L’Allemagne a-t-elle vraiment profité de l’Euro ?

L’Allemagne se serait taillée un euro sur mesure, asphyxiant les pays du sud par une concurrence déloyale et s’achetant ainsi sa prospérité sur le dos des autres pays d’Europe. Qu’en est-il vraiment ? Décryptage.

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Angela Merkel 2 (Crédits World Economic Forum, licence Creative Commons)

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L’Allemagne a-t-elle vraiment profité de l’Euro ?

Publié le 13 octobre 2016
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Par Simone Wapler.

L'Allemagne a-t-elle vraiment profité de l'Euro ?
Angela Merkel 2 (Crédits World Economic Forum, licence Creative Commons)

Les malheurs de la Deutsche Bank ravivent les rancœurs en Europe ; certains se réjouissent de voir le bon élève Allemagne pris en défaut. Si l’on écoute la très grande majorité des économistes et politiciens, l’Allemagne aurait profité de l’euro. Elle se serait taillée un euro sur mesure, asphyxiant les pays du sud par une concurrence déloyale et s’achetant ainsi sa prospérité sur le dos des autres pays d’Europe. Qu’en est-il vraiment ?

Les limites de l’économie

L’économie est une pseudo-science. Malgré ses récents habillages mathématiques, l’économie est incapable d’être prédictive, ce qui est ce qu’on attend d’une science. Vous voulez un autre argument ? La plupart des économistes affichent une appartenance politique. C’est inquiétant. Imaginez-vous aller consulter un médecin de droite ou un médecin de gauche pour avoir un diagnostic de droite ou un diagnostic de gauche, et enfin un traitement de droite ou un traitement de gauche ? Évidemment non. La médecine traite de l’humain mais est une vraie science, contrairement à l’économie.

Une branche importante de la pseudo-science économique traite de la monnaie. Les économistes de gauche et de droite sont unanimes sur deux points : la monnaie doit être administrée, elle n’a pas besoin d’ancrage matériel.

L’Allemagne aurait délibérément voulu imposer un euro trop fort, ce qui a nui à la compétitivité de ses voisins et explique les déséquilibres actuels.

Les bienfaits supposés d’une monnaie faible sont une des thèses favorites des économistes qui ont les faveurs des gouvernements et des vendeurs de crédit.

L’escroquerie de la monnaie faible

Voici un petit rappel historique pour contredire cette idée.

1958 : mise en place du nouveau franc. De Gaulle (et son ministre Antoine Pinay) voulaient un franc fort qui ressemble à quelque chose, montrer à la face du monde que la France était de retour dans la cour des grands.

Le “nouveau franc” français porté sur les fonds baptismaux était à parité avec le franc suisse. un NF = un FS.

De dévaluations compétitives en dévaluations compétitives, de déficits en déficits pour cause d’investissements d’avenir, la parité NF/FS juste avant l’instauration de l’euro était de… 4,50. La valeur du franc avait donc été divisée par 4,5.

Depuis les années 1970, le côté suisse de ma famille parlait du “petit franc” pour désigner le franc français.

Petit franc ou franc fort ?

allemagne-rene-le-honzecQuel est le pays qui, durant ces 60 ans, a connu la plus forte expansion économique et dont les habitants ont vu leur niveau de vie le plus augmenter ? La France et son “petit franc” ou la Suisse et son franc fort supposé être une malédiction ?

Le revenu net par habitant a plus que quadruplé en Suisse entre 1980 et 2016 (les statistiques de la banque mondiale ne commencent qu’à cette date pour ce pays). Pendant ce temps, dans notre douce France jouissant d’habiles dévaluations compétitives, le revenu net par habitant a moins que triplé.

Prétendre qu’une monnaie forte serait nuisible est tout simplement absurde. Soit un pays est bien géré, ses habitants sont industrieux, les capitaux sont bien alloués et tout va bien. Ce pays développe une industrie à forte valeur ajoutée. Soit un pays est mal géré, ses habitants prennent des vessies pour des lanternes, dépensent en dépit du bon sens et tout va moins bien. Le gaspillage détruit la valeur ajoutée.

L’économie consiste à échanger quelque chose contre autre chose. La monnaie n’est qu’une phase transitoire de cet échange. Imaginez qu’un État vous oblige à échanger vos produits et services contre des lentilles. Supposez que les lentilles soient donc la monnaie à cours forcé et légal. Par la suite, les gouvernements successifs vous indiquent que tout irait mieux pour vous si vos lentilles pouvaient être vendues moins cher à l’étranger. C’est absurde, n’est-ce pas ?

En réalité, la dévalorisation de la monnaie n’est que la dévalorisation de la valeur ajoutée par le travail des habitants d’une zone monétaire. Notre gouvernement nous brade à l’étranger mais nous taxe au prix fort sur tous les biens importés qui se renchérissent.

