Revenu universel : ce qu’on ne vous dit pas

Que va réellement vous coûter le revenu universel ? Voici ce qu’on ne vous dit pas…

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Revenu universel : ce qu’on ne vous dit pas

Publié le 26 février 2017
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Par Anthony Alberti.

Le principe d’un revenu universel en euros semble n’être finalement qu’une nouvelle utopie à la mode, agitée par quelques porte-parole d’idéologies dépassées qui espèrent ainsi faire oublier leur incapacité à répondre aux problèmes économiques et sociétaux que traverse la France en ce moment.

Pire encore, l’essentiel de la communication lénifiante faite autour de ce sujet — qui, reconnaissons-le, a peu de chance de dépasser le stade de la théorie — se concentre sur ses avantages, et occulte totalement (volontairement ?) ses inconvénients.

Rien ne se crée, tout se transforme

Qui dit revenu universel en devise, dit nécessairement déshabiller Paul pour habiller Pierre. Exprimé autrement, il faudra bien prendre l’argent quelque part pour créer cette super-allocation généralisée, et peu nombreux sont ceux qui ont jusqu’ici donné des clés de réflexion aux citoyens afin qu’ils se fassent leur propre idée.

À ce titre, le Conseil départemental de Gironde fait figure d’exception, car il vient de mettre en ligne un site web proposant un simulateur de revenu universel. Grâce à cet outil dynamique, on peut ainsi choisir le montant versé chaque mois aux bénéficiaires, sélectionner les catégories de personnes qui pourront percevoir ce revenu (ce qui rend d’ailleurs caduque la notion d’universalité, mais passons) et même moduler la somme en fonction des individus (enfants, étudiants, actifs, retraités…).

Mais là où le simulateur présente un intérêt tout particulier, c’est qu’il offre la possibilité de déterminer le mode de financement de ce revenu universel. Et là, on comprend les réticences de certains politiques à aborder cet aspect de la question en détail.

Le simulateur propose par défaut 3 montants de revenu de base correspondant plus ou moins aux sommes les plus souvent avancées par les partisans du procédé : 500, 750 et 1000 euros par mois. On peut bien évidemment choisir un montant différent, mais le système reste le même. Immédiatement en regard du montant choisi, on nous donne le coût annuel de la mesure, et la possibilité (ou non !) de l’équilibrer avec les recettes publiques.

Premier enseignement, et non des moindres, il est impossible de financer le revenu universel dans l’état actuel des finances du pays sans couper très durement dans ce que certains aiment à appeler les « acquis sociaux » ni faire supporter le surcoût à ceux qui ont déjà l’impression de servir un peu trop souvent de vaches à lait.

Pas de revenu universel sans suppression d’allocations

Ainsi, pour pouvoir verser 500 € par mois à toute personne majeure (et 30% par enfant), il en coûterait 331 milliards d’euros par an, décomposés comme suit :

  • 16,4 millions de mineurs à 150 €/mois/personne : 30 milliards d’euros
  • 5,3 millions de 18-24 ans à 500 €/mois/personne : 32 milliards d’euros
  • 31,2 millions d’adultes à 500 €/mois/personne : 187 milliards d’euros
  • 13,7 millions de retraités à 500 €/mois/personne : 82 milliards d’euros

La seule manière de financer cette somme serait alors de supprimer certaines aides et de remanier plus ou moins profondément la politique fiscale du pays. Par exemple, le simulateur propose par défaut de supprimer le RSA et la prime d’activité (15 milliards d’économie), l’exonération sur les bas salaires (39 milliards) mais aussi et surtout les allocations familiales (36 milliards).

Rien que sur ces trois points, il n’est pas évident que les ménages les plus fragiles en sortent gagnants (par exemple les familles monoparentales bénéficiant pour l’instant du RSA et des prestations sociales).

Mais le financement impliquerait bien d’autres sacrifices à la société, à commencer par l’abandon des niches fiscales (ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, cela dit) et l’augmentation brutale de l’impôt sur le revenu (+ 150% environ !). Là, en revanche, on sent déjà poindre le ferment d’un mécontentement probable des classes moyennes à très court terme.

Le revenu universel comme outil de retour dans le passé

On comprend alors aisément que pour un revenu universel plus proche des aspirations enthousiastes de ceux qui espèrent aujourd’hui l’imposer en France, soit aux alentours de 750 euros par mois, la note risque d’être encore plus salée.

