L’écriture inclusive menace la liberté d’expression

L’écriture inclusive n’est pas simple, on pourrait même dire qu’elle rend les mots illisibles.

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L’écriture inclusive menace la liberté d’expression

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 19 octobre 2017
- A +

Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari

Je dois faire un aveu : il y a encore quelques jours, j’ignorais tout de l’écriture inclusive.

Depuis, j’ai eu le temps de me plonger dans le débat en lisant les réactions, indignée de Raphaël Enthoven sur Europe 1, prudente de Jean-Michel Blanquer sur LCI, enthousiaste de Raphaël Haddad, auteur d’un Manuel d’écriture inclusive, ou pleine d’humour de Gaspard Koenig.

Initialement, je me suis dit « Pourquoi pas, si c’est simple ». Un des problèmes est bien celui-là : l’écriture inclusive n’est pas simple, on pourrait même dire qu’elle rend les mots illisibles.

Plus grave, ce nouveau combat s’inscrit dans cette tendance à nous faire croire que l’usage de certains mots puisse être aussi violent que les agressions physiques justifiant une censure à l’égard de ceux qui continueraient à les utiliser. Cette tendance est de plus en plus marquée au sein de nos sociétés et je crois qu’il faut la prendre pour ce qu’elle est, à savoir une réelle menace pour la liberté d’expression.

 

La difficulté de rester lisible aussi bien à l’écrit qu’à l’oral

Peut-être ne savez-vous pas ce qu’est l’écriture inclusive. Sachez qu’elle a son site, un manuel et la maison d’édition Hatier a publié en mars dernier le premier manuel scolaire rédigé en écriture inclusive. Cette dernière « désigne l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes. »

Pour ce faire, elle propose donc d’accorder au féminin les noms de métiers, fonctions comme l’enseignante, la directrice, etc. ; de ne plus mettre de majuscule à Homme comme dans les droits de l’Homme (qui désigne ainsi les femmes et les hommes) ; d’utiliser la double flexion, la déclinaison au féminin et au masculin comme dans « elles et ils font bon ménage » ; ou l’utilisation d’un mot épicène, c’est-à-dire un mot qui n’a pas de genre grammatical comme « les membres ».

Jusque-là, les choses semblent encore assez faciles à mettre en œuvre en dépit de l’utilisation d’un jargon qui peut faire un peu peur. Là où les choses se corsent, c’est lorsqu’il s’agit d’écrire « les promoteur.rice.s de la méthode inclusive » tout en gardant une écriture lisible aussi bien à l’écrit qu’à l’oral.

Toutes ces propositions ne feraient sans doute pas polémique si elles ne risquaient pas, au final, de rendre l’écriture plus complexe, la lecture plus difficile. Mais les risques associés à l’écriture inclusive ne s’arrêtent pas là. Celle-ci nous rapproche des formes d’exclusion et de censure identiques à celles qu’on voit se développer aux États-Unis autour des notions de microagressions, d’espaces protégés et d’avertissements. Depuis plusieurs années, il y a une tendance à prohiber, contrôler tout ce qui pourrait être le rappel d’un traumatisme ou d’une injustice.

 

Reconstruction du langage

Il est évident que certaines paroles peuvent blesser cruellement et que certains mots fâchent. Il existe d’ailleurs tout un domaine du droit visant à pénaliser les discours qui appellent au crime et qui participent à l’incitation à l’usage de la violence physique. Ce dont il est question ici est cependant de nature différente.

Certains mots ou expressions ne sont pas accusés de pousser à l’action violente mais de constituer une agression émotionnelle. Pour s’en protéger, il y aurait donc une obligation de les bannir et de les remplacer par d’autres termes moins offensants.

On en arrive donc à proposer de reconstruire le langage, à bannir certaines expressions, à créer des espaces intellectuellement protégés sur les campus, à interdire certains orateurs d’y prononcer un discours, à censurer le contenu de certains cours, à rebaptiser les noms de rues controversés ou encore à déboulonner les statues à l’effigie de personnages polémiques.

 

Évitement des émotions

Cette œuvre de reconstruction vise évidemment à éviter des émotions négatives pour certains. Cependant, en pratiquant l’évitement de ces émotions plutôt que leur confrontation, il est peu probable qu’elle permette de se sentir mieux. Tout aussi grave, elle risque de multiplier les tensions en ce qu’elle menace les échanges, les conversations et interactions entre personnes.

Car c’est lorsqu’ils ont lieu que les personnes découvrent comment communiquer les unes avec les autres et font spontanément évoluer leur langage. On peut d’ailleurs constater à cet égard que l’accord au féminin de nombre de noms comme « auteure » ou « professeure » est déjà entré dans l’usage, de même que la déclinaison au féminin et au masculin.

Les choses se font progressivement garantissant ainsi une évolution de la langue qui respecte les uns et les autres dans l’utilisation qu’ils en font, sans procès d’intention.

