La suppression du CICE est un bon début, la simplification doit continuer

C’est une bonne chose de supprimer le CICE qui est une cause de lourdeur coûteuse, mais en même temps, sa réforme apportera encore un peu plus d’opacité dans la gestion des cotisations sociales et le financement des organismes d’assurance.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La suppression du CICE est un bon début, la simplification doit continuer

Publié le 14 juin 2017
- A +

Par Jean-Baptiste Boone. 
Un article de l’Iref-Europe

C’est une bonne chose de supprimer le CICE, cause de lourdeur coûteuse, puisqu’il fonctionne en permettant à l’administration de prélever des sommes qu’elle redistribue ensuite.

Mais en même temps, cette réforme apportera encore un peu plus d’opacité dans la gestion des cotisations sociales et le financement des organismes d’assurance dont les recettes amputées par la baisse des charges devra faire l’objet de compensations rendant les organismes sociaux plus dépendants de l’État.

Ne serait-ce pas l’occasion de remettre à plat le système en adoptant un système concurrentiel ?

 

L’héritage Macron du CICE

Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été mis en place en 2013, alors qu’Emmanuel Macron était secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République. Il permettait de récupérer une part (4 % à l’origine, et jusqu’à 7 % en 2017) de la masse salariale brute sur les salaires inférieurs à deux fois et demi le SMIC en vue d’alléger le coût du travail, perçu comme trop important.

Logiquement, le programme En Marche ! entend poursuivre cette stratégie de réduction de coût du travail mais en simplifiant néanmoins le processus. Pour cela, il est proposé de remplacer ce mécanisme par une baisse de charges patronales de 6 points « et jusqu’à 10 points au niveau du SMIC ». En fait, selon les projections données par le programme, ces réductions sont basées sur le salaire brut, mais portent sur les cotisations employeurs.

Quels seront donc les effets de ce basculement de charges pour les employeurs, sur les comptes publics et enfin sur l’économie ?

Cette suppression n’aura pas d’effet immédiat sur le salaire brut ou net, c’est-à-dire sur la partie visible par le salarié, mais seulement sur le coût du salaire pour l’employeur, appelé salaire « super brut ».

L’employeur n’aura plus un crédit d’impôt qu’il doit aujourd’hui imputer sur son impôt sur les bénéfices de sa société l’année suivante, ou dont il peut demander le remboursement à l’État après trois ans (sauf à l’obtenir sans délai dans certains cas restreints), mais il bénéficiera d’une réduction de ses charges sociales.

Mais alors que le crédit d’impôt qu’il obtenait n’était pas imposable à l’impôt sur les sociétés, la réduction de charges augmentera d’autant son bénéfice imposable au taux de 33 % -voire 25 % si la baisse de l’IS figurant au programme Macron est réalisée.

Gain ou perte, par niveau de revenu, après le remplacement du CICE par une réduction des charges (avec IS à 25%)

Source : IREF – les montants sont calculés en intégrant l’IS supplémentaire éventuel et les intérêts monétaires sur les flux réguliers perçus à la place du CICE

 

Finalement, deux options sont à considérer pour évaluer le gain ou la perte pour l’employeur :

Le barème des taux appliqués

Ici, il est rapidement dégressif, les 7 %, taux actuel du CICE sont donc atteints dès 2000 € de salaire brut. C’est le seuil à partir duquel le système du CICE est profitable.

La réduction sera-t-elle appliquée aux salaires supérieurs à 2,5 SMIC ?

Si c’est le cas, les entreprises employant des personnes à haut salaire seront largement gagnantes. À titre indicatif, nous avons indiqué les gains éventuels dans ce cas dans le tableau ci-dessus.

 

Le bilan de ce changement sera donc différent selon la structure de la masse salariale de chaque entreprise. La réforme rendra le coût des bas salaires plus faible encore, et si elle n’est pas plafonnée, provoquera une baisse importante du coût du travail pour les hauts salaires.

Si l’entreprise est déficitaire et donc non redevable de l’IS, son gain immédiat sera plus important puisqu’il ne sera pas grevé de l’impôt sur les sociétés.

 

Conséquence pour les finances publiques

Utilisant la répartition des revenus en France donnée par l’INSEE pour l’année 2013, et appliquant la dégressivité des taux de réduction retenue plus haut, nous pouvons estimer le coût moyen relatif de cette mesure :

Variation du coût des charges net de l’impôt sur les sociétés selon la répartition des salaires

Source : INSEE et IREF

Selon l’ACOSS, la masse salariale privée est de 526 milliards d’euros. En fonction des modalités retenues – plafonnement à 2,5 SMIC ou non-, les effets de la mesure seraient très légèrement bénéfiques pour les finances publiques, ou coûteraient jusqu’à 9 milliards d’euros.