Pour une même répartition (100% à chaque adulte et 30% par enfant), on arrive à un coût global de 496 milliards d’euros par an. Et là, le financement imposerait de supprimer non seulement le RSA, la prime d’activité et les allocations familiales comme précédemment, mais aussi les différentes aides au logement. Finie aussi la déclaration de revenus commune pour un couple (donc probablement plus de « parts » non plus permettant de réduire son imposition) : chacun paiera son impôt sur ses revenus propres, comme s’il était célibataire. Et cet impôt verrait d’ailleurs son niveau passer de 9% en moyenne aujourd’hui à… 25% ! Idem pour la CSG qui augmenterait d’environ 25%, comme les différentes taxes sur le patrimoine.

Finalement, on pourrait aussi jouer à se faire peur avec l’option « revenu universel à 1000 euros par mois » (plus de 660 milliards d’euros par an). Mais est-ce seulement envisageable de tripler l’impôt sur le revenu ainsi que la taxe sur le patrimoine (nul doute qu’on verrait ressurgir alors l’idée de la taxation sur les loyers non perçus), sans oublier le passage de la TVA à 25% ?

C’est vrai aussi qu’on pourrait s’abstenir de toucher à la fiscalité et la garder telle qu’elle est actuellement, mais cela signifierait alors par exemple la suppression du système de retraites (219 milliards d’euros économisés) ainsi que de l’assurance chômage (38 milliards supplémentaires). Du côté des bénéficiaires, il faudrait également ne plus rémunérer les enfants et commencer le versement à partir de 25 ans (comme le RSA actuellement). Sachant que, même comme ça, le système serait en déficit chronique de plus de 50 milliards d’euros par an.

Décidément, sous des dehors de modernité, le revenu universel en euros s’annonce surtout comme le moteur d’un considérable retour en arrière sur le plan social.

Sur le web

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  • Je ne comprends pas la conclusion…
    Vous décrivez très bien les réformes qu’il faut faire pour parvenir au revenu universel!! Ces réformes sont plus que souhaitables. Le niveau à 750 euros me parait ideal, tant on pourrait simplifier notre bureaucratie!!! Effectivement, le chemin est très long pour y arriver.
    Je rajouterai quelques réformes en plus pour que ça passe : suppression ou baisse importante du Smic. Impôts sur le revenu dès le premier euro.

    • Actuellement, l’Etat au sens large nous prend chaque jour presque la moitié de notre sang et, en en empruntant à la Banque Centrale et en récupérant quelques poches par-ci, par-là lors de la mort de ses patients, il distribue presque 60% du volume sanguin total qui coule dans les veines de sa population.
      Rappelons que ces transfusions se font sur une population ciblée, qui, étant la plus nombreuse, a choisi qu’ils seraient bénéficiaires en net du système de vampirisation national.
      Bon. On peut effectivement aller plus loin et pomper un peu plus de sang dans les donneurs, au prétexte d’égaliser les transfusion chez les autres.
      Oui, on peut.
      On sera au final tous faiblards, mais égaux…
      Étrangement, cette métaphore abusive me fait penser à une autre. Dans un avion, en cas de dépressurisation, il est demandé aux adultes de mettre l’abord leur propre masque à oxygène AVANT d’aider les enfants et les plus faibles.
      Pourquoi ce bon sens n’est-il pas utilisé dans la solidarité nationale, et pourquoi lui préfère-y-on des solutions dévastatrices pour tous ?
      Mystère du socialisme qui continue à m’échapper…

  • L’incompréhension sur le sujet devient problématique !
    Le RU ne peut pas être de seulement quelques euros mais,au minimum le SMIC. Il ne s’agit pas de prendre à Paul pour payer Jacques mais rendre à Paul ce que prend l’État à Jacques et à Paul par les taxes et impôts que l’État prélève.universel ne veut pas dire tout le monde….En fait cela ne simplifiera que le système de redistribution actuel.
    Quand l’État donne 100 ,il en reprend 80 !

    • @reactitude
      Peu importe comment vous tournez la chose, il faudra prendre à Paul pour payer Jacques et Paul. Pour rendre à Paul ce que lui prend l’Etat, il suffit que l’Etat prenne moins et laisse plus.
      Je suis navré, mais « universel » veut dire tout le monde, et tout le monde c’est tout le monde, si on en laisse un alors ce n’est plus « tout le monde ».

      « Quand l’État donne 100 ,il en reprend 80 ! »
      Non, hélas, quand l’Etat donne 20, ou moins, c’est qu’il a pris 100, ou plus.