Les Allemands savent cela. Les Allemands méprisent la monnaie faible et les charlatans qui en font la promotion.

Oui, l’Allemagne a vendu à crédit des Mercedes, des BMW, des Volkswagen, des machines-outils… Oui, des pays à tradition de “monnaie faible” se sont crus riches et lui ont acheté à crédit, croyant profiter de l’aubaine d’une “monnaie forte”. Où est la culpabilité de l’Allemagne dans le déséquilibre commercial qui s’est installé ? Depuis quand est-on “obligé d’acheter” et surtout à crédit ?

wapler
source BCE

 

Oui, la Deutsche Bank a des difficultés, est un dinosaure qui n’est pas étouffé par ses scrupules et a plongé dans tous les coups tordus de la finance (subprime, manipulations de l’euribor, du libor, des matières premières…). Oui, le bon élève Allemagne abrite ce monstre. Mais l’Allemagne n’a pas profité de l’euro, elle a simplement profité des chimères des autres pays.

Une monnaie saine ne doit pas avoir besoin de cours légal et forcé pour s’imposer. Elle doit pouvoir être en concurrence avec d’autres monnaies au lieu d’être administrée dans le but de léser les populations à laquelle elle est imposée.

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  • de totues façons l’allemagne aurtait elle profité de l’euro…que ça ne prouverait pas que l’allemagne ( c’est qui) avait planifié cela…et donc porterait une forme de culpabilité, car il ne faut pas oublier que c’est de cela u’il s ‘agit…faire payer l’Allemagne…
    Les gens n’estiment m^me plus necessaire de trouver une légitimité à la spoliation: tu es plus riche que moi donc je te prends tes biens..même si tu n’es pour rien dans ma pauvreté relative…
    Il faut toujours en revenir aux fondamentaux, si je ne suis pas responsable de ton état pourquoi devrais je en porter la responsabilité?

    Il me semble qu’on omet souvent de prendre en considération que le vol est un acte tout à fait naturel..les gens trouvent toujours des arguments pour prendre les biens d’autrui. Une personne qui pense qu’il est convenu que le fruit de son travail doit lui revenir est bien naif.

    • Il y a quand même quelques voleurs « honnêtes » qui ne cherchent pas à masquer le fait qu’ils volent tout simplement pour obtenir la richesse qu’ils sont incapables de produire…et puis il y a nos gouvernants…

  • L’Allemagne était la lanterne rouge dans les annees 90, parce que les investissements à réaliser en rda étaient lourds. Il fallait aussi ne pas trop augmenter les salaires à l’ouest le temps que l’est rattrape, pendant que les autres pays de l’UE continuaient d’augmenter. Aujourd’hui les investissements à l’est portent leurs fruits, les salaires en général sont plus bas, l’ouverture de l’UE à l’est offre des débouchés commerciaux et de la main d’œuvre pas cher à proximité, l’Allemagne est le pays le plus peuplé au centre de l’Europe. Enfin, l’Allemagne étant spécialisé sur le haut de gamme, les classes moyennes disparaissant, aux 2 extrémités le made in deutchland et le made in china ont du succès.

  • Pour la parité FRF/CHF on est même à 6 fois.

  • Il y a beaucoup d’économistes qui partagent votre analyse (qui n’est pas du tout révolutionnaire, lisez la théorie monétaire de Mises, Hayek ou Friedman, tout y est) et quelques charlatans qui arrivent à vendre la thèse de la monnaie faible aux gouvernements et pour cause – c’est une bonne façon de spolier la population pour essayer de « récupérer » la situation après une gestion calamiteuse.

    • en fait c’est plutôt le contraire. nos gouvernants, qui sont loin d’être idiots, ont comprit il y a fort longtemps tous les avantages d’une monnaie faible et de l’inflation et ils sont toujours à la recherches d’hommes de paille pour « sanctifiés » leurs activités criminels.

  • « la monnaie doit être administrée, elle n’a pas besoin d’ancrage matériel. » La monnaie n’a ni besoin d’administration, ni besoin de point d’ancrage matériel. La monnaie, comme n’importe quel autre bien, a seulement besoin de concurrence et de liberté.

    Cette fameuse notion d’ancrage suppose l’existence d’un point fixe auquel on pourrait s’accrocher. L’or sans doute ? Mais rien n’est plus faux. L’or n’est absolument pas un point fixe. D’une façon générale, il n’existe pas de point fixe en économie. Tout est variable, fluctuant. En économie, rien n’est absolu, tout est relatif. Ceci est intimement lié à la notion de valeur qui, insaisissable, fluctue constamment d’un individu à l’autre à l’instant t, et pour un même individu entre t et t+1. Les ratios par exemple, s’ils donnent l’illusion de permettre de s’accrocher à quelque chose, ne sont que cela, une illusion de fixité. S’il existait un point fixe en économie, sa valeur serait infinie, ce qui est bien évidemment absurde.

