Par Ferghane Azihari.
Le gouvernement français a dévoilé son projet de réforme de la fiscalité en vue d’instaurer l’imposition du revenu à la source.
Les employeurs seront donc chargés de récolter directement l’impôt sur le revenu de leurs employés à partir du 1er janvier 2018. L’aboutissement de cette réforme mettrait fin à un vieux serpent de mer régulièrement évoqué dans le débat public depuis plusieurs décennies. Les partisans de cette réforme font valoir les gains en simplicité en rappelant que cette méthode est répandue dans plusieurs pays européens.
Ils occultent malheureusement un autre point plus fondamental. L’imposition à la source affaiblirait la transparence fiscale supposée fonder nos démocraties contemporaines.
Démocratie et consentement à l’impôt
Nous avons tendance à oublier que nos démocraties sont nées en premier lieu de la volonté des populations de contenir l’arbitraire fiscal des monarques.
Le vote du budget est en effet le premier pouvoir acquis par les Parlements modernes. Il s’agit là du mythique « consentement à l’impôt » qui constitue depuis 1789 l’un des piliers de notre contrat social ainsi qu’en témoigne le quatorzième article de notre Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
La fiscalité doit donc s’inscrire dans une relation contractuelle entre les administrations et les administrés. Elle est la contrepartie des services publics dont nous bénéficions. Mais la validité du contrat social dépend de l’authenticité du consentement à l’impôt. Promouvoir un consentement authentique revient dans ce cas de figure à insister sur la transparence des termes et des clauses du contrat fiscal qui lient les contribuables à l’administration.
Un débat public sain dépend en effet de la capacité des contribuables à évaluer le montant de leurs contributions au budget de l’État pour avoir une connaissance satisfaisante du rapport qualité-prix des services publics. Cette information est cruciale pour développer une réflexion critique sur les politiques publiques de la même manière que nous prenons soin de connaître les prix des produits que nous sollicitons sur le marché pour exercer notre contrôle sur les entreprises supposées nous servir. Contrôle, en effet.
Car il s’agit bien là d’un enjeu de contrôle démocratique des citoyens sur le gouvernement. Le problème de l’imposition à la source tient à ce qu’il diluera un peu plus ce pouvoir de contrôle. Dispenser les individus de payer leurs impôts eux-mêmes reviendrait à affaiblir la capacité des populations à évaluer le coût de l’État et donc le rapport qualité-prix de ses prestations. Cela paverait la voie à davantage d’irresponsabilité politique et administrative.
Une méthode déjà à l’œuvre pour des résultats insatisfaisants
Les craintes liées à une perte de contrôle démocratique ne sont pas fondées sur une démarche spéculative.
C’est une observation basée sur l’expérience dans la mesure où le prélèvement à la source est déjà à l’œuvre pour le financement de la sécurité sociale.
On peut en effet raisonnablement parier sur le fait qu’aucun Français ne connaît réellement le montant des cotisations prélevées sur la valeur de son travail pour financer les caisses de sécurité sociale qui représentent tout de même plus du tiers des dépenses publiques.
C’est d’autant plus vrai que le débat public entretient une série d’erreurs regrettables comme la distinction artificielle opérée entre les cotisations « sociales » et les cotisations « patronales » alors que ces deux prélèvements ont en réalité la même incidence fiscale. Elles se répercutent essentiellement sur le salaire des travailleurs. C’est donc environ la moitié du revenu du travailleur moyen qui est prélevée en amont sans qu’il le sache.
Personne n’oserait dire que le prélèvement à la source des cotisations a simplifié le fonctionnement de la sécurité sociale française. C’est en fait tout le contraire.
L’opacité induite par le prélèvement à la source dispense les politiciens et les administrateurs de rigueur dans la gestion des caisses de sécurité sociale. Il n’est pas certain que nous aurions le même regard bienveillant vis-à-vis de l’efficacité, la compétitivité et la performance de notre État-providence si nous avions une réelle connaissance de son coût et de son impact sur notre pouvoir d’achat.
Ce mode de financement rend impossible la tenue d’un débat public digne de ce nom sur son avenir. Cette considération est particulièrement gênante compte-tenu des importantes réformes à venir pour garantir la pérennité des finances publiques et de l’économie françaises.
Plutôt que de généraliser le prélèvement à la source, il serait dans ce contexte plus opportun et plus fidèle aux principes démocratiques de l’interdire totalement pour que les citoyens s’acquittent personnellement de leurs obligations fiscales.
Ferghane Azihari est chargé de Mission pour l’École de la Liberté, responsable local European Students For Liberty, Paris et collaborateur chez Young Voices
Je suis opposé à ce les entreprises soient collectrices d’impôts… Parcequ elles ont mieux à faire…
Mais dire que c’est anti démocratique me,parait un brin exagéré…
Tout dépend de ce qu’on entend par démocratie. Quel contrôle les citoyens peuvent-ils exercer quand ils ne sint pas correctement informés?
Nous avons les politiciens que nous méritons… En tout point conformes aux aspirations de la,majorite des electeurs… La différence de vote ne jouant que très peu… En tout cas concernant cette culture de la depense publique, leur seule raison d’être…
De droite comme de gauche, ils n’existent que parce qu’ils dépensent… L’argent des autres ou qu’ils n’ont pas…
Mais avec l’entière complicité du peuple…
c’est la complexité des prélèvements qui rend incompréhensible la situation pour l’électeur, plus que le prélèvement à la source
Il existait pourtant une méthode et pleine de bon sens : laisser le contribuable calculer ses acomptes et le laisser payer dans l’année même, sous peine d’intérêts compensatoires. Sur la base de 10% annuels, cela reste dissuasif.
