Comment le Portugal a gagné la lutte contre la drogue en ne la menant pas

La politique concernant les drogues menée par le Portugal est une alternative crédible au tout répressif.

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Comment le Portugal a gagné la lutte contre la drogue en ne la menant pas

Publié le 31 mars 2017
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Par Abigail R. Hall.
Un article de la Foundation for economic education

Depuis plus de 100 ans, les États-Unis cherchent à interdire la consommation de drogues. Les partisans de la prohibition affirment qu’en rendant illégales des substances comme le cannabis, la cocaïne et l’héroïne, l’État peut significativement réduire la criminalité liée à la drogue, combattre la toxicomanie et arrêter la propagation des maladies liées à la consommation de stupéfiants.

Cette politique n’a pas eu les effets escomptés. Michael Botticelli, directeur du Bureau de la politique nationale de contrôle des drogues, a déclaré que la guerre contre les drogues était constituée d’échecs politiques et pratiques.

Parmi les alternatives à la guerre contre la drogue, il existe l’option de la dépénalisation des drogues, c’est-à-dire l’assouplissement de l’application de la loi et sanctions pour les infractions liées à la drogue, et la légalisation de toutes les drogues.

Oui, toutes les drogues.

 

Le cobaye portugais

Ces options peuvent sembler contre-productives, mais les données racontent une autre histoire.

En 2001, le Portugal a choqué le monde en votant la dépénalisation de toutes les drogues en réponse à un problème croissant d’héroïne.

Le trafic de drogue demeure illégal mais les consommateurs de drogues sont considérés comme des malades plutôt que des criminels. Au lieu d’une arrestation et d’une incarcération immédiate, les personnes prises avec moins de 10 jours d’approvisionnement en drogues dures sont conduites devant un tribunal spécial d’experts légaux, de psychologues et de travailleurs sociaux. Le but est d’arriver à une solution qui s’occupe d’abord de la santé du patient, avec une petite amende occasionnelle ou un travail d’intérêt général.

Quinze ans plus tard, la catastrophe prédite par de nombreuses personnes est démentie par les données. La consommation de drogues parmi les jeunes de 15 à 24 ans a considérablement diminué et les décès dus à la drogue sont tombés de 80 en 2001 à 16 en 2012.

Avant 2001, près de 100 000 consommateurs de drogues étaient condamnés au Portugal. Dans les 10 premières années de l’adoption de la politique, ce nombre a été divisé par deux. Aujourd’hui, le Portugal possède l’un des taux de consommation de drogues les plus faibles de toute l’Europe.

 

Un très faible taux de consommation de drogues

Les gens quittent le marché des drogues et cherchent un traitement. Le nombre de personnes enregistrées en réhabilitation est passé de 6000 en 1999 à plus de 24 000 en 2008. Le nombre de consommateurs d’héroïne par injection est passé de 45 % à 17 %, ce qui est particulièrement important lorsque l’on parle de maladies liées à la drogue : ainsi, les toxicomanes ne représentent plus que 20 % des cas de VIH dans le pays, une amélioration significative par rapport aux 56 précédents.

Ces résultats peuvent être expliqués par des considérations économiques de base. À mesure que les gens obtiennent de l’aide pour combattre leur addiction à la drogue, le nombre d’utilisateurs, c’est-à-dire la demande de drogue, diminue. Lorsque la demande baisse, les fournisseurs de drogue constatent que leur entreprise autrefois lucrative ne porte plus ses fruits. Ils sortent donc du marché.

 

Redirection des ressources

Cela expliquerait pourquoi une étude de 2010 dans le British Journal of Criminology a révélé qu’après la dépénalisation, le Portugal a observé une réduction significative de l’emprisonnement de prétendus trafiquants de drogue, de 14 000 en 2000 à 5000 en 2010. En fait, la proportion de personnes incarcérées pour crimes commis sous l’influence de stupéfiants ou pour nourrir leur addiction a chuté de 41 % en 1999 à 21 % en 2008.

En réorientant les ressources précédemment allouées à l’arrestation et à la mise en prison de toxicomanes, le Portugal a non seulement réprimé son problème de drogue, mais il a créé une société plus saine.

Alex Steven, président de la Société internationale d’étude de la politique pharmaceutique, a déclaré :

« La principale leçon à tirer, c’est que la dépénalisation de la drogue ne conduit pas nécessairement à la catastrophe, et elle libère des ressources pour offrir des réponses plus efficaces aux problèmes que la consommation de drogues engendre. »

 

Le résultat de la politique portugaise

Il y a quelque chose à apprendre du traitement de la consommation de drogues comme une maladie physique et mentale. Considérons les résultats de la politique portugaise par rapport à l’approche américaine. Alors que les taux d’utilisation, d’incarcération et de maladie au Portugal ont tous baissé, la consommation de drogues aux États-Unis est demeurée relativement inchangée depuis une dizaine d’années.

