La dévaluation compétitive pour les nuls

Pourquoi n’utilise-t-on pas plus souvent la dévaluation compétitive pour doper l’économie ? Pour de très bonnes raisons expliquées ici.

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La dévaluation compétitive pour les nuls

Publié le 18 février 2017
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Par Guillaume Nicoulaud.

La dévaluation compétitive pour les nuls
By: Umberto SalvagninCC BY 2.0

Prenez le cas d’une entreprise française qui exporte, par exemple, du vin aux États-Unis à 10 euros la bouteille et supposez que l’euro (ci-après EUR) vaut exactement un dollar US (ci-après USD). Dans ces conditions, chaque bouteille coûte 10 USD aux acheteurs américains.

Supposez maintenant que l’euro soit dévalué de 20% face au dollar. C’est-à-dire que maintenant, l’euro ne vaut plus 1 USD mais 0,8 USD. Du point de vue de notre entreprise française, rien n’a changé puisqu’elle continue à vendre ses bouteilles pour 10 EUR mais, pour ces acheteurs américains, ça signifie qu’ils n’ont plus que 8 USD à débourser pour acquérir une bouteille.

C’est l’idée des dévaluations compétitives : dans notre exemple, la bouteille de vin française devient plus compétitive du simple fait de la dévaluation de l’euro et donc, espèrent ceux qui prônent ce type de politiques, on en vendra plus.

Mais pourquoi diable ne fait-on pas ça ?

La première raison, c’est que ce type de stratégie ne fonctionne évidemment que si vos partenaires commerciaux ne répliquent pas. Dans notre exemple, les États-Unis pourraient aussi bien répondre en dévaluant à leur tour le dollar — ce qui annulerait l’effet de notre propre dévaluation et risquerait de déclencher une guerre monétaire entre l’Union Européenne et les États-Unis1.

La seconde raison, c’est que ce gain de compétitivité à l’export ne tient que si les coûts de production de notre entreprise française ne sont pas ou peu affectés par la dévaluation. En dévaluant l’euro, vous avez fait en sorte que vos produits sont désormais moins chers à l’exportation mais les produits que vous importez, symétriquement, deviennent plus chers. Ça peut toucher les produits intermédiaires utilisés par notre entreprise française. Mais une chose que ça impactera de façon certaine, c’est le portefeuille de ses salariés.

Clairement, notre dévaluation va nécessairement générer de l’inflation : si vous faites baisser la valeur de l’euro, vous faites mécaniquement monter les prix des biens et services en euros. Pour les salariés de notre entreprise française, ça se traduit par une perte de pouvoir d’achat : ils touchent toujours autant d’euros à la fin du mois mais, comme les prix augmentent, ces euros leur permettent d’acheter moins de choses et c’est d’autant plus vrai si cette dévaluation s’accompagne de mesures protectionnistes.

C’est-à-dire qu’une dévaluation compétitive, conceptuellement, c’est une politique qui vise à subventionner les exportations des entreprises en faisant porter le coût économique de la subvention à celles et ceux d’entre nous qui touchent des revenus fixes — principalement les salariés et les retraités. C’est équivalent à une baisse générale des salaires à ceci près que c’est beaucoup plus discret : la seule chose que verront les millions de salariés impactés par cette politique, ce sont des prix qui montent.

Voilà pourquoi on ne le fait pas et voilà pourquoi ce prétendu « levier de notre compétitivité » était si impopulaire quand il était utilisé par nos gouvernements : à moins de geler les salaires et donc d’appauvrir la plupart des gens, ça ne fonctionne tout simplement pas. En France, on en sait quelque chose : sauf durant la décennie gaullienne et depuis la création de l’euro, on a essayé cette mauvaise recette des dizaines de fois — en cas de doute, voir ici et ici.

Sur le web

  1. En théorie des jeux, ça s’explique très bien avec un dilemme du prisonnier : si personne ne dévalue c’est un optimum de Pareto mais si l’un des joueurs tente une dévaluation compétitive, la meilleure stratégie consiste à faire de même (Tit-For-Tat).
Voir les commentaires (8)

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  • Mais on ne peut pas parler de dévaluation compétitive sans parler du marché des monnaies. Qu’est ce qui doit faire la parité euro/dollar…? Plus exactement qu’est ce qui doit aboutir à un variation de la parité…?
    On se doute bien que les variations de parité des monnaies doivent rendre compte des variations des économies, mais les monnaies de papiers sont déjà supposées pouvoir parce que les gens qui gèrent sont astronomiquement intelligents suivre les variations des économies nationales…

    Le fait est que comme le marché de l’emploi est biaisé en france, certains salariés sont « subventionnés », on va aller plus loin , comme en france, on honnit le marché et on le « corrige » sans arrêt « tout prix est plus ou moins factice, alors pourquoi pas la monnaie dont le marché est lui aussi biaisé?