Ces réductions de charge s’appliqueront-elles aussi aux salaires des agents de la fonction publique ? La masse salariale des administrations publiques représentait 279 milliards en 2014, et celles-ci ne profitaient pas du CICE. L’application d’une telle mesure entrainerait donc une baisse de recettes de prêt de 25 milliards annuellement.

Mais cette baisse de recettes ne profiterait qu’aux collectivités locales et aux institutions hospitalières, car pour la fonction publique d’État, elle serait neutralisée du fait que le bénéficiaire est aussi le payeur. Et il est fort probable que cette baisse de charge ne concernera pas les salariés des fonctions publiques.

De ce qui précède, il y a fort à parier également que cette mesure sera plafonnée aux salaires bas, accroissant encore la progressivité des prélèvements en France.

Les charges patronales varieront de 2,3 % du salaire brut au niveau du SMIC (sous réserve que les réductions dites Fillon soient maintenues) et à plus de 35 % pour les hauts salaires.

Enfin, quoiqu’il arrive, il faudra payer encore pendant plusieurs années les créances CICE déclarées. Rien qu’en 2018, un rapport du Sénat estime à 19 milliards le reste à payer des années précédentes, dont 5,1 milliards d’euros concernent les créances acquises en 2014.

 

Conséquence pour l’économie française

Cette mesure ne modifiera pas fortement le coût du travail en France. Au mieux, celui-ci diminuerait de 2 %. Si l’on retire les hauts salaires de cette mesure, il augmenterait légèrement.

Simplifiant le CICE, la réforme entend poursuivre sa logique, sans l’amplifier ni l’amoindrir. Cependant, elle crée une distorsion supplémentaire sur le coût des salaires. Proche du SMIC, le coût du travail continuerait à diminuer, permettant éventuellement aux peu qualifiés d’entrer sur le marché du travail. De ce fait, un effet transitoire sur le chômage peut être attendu.

 

Simplifier encore

C’est une bonne chose de supprimer le CICE qui est une cause de lourdeur coûteuse puisqu’il fonctionne en permettant à l’administration de prélever des sommes qu’elle redistribue ensuite.

Mais en même temps, cette réforme apportera encore un peu plus d’opacité dans la gestion des cotisations sociales et le financement des organismes d’assurance dont les recettes amputées par la baisse des charges devra faire l’objet de compensations rendant les organismes sociaux plus dépendants de l’État. Ne serait-ce pas l’occasion de remettre à plat le système ?

Pour notre part, nous croyons qu’il serait temps de réfléchir à une refonte des aides sociales pour affecter ce qui relève de la solidarité à l’impôt tandis que ce qui relève des assurances serait rendu à la liberté des assurés et des assureurs dans un système concurrentiel qui tendrait à offrir à chacun un choix, encadré par la loi, de sa police d’assurance et une réduction sensible des tarifs due à la compétition entre assureurs, comme cela existe à l’avantage de tous pour les assurances automobiles.

Sur le web

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

En 2021, sous l’égide de l’OCDE – dont les salariés sont exemptés d’impôts – la plupart des pays se sont entendus pour revoir le fonctionnement de l’impôt sur les sociétés. Selon ces pays, l’IS ne serait plus adapté à l’ère du numérique qui permet de facilement comptabiliser les profits dans des pays étrangers. Cet accord a accouché de règles complexes pour allouer les revenus à une juridiction fiscale plutôt qu’une autre, et un taux minimum de 15 %.

Sans étonnement, deux années plus tard, le projet n’a toujours pas été implémenté au g... Poursuivre la lecture

Après le vaccin contre le covid, aurons-nous un jour un vaccin contre la taxomanie, cette maladie qui ronge les élites occidentales depuis déjà plusieurs décennies ?

Pour cause, l’année 2022 n’est pas encore terminée que le réveillon 2023 s’annonce d’ores et déjà salé. Annoncé le 15 décembre par l’ancien président du Conseil italien et successeur de Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie Paolo Gantilloni, l’instauration d’un taux minimal européen d’impôt sur les sociétés (IS) a été validé à l’unanimité des dirigeants de... Poursuivre la lecture

0
Sauvegarder cet article

Par Géraud Lebas[1. De formation initiale en gestion, Géraud Lebas possède une décennie d'expériences en tant que comptable et acheteur. Attiré par l'énergie et l'industrie, il s'est depuis reconverti en électrotechnique dans le secteur aéronautique.].

Où part le salaire des employés français ? La question, légitime, du salaire complet, refait surface en ce début d'année avec le prélèvement à la source.

Il est intéressant de se placer du point de vue de l'employeur. Celui qui, à la base, paie tout. Car distinguer, pour la forme,... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles