Montée du FN : mais à quoi joue Emmanuel Macron ?

Pour Emmanuel Macron, les électeurs de François Fillon seraient antirépublicains et favoriseraient une montée du FN. Il devrait se méfier de sa stratégie.

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Montée du FN : mais à quoi joue Emmanuel Macron ?

Publié le 10 avril 2017
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

François Hollande est inquiet. Il l’a dit et répété. Son dernier combat, celui qu’il doit mener contre le Front national, l’angoisse. C’est son engagement ultime, avant de quitter le pouvoir : empêcher la victoire de la menace d’extrême droite. Ses interventions sont pesées, graves, presque dramatiques.

La montée du FN plutôt que le bilan du quinquennat

Il a raison : l’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République ferait prendre un risque grave à la France. Mais le Président n’est pas parfaitement honnête envers lui-même : il ne pousse pas jusqu’à faire un examen de conscience, lequel pourrait lui révéler que le succès du FN est, en grande partie, le reflet de son échec.

C’est qu’en réalité, ses larmes de crocodile ne servent qu’un but, double : d’abord, transformer le débat présidentiel, qui devrait porter sur des bilans (dont le sien) et des projets, en une confrontation pour ou contre le FN, le camp de l’opposition à l’ennemi étant incarné par Emmanuel Macron ; ensuite, ce faisant, radicaliser l’électorat du FN pour qu’il se mobilise également.

L’enjeu est unique : faire baisser François Fillon pour l’éliminer et assurer un second tour entre le candidat du Président et l’extrême droite.

Emmanuel Macron veut-il interdire Les Républicains ?

Emmanuel Macron s’est d’ailleurs engouffré avec véhémence, ces derniers jours, dans cette voie. À Marseille lors d’un meeting, puis dans un entretien avec le journal Le Monde, il a expliqué que « François Fillon a décidé de s’appuyer sur une droite qui rompt avec le respect des principes qui ont fait la République » (source : Le Monde), précisant également : « Il y a peu de moments où le nom de ce parti [Les Républicains] a été si immérité par celui qui en porte les couleurs (…). Ils ont décidé de tourner le dos à la République pour embrasser Sens Commun. Eh bien, honte à eux ! » (source : JDD). Au passage, il a dénoncé « un clan aux pratiques inacceptables » qui est « le masque de la haine et de l’indignité » (source : Public Sénat). En clair, il reprend l’antienne de la Gauche : « la droite, c’est juste une version light de l’extrême droite », ou « la droite, c’est tous des fachos ».

Soyons clairs : on peut être en désaccord avec Sens Commun, sur sa vision de la société ou de l’économie ; ne pas approuver la façon dont ce mouvement monothématique s’est mobilisé au sein des Républicains ; ne pas partager sa vision du monde, qui consiste à tout juger à travers un seul critère ; être agacé par sa prétention à incarner seul le renouvellement et l’engagement noble et moral en politique. Mais aucun de ces arguments n’explique en quoi le mouvement serait antirépublicain. Au demeurant, porter dans le débat public un message inspiré par une conviction religieuse (si c’est ce qui lui est reproché) n’est en rien contraire à la laïcité.

S’il considère que François Fillon, Les Républicains et Sens Commun sont devenus des ennemis de la République, qu’Emmanuel Macron aille au bout de son raisonnement et demande leur interdiction pure et simple. Il existe en France des lois qui permettent de sanctionner les factieux.

Voter pour la droite favoriserait la montée du FN ?

La réalité électorale est très loin de cette caricature. La droite française en général et l’électorat de François Fillon en particulier ne se limite pas à Sens Commun. On y trouve des gaullistes, des libéraux, des centristes et d’autres… autant de sensibilités classiques et historiques à droite, qui considèrent que le pays a aujourd’hui besoin d’une profonde rupture économique et que le candidat LR est le seul à la proposer. C’est sur ce point que devrait porter le débat. Il n’est d’ailleurs pas tout à fait anodin que le procès en extrémisme de François Fillon soit intervenu en conclusion d’une semaine qui avait porté sur les débats économiques, plutôt à son bénéfice.

Ce recyclage est un immense classique des campagnes électorales de Gauche, qui répètent à chaque échéance : « voter pour la droite, c’est faire le jeu du FN » ou « si la droite passe, ce sera comme si le FN était élu ». Le but est évident : réunir le « vote utile », pour que l’ensemble des électeurs de Gauche se mobilisent derrière le candidat qui sauvera la République. Plus François Fillon est décrit comme un homme malhonnête à la limite du fascisme, plus l’électeur de gauche sera tenté de voter Macron (et non Hamon, par exemple), pour garantir un second tour « Macron/Le Pen ».

