Le tsunami numérique va déferler sur nos écoles

L’Éducation nationale doit envisager des réformes sérieuses pour se préparer au choc de l’économie numérique qui va redistribuer les cartes.

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Le tsunami numérique va déferler sur nos écoles

Publié le 7 juillet 2017
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

Pour Emmanuel Davidenkoff, auteur du Tsunami numérique, les partisans d’une école renouvelée par les technologies digitales n’ont pas pour ambition le remplacement du professeur par la machine, ni de substituer les écrans aux enseignants.

Car l’interaction ouverte par les nouvelles technologies ne peut être possible qu’à travers l’humain. « L’expression tableau blanc interactif ne veut rien dire. C’est moi qui produis une interaction avec les élèves, pas le tableau. »

Les instruments numériques sont donc de formidables outils qui, dans le cas de l’enseignement supérieur, accueillent des étudiants censés être autonomes, mais qui peuvent aussi amener l’enseignant à intervenir de façon très différente dès les apprentissages fondamentaux.

Des résistances freinent aujourd’hui encore l’avènement de cette révolution. Trois obstacles sont identifiés par l’auteur : les programmes, les modalités de recrutement des enseignants dans le secondaire et enfin la formation initiale et continue du corps enseignant.

Du collège au lycée, les programmes sont le plus souvent lourds, illisibles et confus. Le recrutement des enseignants laisse quant à lui la part belle aux savoirs académiques au détriment de la pratique, et la formation des enseignants largement inférieure dans sa durée aux standards internationaux.

Le marché mondial des talents

Coursera et les plates-formes de MOOC, les réseaux sociaux professionnels (LinkedIn, Viadeo) ou personnels (Facebook en tête), suivis par une myriade de start-ups (Talentoday, Work4Labs…) travaillent actuellement sur un nouveau Graal : être capables d’identifier les meilleurs profils via Internet, au profit des entreprises.

Une véritable bataille des marques est lancée pour les établissements qui souhaitent défendre leurs diplômes sur le marché mondialisé virtuel. Pour Emmanuel Davidenkoff, les deux filtres de recherche prioritaires des employeurs resteront le diplôme et l’établissement.

Cependant, la bataille de la reconnaissance est plus complexe : elle ne se gagnera pas sur des campagnes de communication plus ou moins habiles, mais renvoie avant tout à une véritable quête d’excellence scientifique.

Et de ce point de vue, les États-Unis ont une longueur d’avance. Et si la solution française se trouvait dans une rencontre, un croisement « fertile » entre les universités et les grandes écoles, les centres de recherche et les industries.

Plusieurs initiatives sont déjà à l’œuvre : « Grenoble mise sur le projet Giant – Grenoble Innovation for Advanced New Technologies », avec pour ambition de créer une Silicon Valley à la française autour des nanotechnologies. La région Rhône-Alpes ambitionne même la mise en place d’un continuum qui relierait les institutions de recherche et le monde économique de Genève jusqu’à Valence.

Chronique d’une privatisation annoncée

En mars 2013, Xavier Niel, fondateur de Free lançait 42, une école d’informatique accessible dès 18 ans qui ne débouche non pas sur un diplôme mais sur un emploi. L’enjeu était moins de concurrencer le secteur public que d’offrir une alternative aux jeunes qui ne se sentaient pas à l’aise dans le système traditionnel.

Le secteur privé s’est donc banalisé au fil des années : essentiellement grâce au système d’accréditation. La nouveauté qu’introduit l’école 42 réside dans une indifférence au système des diplômes et une attention accrue aux besoins des employeurs.

Un modèle de rupture loin de menacer les équilibres du système traditionnel, bien au contraire.

Pour l’auteur, l’État et le secteur public verraient même cet appétit grandissant du secteur privé pour l’enseignement supérieur d’un regard bien veillant :

Si l’État est prêt à déléguer autant de responsabilités au privé dans le supérieur, n’est-ce pas avant tout pour ne pas remettre en cause le petit business model qui permet aux castes issues de la méritocratie de prospérer, celui qui permet aux cadres dirigeants, hauts fonctionnaires et enseignants de protéger leur territoire en interdisant l’accès aux non-initiés.