    Si vous voulez entrer dans le raisonnement économique scientifique, vous devez accepter de tomber en chute libre permanente. L’économie est comme l’espace, un environnement infini où il n’existe aucun point fixe, aucun point central, où tout est en mouvement pour toujours. Prétendre le contraire afin de vendre de l’or est un mensonge, et contrairement à l’affirmation de l’auteur dont le charmant petit nez s’allonge, s’allonge, s’allonge, l’économie est bel et bien une science. C’est si vrai que l’économiste (le vrai pour le coup) se demandera immédiatement pourquoi les vendeurs d’or tiennent tellement à nous donner leur précieux métal puisque, selon eux, rien d’autre n’aurait de valeur. Et comme d’habitude, on se le demande…

    • « C’est si vrai que l’économiste (le vrai pour le coup) se demandera immédiatement pourquoi les vendeurs d’or tiennent tellement à nous donner leur précieux métal puisque, selon eux, rien d’autre n’aurait de valeur. Et comme d’habitude, on se le demande… »
      Exact !
      Ceci dit, les acheteurs d’or ne se distinguent pas des acheteurs de terrains, d’actions, d’œuvre d’art, etc. Il y a toujours eu (des acheteurs) et il y en aura toujours.
      Pour ce qui est des vendeurs d’or, je me doute bien que les euros qu’on peut leur donner en échange de quelques pièces ou quelques lingots (je parle d’or réel, on est d’accord, pas d’or papier) ne restent pas longtemps dans leurs comptes bancaires : il n’y pas que l’or dans la vie, même pour ces gros vendeurs.
      Mais ce sont à la base des commerçants, ils auraient tort de se priver d’une activité pour laquelle les commissions sur vente sont généralement supérieures aux plus-values à court terme.

      Si j’avais quelques tonnes ou quelques centaines de tonnes d’or en stock, j’en vendrais des petites parties (pièces, l’invitons) aux particuliers, auxquels je les rachèterait au fur et à mesure que la demande fluctue. Histoire de garder un marché actif et solvable. En revanche, rien à voir avec « mon » stock …
      Moralité, les vendeurs d’or sont … de bons commerçants 😉

    • Si vous voulez entrer dans le raisonnement économique scientifique, vous devez accepter de tomber en chute libre permanente.

      Que c’est joliment dit. On pourrait comparer avec l’univers dont on ne se sait pas ou est le centre.

  • « Imaginez-vous aller consulter un médecin de droite ou un médecin de gauche pour avoir un diagnostic de droite ou un diagnostic de gauche, et enfin un traitement de droite ou un traitement de gauche ? Évidemment non. »
    Ben, en fait, c’est ce qui se passe, ne serait-ce qu’entre allopathes et homéopathes. Sans compter les médecins naturopathes, et autre machine-pathes de tous crins…

  • L’euro monnaie sous côté d’environ 15% pour l’Allemagne est pour les allemands une monnaie faible qui fait les affaires du gouvernement mais pas du peuple.

  • A vous lire tous, l’Allemagne est un merveilleux pays si, si ,tellement beau pays et tellement plein d’avenir qu’on n’y fait tellement plus d’enfant que ce si merveilleux pays perd 200 000 habitants par an. Posez-vous la question : pour quelle(s) raison(s) !!
    Cela dit, je partage l’avis de Nathalie MP, en médecine, il n’existe pas de traitement de droite ou de gauche, je ne pratique , tous les jours, qu’une seule médecine.Et la science n’est ni de droite ni de gauche, elle existe et notre société en est le fruit.
    Moi qui ne suis pas économiste, je ne peux m’empecher de penser à la phase de Bernard MARIS:
    UN ECONOMISTE, C’EST LE TYPE QUI VOUS EXPLIQUE LE LENDEMAIN, POURQUOI IL S’EST TROMPE LA VEILLE.

  • Pardon, je voulais dire SIMONE WAPLER et non NATHALIE MP.
    Les 2 analystes voudront bien m’excuser.

  • Non seulement l’Allemagne et les Allemands n’ont pas profité de l’Euro mais ils en sont les grands perdants. Comme le souligne le graphique sur les échanges commerciaux de la zone Euro, dont l’auteur ne tire malheureusement pas les conclusions, l’Allemagne est exactement dans la position de l’Aubergiste qui donne chaque jour un billet de 20 € à chacun de ses clients pour qu’ils viennent prendre un repas à 20 € dans son auberge. Reste à savoir pourquoi les Allemands se sont engagés dans une politique aussi débile.

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