« Moi, médecin, j’ai quitté la France à cause de la politique de santé »

Témoignage d’un médecin qui a préféré quitter le carcan du système français et ses lourdeurs administratives pour trouver enfin la liberté.

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« Moi, médecin, j’ai quitté la France à cause de la politique de santé »

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 mars 2017
- A +

Par la rédaction de Contrepoints.

Jennifer Landry, médecin spécialiste en dermatologie, a décidé de s’expatrier l’année dernière. La destruction organisée de la médecine libérale l’a poussée hors de France. En interview pour Contrepoints, elle explique pourquoi elle est partie.

Jennifer, pouvez-vous nous expliquer quelles sont les raisons précises qui vous ont poussée à quitter la France ?

La décision était avant tout professionnelle.

En 2012, la politique de santé menée par Marisol Touraine a poussé les médecins  à s’organiser sur les réseaux sociaux pour s’opposer à cette destruction organisée de la médecine libérale : « Les médecins ne sont pas des pigeons », page Facebook créée par Philippe Letertre, puis le mouvement des « Libérés de la Sécu » et « Alliance des Professions de Santé » sous la forme d’un syndicat.

L’idée principale reposait sur l’abolition du monopole de la Sécu par l’application du droit européen transposé dans le droit français depuis avril 20011. Sans ce monopole de la Sécurité sociale, les professionnels ne sont plus « conventionnés » et peuvent pratiquer des tarifs européens. Sans ce monopole, les Français, eux, peuvent choisir une assurance privée qui rembourse mieux pour beaucoup moins cher. Quoi de mieux pour sauver son activité ?

Mais c’était sans compter sur l’ignorance et l’entêtement de nombreux confrères persuadés que s’attaquer à la Sécurité sociale revenait à rompre avec la solidarité nationale… qui dans les faits n’existe plus depuis des décennies.

Face à ce constat et sans espoir de changement avec les nouveaux prétendants au pouvoir, j’ai décidé d’accepter une proposition qui m’était faite depuis 2 ans en Suisse.

Le choix a-t-il été difficile ?

Quand vous comprenez que les choses ne bougeront pas ou pas tout de suite, la décision est facile sur le plan professionnel.

Elle l’est moins sur le plan personnel et familial du fait de l’éloignement… mais on s’organise différemment…

Vous parlez de solidarité nationale : qu’en est-il en Suisse ?

À mon sens, la solidarité nationale est un leurre qui permet à la Sécurité sociale de maintenir son monopole en manipulant les Français… car en toute objectivité, on parle d’une assurance, qui a sûrement le plus grand nombre de cotisants et les tarifs les plus chers, ne serait-ce qu’en Europe.

En prélevant 1/3 des salaires et 50% des revenus des indépendants, cette assurance est incapable de rembourser plus de 70% des tarifs les plus bas d’Europe… Comment est-ce possible ? Où va l’argent des cotisations ?

En Suisse, j’ai une assurance maladie qui me coûte 450€ par mois, je suis prise en charge aux frais réels, partout dans le monde. J’ai une franchise de 450€ par année, alors que la Sécu impose une franchise de 30 voire 40% des actes, sans plafond….

Je sais combien je paie, ce qui me reste à charge (la franchise) et je suis totalement remboursée pour beaucoup moins cher que ce que me demandait l’URSSAF ou le RSI !

Alors opposer la Sécurité sociale aux autres systèmes européens en parlant de solidarité nationale ou de « meilleur système de santé » est une vaste escroquerie qui ne sert qu’à spolier les Français, tuer notre économie et liquider nos entreprises pour le compte de quelques-uns… mais sûrement pas pour celui des assurés

Le bilan est-il positif ?

Oui ! Sur le plan professionnel, je suis réellement un médecin « libéral ». J’ai des règles de facturation à respecter, mais n’ai plus à me battre avec un organisme d’assurance au quotidien pour des histoires de cotations, de feuille de soins, de parcours de soins ou autres problèmes qui ne relèvent pas de la pratique médicale.

Les patients sont remboursés des actes réalisés en fonction de leurs contrats d’assurance. Je n’ai plus à intervenir dans la relation assureur/assuré qui ne me concerne pas. Le cas échéant, tout comme en France, je sais adapter mes honoraires voire ne pas facturer ; nous n’avons pas besoin de la Sécurité sociale pour respecter le code de déontologie, même si notre ministre aime à le faire croire !