 

De l’inclusion à la division

Comment préserver l’art de la conversation et de l’échange si le langage est de plus en plus systématiquement soupçonné de contenir des messages violents dont l’utilisateur n’a parfois et souvent même pas conscience ? Les mots qui peuvent « agresser », « fâcher » sont différents d’une personne à une autre et diviser les gens entre victimes et opprimés sur la base de leurs intentions et ressentis conduit à instaurer une police de la pensée.

Au final, ce combat va trop loin. Loin d’inclure, il divise sur des bases extrêmement floues et il est à craindre qu’il constitue une régression pour la cause des femmes. Comme l’a expliqué l’activiste noir pour les droits civiques Anthony Van Jones aux étudiants de l’université de Chicago, l’idée de se protéger idéologiquement de toute émotion négative, d’exclure toute situation susceptible de créer un désaccord entre personnes est abominable.

Pour lui, le vrai combat n’est pas de se protéger de tout mais d’apprendre à faire face à l’adversité, à défendre ses idées et à obtenir l’égalité des droits là où cela est légitime.

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  • une question que risque t on en cas d’infraction à la règle orthographique?
    A part la disparition même de la règle.

    Le plus ennuyeux reste de ne plus se comprendre. Je me fous complètement de l’orthographe ou de la grammaire à condition que ce qu’elles expriment soit compréhensible..
    Le but reste de communiquer efficacement et avec le moins d’ambiguïté possible.

    Il est très curieux que des gens qui passent des cris orfraies devant les agressions grammaticales soient des gens qui par ailleurs passent leur temps à dévoyer le sens des mots.

    Et donc pendant ce temps le « radicalisme » devient un crime…la discrimination positive combat la discrimination qui est négative.. et j’oserais dire  » je suis charly » devient un cri de ralliement…
    respectueusement ineptes et vides.

  • Effectivement, cela semble bien être une régression.
    Pour ce qui est de la confrontation, sans être spécialiste, il me semble bien qu’il y a une psychothérapie (cognitivo comportementale) qui en fait parfois usage pour soigner…

  • La langue française est la plus difficile au monde. Apprendre à lire n’est pas aisé. Si en plus, on rajoute des signes de ponctuation, des « e », « s » à la lecture, qui difèrera de l’oral, comment voulez-vous ne pas avoir plus d’illétrés au final ? Le nombre d’élèves qui ne savent pas lire correctement, et qui n’écrivent pas correctement explose sans cette complication.
    Que nos professionnels de l’écriture et du discours (politiciens, journalistes, écrivains) commencent déjà par ne plus faire de fautes d’accords en genre et en nombre avant de vouloir chambouler des règles existantes et qu’ils n’appliquent pas.

    • Edit
      Cette « écriture inclusive » rebutera les étrangers à apprendre le français. Du coup, le français seconde langue de l’Europe se verra éjectée.
      Il y a déjà un manuel écrit en ce style, imaginez la réécriture des « Misérables » de Victor Hugo ? Et les Codes qui régissent nos vies : le Code du Travail pèserait 5 kg.

    • La langue allemande n’est guère facile non plus ….

      • @marie210917
        Bonjour,
        les difficultés de l’allemand résident dans les déclinaisons héritées du latin et dans la syntaxe particulière du renvoi en fin de phrase du verbe. La conjugaison allemande est plus facile que la nôtre.

  • Tout cela n’a malheureusement rien de nouveau. Le meilleur marqueur du totalitarisme est de s’attaquer à la langue. Pourquoi? parce que c’est un système de normes qui échappe à l’Etat (un système de normes car il faut dire « table » si on veut désigner une table, « chaise » pour désigner une chaise, etc.).
    On peut se rappeler Orwell, c’est devenu bateau. Mais rappelons que l’écriture inclusive n’est qu’un exemple parmi d’autres dans le monde réel. Le mur de Berlin était officiellement le mur de protection « antifasciste », exactement comme les « antifa » se disent antifascistes aujourd’hui. On parle de « solidarité » plutôt que de redistribution, on ajoute le mot « citoyen » ou « social » qui sont creux et vides mais donnent l’impression de faire de belles choses (une « manifestation citoyenne », c’est une manifestation, et on voit mal ce que serait une « manifestation non citoyenne »).
    Mais lorsque les mots ne signifient plus rien, parler ne sert à rien et la seule alternative est la violence. Si on pense que les mots blessent et qu’on empêche les gens de s’exprimer pour cette raison, ils recourront à la force. Et alors il n’y aura plus de « safe space »…

    • « C’est dans les mots que nous pensons » (Hegel)
      En dénaturant les mots , les idéologues détruisent la liberté de pensé qui va avec.

  • « vise évidemment à éviter des émotions négatives pour certains »
    Il me semble qu’il s’agit exactement du contraire : produire des émotions positives chez les promoteurs de cette écriture quand ils voient leur suggestion largement appliquée, tandis qu’un minimum de recul et d’humour permet de vivre heureusement les malentendus et quiproquos de genre (expérience fréquente quand on se prénomme Michel et qu’on travaille sans se voir avec des anglo-saxons !).