  • Le site est surprenant, et son ergonomie donne des indices sur sa vocation éducative il a fallu que je mette tout à zéro pour comprendre ce que signifiait « je laisse/je garde ». C’est, il me semble « je laisse cet argent aux bénéficiaires » et « je garde pour moi afin de financer ma lubie redistributrice ».
    Seconde remarque : integrer les retraites comme financement possible montre bien à quel point les concepteurs sont idéologiques. Les retraites, qui sont déjà le produit d’une répartition destiné à une frange restreinte de la population (les retraités) deviendraient ainsi une ressource commune à répartir entre tous. Belle logique en définitive !
    Enfin, quand on met tout à zéro au niveau des dépenses (tout en continuant à payer retraites et chômage qui sont hors contexte), on découvre les montants onsiderables impliqués dans les prélèvements et la redistribution. Du coup, je me dit qu’en coupant net tous les robinets à argent public et en laissant l’argent aux citoyens, ils auraient très certainement la capacité à financer entre-eux une meilleure solidarité.

  • Article très réducteur. En effet, il faut aussi s’intéresser à ce que la mesure rapporte, pas seulement ce qu’elle coûte.
    Difficile d’être exhaustif tant les changements pourraient être importants : simplification des structures administratives, donc grosses réductions de dépenses publiques ; meilleure qualité de vie pour les plus pauvres, donc moins de dépenses de santé ; moins de dépendance à l’employeur, donc plus de potentiel créatif (notamment de startup). Ne pas non plus oublier que l’argent ainsi distribué sera basiquement réinjecté dans l’économie, consommation…

    • donc si vous me prenez et dépensez 10 euros vous dites que je dois regarder comment les gens qui bénéficient de vos 10 euros sont contents ..et ignorer comment j’aurais dépensé ou investi mes 10 euros? bien sur qu’il y a des bénéficiaires!!! mais il y a aussi des perdants!!

      • Oui, des perdants entre guillemets. Il faudrait selon moi inciter ceux qui ont trop d’argent à redistribuer davantage.

    • Ah, vous y croyez à la réduction des structures administratives ❓
      On vous promet cela, et on n’en fera rien (on = le polytocard qui sera sur le trône).
      Ce n’est donc pas la bonne méthode.

      • Oui, ce serait plus facile de réduire les structures dans ce contexte de décroissance où les gens ne seraient plus sur le carreau s’ils perdent leur emploi.

  • Ben ou j’ai rien compris, ou Mr Alberty n’a pas tout dit:
    -Normalement, les bénéficiaires de ce revenu n’ épargnent pas! Ils dépensent! Logique, ils ont à peine de quoi vivre! Il y a déjà 20% de TVA de ces sommes qui reviennent rapidement.
    – En conséquence, les C.A. du commerce, si ce n’est l’industrie s’en trouvent boostés (ça pourrait presque créer des emplois 🙂
    – On peu s’attendre aussi que ceux qui en ont enfin les moyens se lancent dans de nouveaux jobs, ou une idée à exploiter ou chercher un travail hors de leur commune (déplacements relativement moins coûteux).
    A moins qu’il faille considérer tous les Français qui profitent des minima sociaux, comme des paresseux asociaux et profiteurs.

    En Suisse, on a accepté de légiféré sur ce principe avec ces corollaires et cet aspect économique et financier.

    En tout cas, ça rapporterait bien plus à la France que le sauvetage de ses banques ( 360 milliards/2008 + 30 à 40 milliards/ an) qui repartent dans leur folle avidité et suppriment des emplois à la pelle pour mettre des DAB !

    • si la dépense de ses richesses est une finalité de la vie, l’épargne est le moyen de se permettre de plus créer de richesses par la suite et de plus dépenser!!! … forcer les gens a dépenser n’est pas un bon moyen de préparer l’avenir.

  • Il est sur que le revenu universel doit s accompagner d une refonte des allocations au minimum et une refonte des impots probablement.
    Apres tout, supprimer les allocations familiales qui incitent a pondre des chomeurs n est pas forcement une mauvaise chose. De meme le quotient familal est une specificite francaise et pourrait bien etre supprimé (la encore, ca va reduire la natalité).
    Pour le reste, le revenu universel fait double emploi avec la retraite, il est donc logique de remplacer celle ci et les cotisations qui vont avec avec le revenu de base (quitte a avoir un systeme optionnel pour ceux qui veulent plus)

  • 331 Milliards d’euros dans le cas le plus sobre, pour un R.U, pas si universel que ça (« universel ne veut pas dire tout le monde » sic), et une recette fiscale, la seule entrée d’argent de l’Etat, puisqu’il ne produit rien, de 288 milliards. Quelle idée de génies mathématiques !

  • Les montants des calculs sont faux.
    Comment faire de l’infos avec des valeurs fausses.

  • Les commentaires sont fermés.

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