Sur le plan personnel, c’est plus que positif : quand on supprime les points professionnels négatifs, votre vie personnelle ne peut qu’être meilleure.

Sans parler de certaines valeurs perdues en France que je retrouve ici, notamment l’enseignement qui repose sur la maîtrise des mathématiques et du français dans toutes ses déclinaisons.

Pensez-vous revenir un jour en France ?

Pas pour le moment. Je ne m’imagine pas retourner dans un système dont je ne vois plus que les travers…. Et force est de constater que bon nombre des médecins français ne veulent pas de changement, du moins pas les bons. La manifestation de la semaine dernière en est le parfait exemple, tout comme les précédentes.

Rien ne bougera tant que les professionnels de santé s’en remettront à leurs syndicats, financés à coups de millions par cette même Sécu.

Le changement ne se fera que le jour où les professionnels de santé auront compris qu’ils ne sont pas des salariés de la Sécu, que la Sécu n’est qu’un assureur, capable de liquider des entreprises et de tuer des familles pour son propre compte et celui des syndicats, que sa mise en concurrence serait un bienfait pour les soignants, les patients, notre pays…

Brigitte Dormont a cru briller en disant que « La médecine libérale est incompatible avec un système d’assurance maladie comme le nôtre ». Je pense que c’est notre système d’assurance maladie qui est incompatible avec une médecine libérale efficace et performante.

Quant aux professionnels de santé, tant qu’ils n’auront pas compris qu’on ne négocie pas avec un bourreau qui veut notre perte, ils seront eux aussi incompatibles avec la médecine libérale…


  1. Les caisses de Sécurité sociale étant toutes des organismes de droit privé créées et fonctionnant comme des mutuelles, elles étaient soumises à la concurrence et ne pouvaient en aucun cas nous imposer quoi que ce soit, le Code de la mutualité interdisant aux mutuelles de conventionner les médecins.
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  • En fait tout y est.

    1- la mainmise syndicale et corporatiste
    2- la lâcheté des pseudos « libéraux »
    3- la corruption généralisée, y compris des esprits.

    À noter qu’aucun candidat ne propose d’essayer de s’approcher des modèles d’assurances santés qui fonctionnent ailleurs.
    Les médecins, plus fonctionnaires que libéraux, sont les plus attachés à ce système.

    • @ Cap 2006

      Vous avez bien des médecins fonctionnaires dans vos hôpitaux publics. Les autres sont fatigués du « système » où ils sont toujours « suspects » d’avoir violé un de ces règlements qui « pleuvent ».

      Après 15 ans de travail en France, je suis rentré chez moi, dégoûté!

      Le seul symbole du « directeur de l’informatique médicale », DIM, dans un pays en pénurie de médecins autochtones, au moins localement, est une absurdité et montre bien la hiérarchie de l’administration, trop proche du pouvoir politique, bien au-dessus des « soignants » à « contraindre »!
      Mais, bien entendu, comme souvent, les médecins resteront vous boucs-émissaires!

  • Bonjour,

    100 % d’accord avec Jennifer Landry. Je suis moi-meme un medecin expatrie (d’ou l’absence d’accent sur mon clavier QWERTY) et je me suis expatrie (exile) pour les memes raisons :
    le niveau des honoraires est indigne en france, la securite sociale en situation de monopole detruit tout ce qu’elle touche : l’economie francaise, le systeme de sante, meme le tissus social, en etant a l’origine du chomage.
    Malheureusement, les francais ont ete bien desinformes et conditionnes depuis des decennies et ce syndrome de Stockholm touche aussi les professionnels de sante. Les choses mettront des decennies a changer en France. Notre systeme de sante est passe en 20 ans de la 1ere place a la 24eme et personne ne le sait ou ne veut le voir. Il faudra en passer par des periodes douloureuses pour tout le monde pour que la lumiere se fasse et que la reforme soit possible.
    Nous sommes parti en 2014 et la seule chose que nous regrettons, c’est de ne pas etre parti plus tot !

