Par Gilles Martin.

De retour d’Égypte, et après le coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799), Bonaparte devient Premier Consul, dans une constitution écrite par lui et pour lui, lui donnant de nombreux pouvoirs. Dans sa biographie sur Bonaparte, Patrice Gueniffey consacre un chapitre à ses méthodes de travail et de « management ».
Napoléon écoute, réfléchit et agit seul
On comprend que Bonaparte n’aime pas le système des assemblées qui débattent et décident par vote (il est convaincu que c’est ce qui a miné la Révolution et empêché les bonnes décisions). Ce qu’il aime, c’est réunir les experts, écouter, réfléchir, et ensuite décider, plutôt seul, et surtout pas immédiatement, mais plus tard, après avoir intégré les avis. C’est un peu ce que l’on pratique aujourd’hui dans les sessions de brainstorming et d’intelligence collective…
C’est ainsi qu’avec Bonaparte il n’y a pas de conseil des ministres. Comme l’indique Patrice Gueniffey :
« D’abord parce que les ministres, conformément aux principes en vigueur depuis 1789, ne formaient pas un conseil qui eût possédé une existence collective ». « Bonaparte préférait travailler en tête à tête avec ses ministres, ou dans le cadre de conseils d’administration qui portaient sur un dossier ou un domaine spécifiques et réunissaient, aux côtés du Premier consul, le ministre compétent, ses principaux collaborateurs et, éventuellement, des techniciens, ingénieurs des ponts et chaussées ou spécialistes des constructions navales. Chaque ministre venait avec ses dossiers, les présentait, répondait à d’éventuelles questions, puis remettait ses papiers au secrétaire d’État. Jamais la décision du Premier consul ne lui était notifiée sur le champ : Bonaparte ne s’était pas mis dans la sujétion de signer en conseil. Il prenait sa décision plus tard, et hors de la présence du ministre concerné, qui l’apprenait par Maret (le secrétaire d’État) ».
Dans ce modèle, le travail avec les ministres et les différents conseils n’ont pour fonction que d’informer le Premier consul et lui permettre de prendre une bonne décision, sans qu’aucune des instances consultées y contribue formellement. Patrice Gueniffey cite Antoine Clair Thibaudeau, un des conseillers du Premier consul dans ses Mémoires :
« Sous le Consulat, qui fut un temps d’organisation et où toutes les grandes questions furent agitées sous la présidence du Premier consul, il laissa le plus libre cours à la discussion. Souvent même, lorsqu’elle paraissait languir, il la ranimait. Le Conseil était composé d’hommes d’opinions très diverses : chacun soutenait librement la sienne, La majorité n’était pas oppressive. Loin de se rendre à son avis, le Premier consul excitait la minorité. Il laissait se prolonger pendant des heures entières des discussions qu’il aurait pu terminer en un quart d’heure ».
Ainsi le Conseil d’État, qu’il a créé en 1799, n’est pas un conseil de gouvernement, qui posséderait son propre pouvoir d’initiative et de décision, mais un conseil du gouvernement, comme son auxiliaire.Les discussions au Conseil d’État, dont Bonaparte était le Président, étaient ainsi pour lui « une sorte de petite musique qui l’aidait à réfléchir ».
Mais alors, c’est quoi cette histoire de tiroirs ?
Cela fait référence à l’énorme quantité de travail que fournissait Bonaparte pour rester informé et se mêler de l’ensemble des dossiers, car il entrait dans les détails. Il disait que dans sa tête « les divers objets et les diverses affaires se trouvaient casés comme ils eussent pu l’être dans une armoire ». Il passait enfin d’un sujet à l’autre en ouvrant et refermant les « tiroirs », ainsi cela permettait d’aborder un sujet nouveau sans que celui qu’il venait de quitter exerçât la moindre influence sur celui auquel il se consacrait maintenant. Ainsi disait-il :
« Quand je veux interrompre une affaire, je ferme son tiroir, et j’ouvre celui d’une autre ».
Mais le plus subtil, c’est quand on veut faire une pause de tous ces tiroirs qui s’ouvrent et se ferment. On voit bien le danger que cela peut représenter.
Là encore, Bonaparte est de bon conseil :
« Veux-je dormir, je ferme tous les tiroirs, et me voilà au sommeil »
Peut-être que cela pourrait marcher encore pour nos dirigeants d’aujourd’hui…
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Je sais que les Français restent très admiratifs de Napoléon. Il faudrait qu’ils réalisent un jour qu’à l’étranger, hormis les clans lui ayant alors fait allégeance, il reste un personnage détesté. Inutile d’évoquer encore les hécatombes durables dans la démographie française, l’appauvrissement général du pays suite à une série de batailles qu’il finira par perdre. Il est encore étudié dans les écoles de guerre, tout comme le sont les généraux hitlériens.
On peut admirer et détester en même temps. Et il n’y a pas de raison de limiter ça à Napoléon : tous les dirigeants français de quelque envergure sont admirables et détestables, à l’exception d’Henry IV, et la plupart on laissé un très mauvais souvenir à nos voisins.
Il faut reconnaître que nous nous choisissons parfois de drôles de modèles d’admiration. Si les conquêtes peuvent faire rêver au sein de l’imaginaire collectif, on oubli souvent qu’à sa mort les frontières de la France ont même diminué. Il était toutefois un bon stratège, mais l’illégitimité de l’ensemble de ces conquêtes ne pouvaient finir autrement.
De même les psychiatres ont remarqué que les gens sont admiratifs devant les pervers narcissiques (ce que je ne dit pas de Napoléon). Avec le mal que ces personnes sont capables de faire, c’est peut-être une piste sur le pourquoi de l’histoire de l’humanité.
Paoli, un démocrate, bien que moins connu est aussi une grande figure Corse.
Oui, Napoléon était réputé pour écouter tout le monde et pas que ces ministres, mais tout un chacun et sans apriori ou discrimination (jusqu’aux repris de justice selon certains). Certainement un trait de la culture Corse où toutes les classes sociales peuvent se côtoyer en toute simplicité.
bonaparte = dictateur.
Napoleon, premier actionnaire de la Banque de France, une institution privée…
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