Cette stratégie d’Emmanuel Macron est cynique, mais compréhensible pour mobiliser la gauche, mais elle présente un risque énorme : celui de favoriser une montée du FN non au premier, mais au second tour, s’il l’oppose à Marine Le Pen. Qui peut prévoir les effets de trois semaines d’invectives pendant lesquelles Emmanuel Macron aura répété de façon subliminale aux électeurs de François Fillon qu’ils sont des « antirépublicains » en puissance ? Combien d’entre eux seront tentés de répondre : « puisque tu considères que je ne suis pas républicain, je vais te le prouver », soit en ne votant pas, soit en votant pour le FN ?

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  • Cette stratégie de diabolisation n’est pas neuve mais elle marche encore elle a un double effet kiss cool : elle flatte l’électeur de gauche conforté d’être un digne partisan du camp du bien, l’électeur de droite diabolisé est réduit à l’état de fasciste/ulta libéral/intégriste . Ce mépris affiché pour toute une part de la population ( qui bien souvent marne pour les nourrir ) est mortifère.

  • ils sont tous obnubilés par la montée du FN ; et plus ils en parlent , plus le FN monte ; pour une fois , ils sont tous d’accord sur un point ; mais le FN ne passera pas , puisque de toute façon , s’il est au second tour, droite , ps et cie se donneront la main pour contrer marine le pen ; c’est ce qu’il se passe à chaque élection , et pour la présidentielle il en sera de même :

  • La conclusion est hasardeuse. Comme si la gauche ou Macron pouvait influencer avec des mots le vote des électeurs de Fillon et inversement.

  • Je ne me suis jamais considérée somme d’extrême droite, suis catholique et profondément attachée à ce pays, sa cuklture, sa société qui bien qu’imparfaite (mais qui se targue d’être parfait? Marcon peut-être), sa culture immense de Rabelais à François Villon en passant par Ronsard, Emile Zola et tant d’autres, qui nés hors de ce sol, ont adoptés ses idées, sa grandeur et sa langue; bref je suis Française, prête à faire une place à ceux qui n’y sont pas nés à condition qu’ils adhèrent à sa grandeur et ses valeurs (attention à ce moment trop souvent baffoué) mais je refuse qu’un petit roquet héritier du grand fossoyeur Holande, se retrouve Président de la république. Bref je voterai en mon âme et conscience poour le faire battre. Comprend qui veut!!!!

    • Oui, en effet, difficile à comprendre votre position…
      1) catho assumée vous semblez tenir à être représenté par un type a la moralité effrayante… qui donnait des leçons de moralité à ses adversaires de droite… et qui lui aussi se dit catholique et demande aux autres d’arrêter de vivre de l’assistanat, que lui pratique pour sa famille, sans même avoir conscience de ce total manque d’éthique .

      2) Macron est un jeune ambitieux… sans doute est ce cela qui vous gêne? Il est en tout cas le seul qui parle à toute les catégories de Francais… là où fillon ne parle qu’aux anciens, qu’à ceux qui ne travaillent pas…

      Je vous envie, car moi, je vais voter blanc probablement…

  • Plus le temps passe plus Macron dévoile son côté socialiste!

  • Avant 81 le FN etait quasiment inexistant (meme pas 1 % des voix). Meme si le PS l a instrumentalisé (clair dans le cas de Mitterrand) c est quand meme pas la raison s il est assuré d etre au second tour et que Fillon est lui en passe de finir derriere Melanchon !
    Il faut quand meme saluer la performance des 2 cotés:
    -coté FN: un parti qui n a pas de programme economique credible reussi a etre le premier parti (grand merci a la délinquance qui est le meilleur agent electoral de Marine)
    -cote LR : une performance epoustouflante. On passe de candidat quasi assuré de vaincre a loser ! C est sur que faire un emploi fictif pour sa femme et ses enfants et se faire payer ses costumes par le porteur de valise de la francafrique c est tres fort. Ou avait il la tete pour declarer qu il n arrive pas a mettre de l argent de coté en gagnant 22 000€/mois ?

    Bilan: on rique d avoir a choisir entre peste et cholera.un deuxieme tour Le PN/Melanchon 🙁

  • « l’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République ferait prendre un risque grave à la France »

    M’est avis que tous les candidats vont enfoncer la France un peu plus dans son marasme. De même, s’agissant de « risque grave », les français qui bossent ou veulent bosser (car tout le monde n’est pas logé à la même enseigne en « France ») subissent déjà les décisions désastreuses et irresponsables prises jusqu’à maintenant.

  • Selon Filteris, Emmanuel Macron n’a jamais été 2ième, c’est François Fillon qui était second. Peu importe, Jean Luc Mélenchon se classifiera au premier tour et gagnera au second contre Marine Le Pen. Il botte le derrière de Macron de la pointe de ses souliers.

  • Cette diabolisation de tous les électeurs de droites est une arme à double tranchant : pour les législatives, le front républicain ne marchera plus, et avec les triangulaires et quadrangulaires qui se profilent, c’est un front anti-gauche qui va se cristalliser.

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