Mais non, on préfère prendre le citoyen pour un mineur irresponsable et incapable…
http://www.impots.gouv.fr/portal/static/home.html
Mon espace – Particulier – Payer – Modifier mes prélèvements, modifier mes mensualités.
Régularisation en fin d’année, avec majoration si montants mensuels trop faibles.
MichelC, malheureusement certains de nos concitoyens sont « à prendre par la main »….
Le prélèvement à la source, n’est pas une réforme… S’est juste un changement de modalités pour collecter l’impôt… Il ne simplifiera rien du tout ( et même au contraire, du moins dans un 1er temps, après s’est une question d’habitude aussi), une déclaration devra être déposée.
Exemple système actuel:
M. X a payé 3 000 € d’impôts au titre des revenus 2014.
Il a choisit la mensualisation, il est donc prélevé de 300 € par mois depuis janvier 2016 ( pour payer les revenus 2015).
Il dépose sa déclaration en mai 2016, l’impôt au titre des revenus 2015 est de 3 050 €.
Il sera donc prélevé de 300 € jusqu’en octobre 2016 avec un reliquat de 50 € en novembre.
M X a fait des travaux, il a donc un crédit d’impôt, il fait les frais réels cette année là s’est + avantageux et il a malheureusement perdu son emploi en décembre 2015, il passe tout ça au simulateur en avril 2016 et estime que son impôt ne sera que de 1 215 €.
Il appelle le centre prélèvement service (CPS) pour leur donner ces nouvelles informations, les prélèvements sont suspendus ( il a déjà payé 4 mois de 300 €: janvier à avril), il a déjà quasi tout payé niveau impôt…
Prélèvement à la source:
Année de mise en place ( janvier 2018):
prélèvement de X% sur salaire à compter de janvier 2018. Le tout premier taux applicable étant celui des revenus 2016 déposés en mai 2017.
M. X est donc prélevé de X € par mois destinés à payer l’impôt de 2018.
Il dépose sa déclaration de revenus 2017 en mai 2018.
Il y aura ajustement du taux d’imposition mais forcément l’effet ne se fera pas sentir dès janvier 2018 ( taux sera connu qu’après « moulinage » informatique de la déclaration) mais au mieux en juin 2018 ( à moins que la date de dépôt des déclarations ne soient avancées dans le temps ce qui est possible. Prenons les USA s’est en avril).
Une fois « lancée »:
janvier 2019 à mai 2019 : prélèvement de X% sur salaire ( avec taux des revenus 2017 déposés en mai 2018, ben oui logique sur « quoi » on se base sinon ?)
Dépôt de la déclaration de revenus 2018 en mai 2019. Il y aura régularisation pour l’année 2018 ( addition des prélèvements auprès de l’employeur comparés au montant de l’impôt réellement dû).
de juin 2019 à décembre 2019 : ajustement du taux avec le dépôt en mai 2019 de la déclaration de revenus 2018 ( idem on est bel et bien obligé de se baser sur le taux calculé lors du dernier dépôt de la déclaration).
M. X, prend la charge exclusive de l’enfant qu’il a eu avec sa compagne. Il le signale en février 2019, il y a un calcul de fait et un nouveau taux est donné à son employeur.
En mai 2019 il dépose sa déclaration de revenus avec donc l’enfant, mais il signale aussi ses frais réels ( non utilisé l’année précédente car pas avantageux), une perte d’emploi en décembre 2018 et un crédit d’impôt (travaux payés en décembre 2018).
Il y a calcul de l’impôt réel de 2018 : il y a solde en la faveur de M. X qui lui est restitué.
Le nouveau taux est donné à l’employeur…
De janvier à février 2019: X% de taux
de mars à mai 2019: Y% de taux tenant compte de l’enfant
de juin à décembre 2019 : Z% de taux tenant compte de la déclaration de revenus
Mai 2020 dépôt de déclaration des revenus 2019. M. X a perçu des indemnités pôle emploi ( donc pas de frais réels), il n’y a pas de crédit d’impôt sur 2019. Du coup M. X se retrouve au final à devoir un reliquat d’impôts ( suite à l’addition des prélèvements auprès de l’employeur et du calcul réel de l’impôt dû en 2019)….
Etc…
Quel système est vraiment le plus simple ? transparent ? et coûteux pour l’employeur ? Mais aussi pour le contribuable qui verra son salaire amputé de manière « obligatoire » ( alors que pour l’instant le choix lui ait laissé entre acomptes ou prélèvements)?
Je ne saisis pas le sens de cette critique. Il y aura toujours une déclaration d’impôts, et le montant prélevé sera sur le bulletin de salaire (au lieu de l’extrait de compte bancaire). Quant à savoir si les impôts sont trop forts ou mal utilisés, c’est une autre question.
Bonjour,
ce qui me parait significatif, c’est que la déclaration est faite par le foyer fiscal, mais le paiement est fait de façon préemptive sur le salaire des individus. Cela soulève deux questions : comment cela se passe-t-il pour celui qui n’a pas de salaire, mais d’autres formes de revenus? Serons-nous égaux devant l’impôt? deuxième question encore plus cruciale pour moi : comme ce n’est plus le foyer fiscal en tant que tel qui paie l’impôt mais chacun de ses contributeurs, le role de la famille comme cellule de base contributive de la vie de l’Etat s’affaiblit. De là à lui supprimer toute existence sociétale et toute fonction propre, il n’y a qu’un pas. La famille est le creuset des apprentissages, de l’éducation, de la liberté et de la responsabilité, de l’amour, de la transmission. Elle est fondamentale. Mais si, en tant que telle, elle ne contribute plus à l’effort de la nation (au sens fiscal), on lui déniera rapidement son existence même. Le processus est déjà bien avancé par ailleurs. Il restait la fiscalité. Ce dernier rempart sera bientôt en ruine.
Hervé CFTC