    Imaginez une boite qui le lundi vend sans guère de marge du pif aux usa…10 euros la bouteille,qu’un gouvernement arrive au pouvoir et décide de relever le smic… l’entreprise est dans le rouge du fait de l’action du gouvernement, n’est elle pas en droit de dire, vous nous avez forcés ,mes salariés et moi, à un niveau de salaire qu ne nous convient pas…mes employés conscients de la situation économique et des faibles marges dégagées par l’entreprise acceptaient leur niveau de salaire..la faillite à venir est la conséquence directe de votre action en bonne justice j’entends que nous obtenions une forme ou une autre de dédommagement. C’est ce que DEVRAIT dire une entrepris epossiiblment rayée de la carte par des bureaucrates.

    quand on met un doigt dans le socialisme ..on y met le bras.

    Je ne comprends pas l’ inattention des citoyens vis à vis des bricolages sur la monnaie dont les effets sont comparables à des taxes décidés arbitrairement. A vraie dire je ne comprends RIEN à la monnaie papier je subis.

    • Tous les marchés sont biaisés puisqu’il y a toujours une part d’interventionnisme ; l’homme aime la liberté mais il aime aussi intervenir c’est un trait de notre intelligence. Ce qui compte c’est de trouver le bon dosage selon les circonstances, tout se joue là me semble t’il !

  • 1/Le fond de cet article est vrai mais on pourrait démontrer par l’absurde en reprenant l’exemple donné que ma foi, pourquoi ne pas faire l’inverse : une reevaluation anticompetitive pour ameliorer le sort des locaux… et là on comprend que cet article oublie un paramètre essentiel de l’equation: que la parité entre les 2 monnaies doit etre naturelle et non manipulée, hors aujourd’hui on est avec l’euro dans une situation où ses membres du Sud sont forcé d’utiliser un quasi deutch-mark …

    2/Une devaluation provoquée est subventionné par les salariés comme vous l’expliquez bien, mais une surévaluation provoquée (cas typiques des membre non performants de la zone €) a un effet assez similaire dans le sens qu’il protège (pour un temps) la valeur du capital des possédants au prix de la mise au chomage des plus faibles (non competitif avec ce taux de change) hors si on prend un cas comme la France, on peut sérieusement ce demander si les anciens 68 ard devenus les bourgeois qu’ils honnissaient ne protegent pas leur pactol coute que coute de cette maniere, hors la morale capitalise voudraient qu’ils soient rincés

  • Évidement, cela n’existe pas, on dévalue parceque le marché vous oblige a dévaluer et que vous n’avez pas les moyens de résister.
    La suisse a tenté le coup mais a fini par jeter l’éponge.

  • Sauf qu’avec une dévaluation, produire dans le pays devient rentable et donc le chômage diminue, la dette aussi, les tensions diminuent… Il faut en parler aussi non? On reconstitue donc un tissu industriel dans le pays. La seule chose qui coûte vraiment, c’est ce que l’on ne peut pas produire en France (essentiellement les hydrocarbures). Mais par exemple, pour le pétrole, quand bien même l’euro serait dévalué de 50% (ce qui est énorme!), le prix du carburant ne doublerait pas. Au pire il augmenterait de 10%… Pour le reste, on le produira sur place.
    A écouter ce genre de discours libéraux, la seule solution consiste à supprimer les monnaies nationales, les frontières… Il n’y a qu’à voir d’ailleurs, si on les écoutait, la Suisse devrait être l’enfer sur terre. Un pays fermé sur lui-même, en-dehors de l’Euro et de l’union européenne… Et hop, c’est le pays le plus riche en Europe. C’est con quand même. Autant d’arguments pour nous faire comprendre qu’il faut protéger l’Euro et qu’il nous protège, qu’une sortie de la zone euro serait catastrophique… Tout ça qui ne tient pas une seconde face à un pays plus petit que le nôtre, sans façade maritime et qui a conservé ses frontières et sa monnaie. Comme c’est ballot. Et le pire, c’est qu’il y a encore des crétins pour croire que l’indépendance monétaire est un leurre.

  • Les faits sont têtus. A moins de mesures protectionnistes, des marchandises équivalentes fabriquées dans divers pays ont forcément la même valeur de marché, ce qui détermine automatiquement un taux de change naturel qui sera celui du marché si la monnaie n’est pas manipulée. Si le travailleur d’un pays A fabrique la même chose que celui d’un pays B mais en utilisant deux fois plus de temps de travail (ou tout autre ressource), il ne pourra pas le vendre plus cher sur le marché et aura donc un niveau de vie plus faible. Toutes les manipulations monétaires n’y changeront rien. Les niveaux de vie de populations de différents pays ayant des productivité différentes ne peuvent pas s’équilibrer. C’est bien pour cela que les pays pratiquant des dévaluations à répétition n’ont jamais réussi à surmonter grâce à elles leurs faiblesses structurelles. La dévaluation est un feu de paille, le temps d’épuiser des stocks d’avant la dévaluation et le temps que tout le système productif se réajuste pour tenir compte de ce qu’il importe (les matières premières et les produits intermédiaires venant d’autres pays).

  • La dévaluation est juste un outil permettant de rééquilibrer une trop forte surévaluation. Comme l’Euro est surévalué pour la France, une petite dévaluation d’appoint ne lui ferait pas bien mal. Mais comme l’Allemagne s’y refuse (après tout, l’Euro n’est qu’un Mark bis), nous sommes coinces. D’où les idées d’une Europe a deux vitesses ou bien d’une sortie de l’Euro, ou bien d’une renégociation des accords.

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