  • Exemple parfait de la mise en place de la Novlang.

    Cette façon d’écrire, semble ignorer totalement une réalité du français, à savoir que si le féminin est toujours féminin, le masculin est tantôt masculin, tantôt neutre.

    Quand un groupe d’homme et de femme est repris par le pronom « ils », ce pronom n’est pas « genré ». Ceci n’a rien à voir avec une pseudo suprématie masculine.

    Tout aussi ridicule, la féminisation de certaine fonction : « Madame la maire » au lieu de « Madame le maire ». Quand on dit une sentinelle, ou une vigie, cette fonction est souvent occupé par un homme.

    Tout cela avait déjà été moqué par Desproges, avec son :
    « Françaises, Français, Belges, Belges ».

    • @ jesuisunhommelibre

      Quand un groupe d’homme et de femme est repris par le pronom « ils », ce pronom n’est pas « genré »…
      Ben si! Ils est masculin pluriel! Le « they » britannique, pas!

      Bon est-ce grave? Je pense qu’on continuera à dire: « il est tard », « il fait beau » …

      En tout cas, j’ai rencontré très, très peu de femmes pour se révolter de ma galanterie dans la vie quotidienne!

  • à mon avis, c’est phénomène de mode, qui passera car il rend les idées exprimées incompréhensibles.
    si cette « mode » est utile, elle entrera dans les usages, sinon, d’ici peu, on n’en parlera plus.

    • @ Gipège (et @ beaucoup d’autres)
      Cette « écriture inclusive » n’est qu’un aspect d’un mouvement plus profond qui veut, dans tous les domaines, abolir le « genre » dans toute réalité humaine pour que ne sentent discriminée aucune variante, à l’opposé du Français qui ignore le genre grammatical neutre, sauf dans de rares exceptions qui acceptent les 2 articles comme « après-midi » (mais pas « matin »!).
      C’est bien l’introduction, entre les hommes et les femmes, de tout genre possible: hommes se sentant femmes, femmes se sentant hommes: cela se vérifie parfois en biologie où à côté des femmes à chromosomes XX et des hommes XY, il existe d’autres identités chromosomiques (syndrome de Klinefelter: XXY, par exemple). Et n’oublions pas les « hésitants » dans leur tête, à biologie « logique », qui pensent que la « nature » (à qui je n’ai toujours pas été présenté!) s’est « trompée »!

      La « démocratie », c’est la volonté de la « majorité », MAIS tempérée par le respect des minorités!

      Faut-il que ce respect modifie la langue commune? À l’Académie Française de répondre AVANT que des fonctionnaires-enseignants ne décident à leur place!

      Perso, aucun mot ne me fait peur et, sur ce point de ma langue maternelle, je suivrais plutôt le point de vue d’Anthony Van Jones!

      Mais avouons-le franchement et de bonne grâce: présenter un texte sur la politique est rarement exempt de qualificatifs ou de termes excessifs, révélant, en plus du contenu, l’avis personnel de l’auteur, même ici, sur C.P., tant dans les articles que dans les commentaires.

  • Après tout, à chacun sa révolution culturelle : Mao a introduit les caractères dits « simplifiés » qui ne sont d’ailleurs pas simples car dépouillés de leurs sens.

    Et bien en 2017, pour le centenaire de la révolution d’octobre, la France révolutionne sa langue à sa manière.

  • Quand on aime pas la langue française actuelle, on quitte la France.

  • Ce combat sent beaucoup trop la mauvaise idéologie pour être honnête. Quand est-ce que l’on comprendra dans ce pays que la lutte contre les inégalités est un faux projet de société !

    • @waren
      Bonjour,
      Effectivement, le combat contre les inégalités est la rengaine/leitmotiv/slogan des dernières années. Ceux qui nous le passent en boucle pour justifier tous leurs faits et gestes, leurs gueletons, etc… sont ceux qui créent le plus de ces inégalités. Ils sont, de plus, moins touchés par celles-ci, immunisés par leur fonction. A force de lutter contre l’inégalité nous finirons également miséreux, misérables.

    • tout à fait…et il n’y a qu’une façon pour rendre les salaires égaux, c’est que l’etat s’en charge à 100%

  • Tout cela est de la connerie en barres, tout comme la « théorie du genre » qui n’existe pas.
    Pas la peine d’y perdre son temps.

  • L’écriture inclusive c’est du grand n’importe quoi. Essayez de lire un texte compliqué (genre sociologique) avec cette écriture c’est impossible. J’ai pas fini un texte à cause de cela.
    Cette écriture est une démonstration des tendances totalitaires de la gauche et des progressistes. Réécrire le language pour le faire correspondre à son idéologie. C’est typiquement ce que faisait les nazis et communistes. Vouloir que l’idéologie prenne le contrôle de la vie des citoyens dans chacun des aspects de leur vie c’est quelque chose de totalitaire

  • Les commentaires sont fermés.

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