdront!

          Et comptez sur J.C.Juncker (pas tout seul), son expérience et son niveau, après 20 ans à la tête d’une nation plus libérale que beaucoup en Europe!

          • Les intérêts de l’UE ne sont manifestement pas ceux des individus qui y résident, qui auraient tout à gagner à un Brexit vers une situation de membre associé, à la norvégienne, préservant le libre-échange et la prospérité induite.

  • L’énoncé est dans le titre. Le casse-tête ne vient pas du royaume uni. Ou comment, sur un site libéral, on legitimise une organisation kafkaïenne. C’est trop compliqué. Quel argument.

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