Chaque année, 1,5 million de personnes sont arrêtées et mises en examen pour des faits liés à la drogue, dont 80 % pour simple possession. La moitié de toutes les incarcérations fédérales est reliée aux drogues.

Peu de gens pensent que l’usage de drogues n’est pas un problème. Sans aucun doute, sa consommation pose des problèmes pour la santé publique et détruit de nombreuses vies. Cependant, lorsqu’on examine l’efficacité des politiques en matière de drogues, le modèle américain n’est rien de moins qu’un échec total. Il est temps de s’intéresser aux alternatives. Comme l’illustre le cas portugais, les politiques dites radicales peuvent être parfaitement raisonnables.

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  • Très instructif.
    Mais comment procéder ainsi en France dont l’Etat est un des derniers croyants en la rédemption par la souffrance?
    Punir plutôt que raisonner intelligemment quel que soit le sujet (en matière fiscale par ex).

  • Aux USA, pour compléter, le taux d’emprisonnement rapporté à la population totale est l’un de plus élevés au monde, en grande partie comm conséquence de la « guerre contre la drogue » lancée par Nixon.
    Mais le plus important n’est pas la. En fait, avec près d’1,5 millions d’américains qui vivent directement ou indirectement du système carcéral, cette politique répressive à pour conséquence de permettre d’afficher un taux de chômage moindre que la santé économique réelle du pays ne l’imposerait.

    • Il n’est pas rare de voir des prisons privées signer des contrats avec des états qui garantissent un taux d’occupation minimal. Certains contrats garantissent des taux d’occupation de 100% sous peine de pénalité. Et que fait un état qui veut éviter de payer une pénalité?? Je vous laisse deviner. 😉

      • @ Mathrix

        Et oui! Pourquoi comparer le Portugal aux U.S.A. plutôt qu’à la France? Contrepoints ne doit pas être significativement lu dans cet hémi-continent fédéral et la France ne peut y trouver de point de comparaison! Les statistiques sur ce sujet feraient-elle défaut?

  • « Avant 2001, près de 100 000 consommateurs de drogues étaient en prison au Portugal. »
    Or, en 2011, la population carcérale était de 12 147 individus. Le nombre de prisonniers pour 100 000 habitants y est passé de 97 en 1991 à 122 en 2001, 109 en 2010 et 117 en 2011 !
    Si les autres chiffres de l’article ont la même qualité…
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_population_carc%C3%A9rale

    • Bien que je sois favorable à une telle dépénalisation, je trouve que cet article perd de sa pertinence en ne citant pas ses sources pour les données chiffrées.

    • Il n’est pas écrit que 100 000 consommateurs étaient en prison, mais avaient reçu une condamnation. Le nombre d’emprisonnés pour des raisons liées à la drogue est donné dans le paragraphe suivant, 14 000 en 2000 est compatible avec le nombre de prisonniers recensé dans wikipédia, de nombreuses condamnations étant inférieures à 1 an…

      • Oui, la peine peut être de quelques jours. Le temps de la garde à vue par exemple.

      • J’avais fait un copié-collé !

        • Ah bon ? « Avant 2001, près de 100 000 consommateurs de drogues étaient condamnés au Portugal.» est devenu « Avant 2001, près de 100 000 consommateurs de drogues étaient en prison au Portugal. »
          Si vous appelez ça un « copié-collé », il est temps de changer d’ordinateur !

    • @ Gorre

      De fait!

  • Question pratique, on ne peut pas plus empêcher les gens de se droguer que de se suicider, et question liberté individuelle c’est difficile à faire gober cette histoire de criminalité et de santé publique. Sur le site vous êtes plus timorés avec les drogues qu’avec les armes à feu, pourtant je n’ai aucun doute sur la dangerosité du second produit, et alors que cela reste une affaire de choix et responsabilité personnels.

  • Oui mais que voulons nous pour la jeune génération ? C’est français de montrer l’autorité, d’un pays à l’autre les résultats peuvent être différents. Et même au Portugal ce qu »on comprends de l’article ce n’est qu’une demi-victoire, et davantage le fait de distribuer l’argent autrement… C’est donc surtout une victoire de la sociale démocratie boboïde libertaire et pas très libertarien dans l’âme. Libertarien ce serait ne rien faire, sans placer l’argent ailleurs dans des programems de prévention ou accompagnement fumeux, quel enfumage !

    • @ corey

      C’est bien ce côté individualiste, complètement désolidarisé du groupe « malades », qui est le repoussoir du libéralisme purement théorique français: écoeurant!

  • Les commentaires sont fermés.

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