Du marché scolaire à la marchandisation de l’école

En France, l’enseignement privé est à 95% sous contrat avec l’État. Des règles sont acceptées, contre lesquelles l’État prend à sa charge le plus gros des dépenses. Le choix de l’enseignement privé en France est un choix de confiance pour certains, ou de défiance pour d’autres.

Les Français restent attachés à la coexistence de deux systèmes parallèles. L’auteur va plus loin : pour lui, l’enseignement privé serait le meilleur allié de la méritocratie républicaine.

Sa puissance d’attraction ne tient pas, ou ne tient plus, à sa capacité à offrir un modèle alternatif (en l’espèce, catholique, puisque 95% du privé sous contrat est catholique), mais au contraire par sa capacité à faire réussir les élèves dans le système dominant.

Internet et les réseaux sociaux ne rendent pas cette cohabitation plus simple : dans le meilleur des cas, ils favorisent le travail collaboratif, l’échange d’informations, mais dans le pire des scénarios, ils creusent les comparaisons, la compétition ou la quête du meilleur rapport qualité-prix.

L’éducation ne pouvait pas y échapper.

Si demain, une offre privée en ligne émergeait, mélange d’enseignements automatisés et présentiels, à des tarifs abordables, elle pourrait facilement faire valoir ses qualités grâce aux réseaux sociaux et aux comparateurs. Naîtrait alors un véritable marché alternatif.

L’Éducation nationale et l’Université française ne sont pas en faillite et n’ont pas vocation à l’être : elles ne sont pas des entreprises. Mais elles doivent cependant s’engager sur la voie de sérieuses réformes qui, pour Emmanuel Davidenkoff, sont dès à présent possibles, sur la base des ressources dont elles disposent.

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  • Cela risque de saigner.
    Quand le chef de service va « embaucher » un programmeur qui manipule bien les : Tant que, si sinon, alors, faire, avec un chien de garde très méchant, et tout cela avec des Flags, des balises, et autres retour aux sous programmes xx ou yy, et tout cela avec un bonhomme, ou une bonne femme, qui fait des fautes d’orthographes à chaque mot qu’elle ou qu’il écrit, voir qu’il ou elle prononce dans une réunion pour la validation du projet.
    Cela fait 50 ans qu’on a commencé à enseigner l’automatisme en LT, cela fait 40 ans que l’on utilise les ordinateurs en usine, cela fait plus de 30 ans que l’informatique industrielle existe et on voudrait nous faire croire que la révolution numérique va tout chambouler, maintenant. Alors qu’on n’a pas été capable de « diffuser » toute la substantifique moelle de l’informatique de gestion ou industrielle au gens de rien.
    A cause du monopole de certains corps constitués qui se veulent l’élite de ces « business models ».
    Donc, ça va saigner. Et la France paiera, en même temps, tous ces retards technologiques et culturels.
    Je rappelle que la France a 10 millions de « pauvres » et 3 millions de « chercheurs d’emplois ». Mais grâce aux États socialistes passés et actuels, on préfèrera « trouver » dans les nouveaux arrivants les pépites d’intelligences artificielles alors qu’on en a plein « chez nous ».

    • Exactement.
      Et l’orthographe…. tragique!
      Remarquez, Sarko a créé la mode d’estropier le Français.

      Au moins 30 ans dans la vue, quand on voit les pays nordiques pour l’utilisation du numérique au quotidien!

      C’est dramatique de voir comment le problème est pris en France!
      Il y avait en 1992, des computer dans les maternelles germanophones. Quand une présidente d’une commission de formation l’a vu, elle a décidé que ce type de changement n’était pas bon pour les Français, et que c’était de la poudre aux yeux! Quel manque de compétence pour une femme qui croulait sous les décorations!
      Alors maintenant, l’état va nous faire payer le retard avec des programmes (des organismes de formation des copains).
      De plus, l’état général des réseaux ne permettra pas de fournir les débits nécessaires à la France numérique! Il faudrait renouveler 95% des relais (même dans les cas 5G ou Fibre)

      ENA ou Elite de Nullités et d’ Arrivistes.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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