  • Mouais mouais mouais. Le système de sécurité sociale en France est clairement mal géré, mais si quand on voit ce qui se passe en Angleterre, on se dit que ça pourrait être pire. Par contre, je vis en Allemagne, où le système d’assurance santé public fonctionne parfaitement. Vous payez environ 6% de cotisation par mois, aller chez le généraliste vous coûte 10€ par trimestre, chez le spécialiste que dalle une fois que vous avez payé ces 10€, les médecins gagnent confortablement leur vie (pour peu qu’ils ne cherchent pas à devenir millionnaires, comme cela semble être le cas de cette bonne vieille Jennifer qui geint parce que les honoraires sont limités, ce qui lui empêche de facturer 120€ une piqûre, comme j’ai pu le vivre chez un médecin non conventionné en France il y a quelques années), et en plus, la caisse d’assurance maladie est en excédent!
    Je sais que c’est mal vu ici de remettre en cause le dogme privé=bien, public=pas bien, mais il faut vous rendre à l’évidence: parfois le public fonctionne aussi!

    •  » Par contre, je vis en Allemagne, où le système d’assurance santé public fonctionne parfaitement.  »

      En Allemagne vous avez le choix de vous assurez dans le publique comme dans le privé et chaque employé peur choisir la caisse maladie de son choix. Cela fait une grande différence avec les monopoles publiques comme la sécu française.

      http://fr.april-international.com/global/destination/l-organisation-du-systeme-de-sante-en-allemagne

    • @Prowler
      Bonjour,
      S’ils sont compétents pourquoi les médecins ne chercheraient-ils pas à devenir millionnaires ? Et qu’est-ce que cela peut vous faire ?
      Je ne comprends pas votre idée d’empêcher quiconque de prospérer.
      Le Docteur Landry ne se plaint pas des honoraires. Elle se plaint de ne pas pouvoir exercer son métier convenablement à cause de la Kommandantür admnistrative de notre chère Sécu’. Certes, elle est partie en Suisse, (pays des « comptes en Suisse » ; pays des caissières à 4300€ mensuels qui donnent même pas 400€ par mois en charge sociales, alors que chez nous, c’est 331 sur 1480), où elle est mieux rétribuée, où elle est : « totalement remboursée pour beaucoup moins cher que ce que me demandait l’URSSAF ou le RSI ! »
      Une piqûre à 120 €cela doit dépendre de son contenu, non ? Ce docteur n’a pas de longs jours devant lui, si d’autres confrères sont dans sa zone, il risque de ne plus pratiquer quoi que ce soit. Evidemment s’il est le seul dans un rayon de dix kilomètres…

      « mais si quand on voit ce qui se passe en Angleterre, on se dit que ça pourrait être pire » Se contenter d’être moins pire que d’autres est lamentable.

    • Prowler: il faut vous rendre à l’évidence: parfois le public fonctionne aussi!

      Vous n’avez toujours pas compris la base du constat libéral: quand ça ne fonctionne pas, et ça arrive aussi dans le privé, celui qui paie n’a aucun choix avec le public et sans aucune obligation de résultat les tares finissent par s’y accumuler d’autant plus vite que la démocratie est absente.

      Chaque achat librement consenti du privé, c’est un bulletin de vote : seuls ceux qui répondent correctement à vos attentes ont votre « voix » et le droit d’avoir votre argent.

      Vous n’aimez pas le RSI, la sécu, la SNCF ou une autre entreprise d’État en faillite ? On vous forcera à payer à coup d’huissier s’il le faut, vous pouvez même aller en prison si vous refusez.

  • totalement d’accord​ avec Mme Landry. À tous ceux qui crachent sur les soignants, qui font ce qu’ils peuvent avec le peu de liberté qu il leur reste ( je ne vise aucun commentateur ?), à tous ceux qui pensent que nous sommes des fonctionnaires payés par la sécu, et à tous les jaloux , je leur dis: ne vous étonnez pas de ne voir plus que des médecins des pays du tiers monde dans vos hôpitaux, de ne plus trouver de médecins dans vos campagnes : vous les dégoutez à tout jamais d exercer leur métier dans leur propre pays, la France. et lorsqu ils seront tous partis, vous n’ aurez que vos yeux pour chialer

    • La france est un pays ultra administré, où peu de monde peut se dire indépendant

      Et concernant les médecins, ils sont du bon côté du rapport de force… ils sont maîtres du jeu…
      peut être n’ont ils pas envie de perdre ce système pour un autre aux mains des assureurs?

  • Les commentaires sont fermés.

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